La formation universitaire
Laura Flores : Dans quel but a été créé cette formation de musicothérapie ?
Pierre-Luc Bensoussan : Elle existe depuis 1977. A l’époque, elle a été initiée par le professeur Pouget qui était à l’époque chef de service en psychiatrie à l’hôpital La Colombière. Il travaillait pour des enfants atteints de troubles du développement (autisme) et psychotiques. Il avait remarqué que la musique pouvait apporter une amélioration dans leur qualité de vie. Il a donc imaginé des ateliers de musique. Ensuite, il a créé ce Diplôme Universitaire afin de former et de sensibiliser le personnel soignant à la musique. Cette formation est l’une des premières en France en musicothérapie. Au départ, elle était en continue, s’adressant à des infirmiers psychiatriques et aidants d’où notre administration de tutelle avec l’université et le SUFCO. Aujourd’hui, son public s’est élargi avec les étudiants. Le directeur de la formation est le professeur Blayac et je suis le responsable pédagogique.
Laura Flores : Quels sont les enseignements ?
Pierre-Luc Bensoussan : La musicothérapie est au carrefour de plusieurs disciplines : musique, psychologie, physiologie, psychopathologie, psychiatrie, psychologie de l’enfant, etc. Nous avons des cours de musicothérapie active mode de pratique où le patient et le musicothérapeute jouent de la musique et la musicothérapie réceptive met en position le patient d’écouter les musiques choisies par le musicothérapeute pour qu’il puisse verbaliser à partir des émotions ressenties. Le Diplôme Universitaire est sur trois ans. Le premier niveau intitulé « DU musicothérapie ». Une fois les certificats validés, l’étudiant passe en troisième année « DU musicothérapeute ». Ce dernier est centré sur un stage qui dure de 6 à 8 mois. Puis, un mémoire sur sa pratique clinique en musicothérapie avec un travail de recherche. Nous organisons aussi des séminaires thématiques (maladie d’Alzheimer, autisme et supervisions des musicothérapeutes). Nous avons des masters class animés par des professeurs qui viennent d’autres pays : Clive Robbins, fondateur de la musicothérapie aux Etats-Unis et Amélia Oldfield professeur de musicothérapie à Cambridge.
Pour l’insertion professionnelle, nous avons des partenariats avec des grands groupes de résidences pour personnes âgées. On continue dans cette trajectoire en créant des liens avec des conseillers généraux qui occupent principalement toutes les activités sociales. Nos étudiants peuvent aussi être amenés à faire du libéral.
Laura Flores : Y a-t-il une sélection à l’entrée du DU ?
Pierre-Luc Bensoussan : Nous avons deux temps forts afin que les futurs étudiants puissent se renseigner : une journée portes-ouvertes à la mi-mars. Puis, la journée d’information et d’orientation qui est un préalable à l’inscription en musicothérapie (1). L’étudiant nous envoie ensuite son dossier (c.v et lettre de motivation). Une fois sélectionné, il participe à la journée d’orientation à laquelle le professeur Blayac donne une conférence sur le cursus universitaire. Ensuite, il y a un petit atelier de sensibilisation à la musicothérapie et un entretien individuel.
Laura Flores : Combien y a-t-il d’étudiants ?
Pierre-Luc Bensoussan : Nous recevons des étudiants provenant de toute la France mais un peu moins de Montpellier. Nous en avons beaucoup d’Europe ainsi que d’autres continents (Chine, Amérique du sud). La plupart des étudiants en double cursus proviennent de musique et de psychologie. Le nombre d’étudiants est de 50 par promotion. Pour les trois années réunies, nous tournons autour des 168 étudiants.
La pratique de la musicothérapie
Laura Flores : En quoi consiste la musicothérapie ?
Pierre-Luc Bensoussan : La musicothérapie ne guérit pas. Même si c’est le cas pour les autres thérapies. Cependant, elle peut enlever des symptômes et améliorer la qualité de vie du patient afin qu’il ait un meilleur rapport au monde.
Laura Flores : Dans quel cas vous pratiquez-vous la musicothérapie active et la musicothérapie réceptive ?
Pierre-Luc Bensoussan : Suivant les pathologies et les personnes. L’écoute de la musique n’est pas neutre. Dans notre formation, nous sommes plus orientés sur la musicothérapie active. Concernant la musicothérapie réceptive, nous avons des méthodes particulières, par exemple, la relaxation appelée « détente psychomusicale ». Elles sont utilisées de plus en plus sur des pathologies spécifiques comme la douleur ou l’anxiété. Ces méthodes ont un impact assez intéressant sur la qualité de vie des personnes âgées.
Laura Flores : Dans le cadre de la musicothérapie réceptive, existe-t’il des musiques qui apaisent plus que d’autres ?
Pierre-Luc Bensoussan : Nous ne partons pas de ce principe-là. Le musicothérapeute adapte la musique par rapport à l’état du patient, ses goûts et son histoire. Dans une phase de prise en charge, il y a une série d’entretiens préliminaires. Le choix de la musique ne se fait donc pas essentiellement sur les goûts musicaux mais sur la relation du musicothérapeute avec le patient.
Laura Flores : Utilisez-vous tous les instruments de musique dans le cadre de la musicothérapie active ?
Pierre-Luc Bensoussan : Le principe de base est d’utiliser des instruments de musique qui soient faciles d’approche. Souvent nous faisons appel à des instruments de percussions, instruments à vent et de qualité sonore. Le travail de musicothérapeute est aussi d’inventer ou de concevoir des instruments qui s’adaptent aux pathologies.
Laura Flores : Quelles ont été les avancées dans la recherche ?
Pierre-Luc Bensoussan : Nous travaillons avec des unités de recherche en neuroscience françaises et québécoises sur l’impact de la musique sur le cerveau. Nous nous sommes rendus compte que la zone sollicitée dans le cerveau n’est pas la même pour la musique que le langage. Nous nous en sommes aperçus en clinique, surtout pour la maladie d’Alzheimer, quand la mémoire est très affectée. Les patients chantaient des comptines et donc communiquaient à nouveau par le biais de la musique. De même, les aphasiques (2) retrouvaient un langage beaucoup plus intelligible. La musique déclenche des connections. Par exemple, certaines personnes se trouvant handicapées et ne pouvant pas effectuer certains gestes, arrivaient à le faire en devenant « acteurs sonores ».
Laura Flores : Pouvez-vous décrire une journée- type d’un musicothérapeute ?
Pierre-Luc Bensoussan : La base est le travail relationnel dans une institution. Il faut créer du lien avec le patient et le personnel. Après, il y a la prescription du médecin, psychologue et de l’équipe soignante. A partir de ces données, le musicothérapeute rencontre le patient. Il doit connaître la pathologie et effectuer des recherches sur le traitement. Suite aux nombreuses rencontres et aux bilans, il établit le projet thérapeutique qui va orienter les moyens à mettre en œuvre.
En plus de rendre compte de son travail, le musicothérapeute peut aussi avoir d’autres rôles. Il peut être conseiller auprès de l’équipe soignante. S’il est dans une résidence, il peut collaborer avec l’animateur et le conseiller. Il conseille notamment sur tout ce qui touche au sonore dans l’institution comme le bruit.
Laura Flores : La musicothérapie a aussi une charte déontologique, quels sont les points selon vous les plus importants ?
Pierre- Luc Bensoussan : C’est un ordre déontologique très important qui est le fondement même de l’éthique du musicothérapeute. Les points essentiels sont le secret professionnel, rendre compte de son travail et le contrôle de l’analyse du musicothérapeute. Le fait de faire de la musique ne nous empêche pas de faire un travail sur soi surtout quand nous prenons en charge des personnes.
Notes :
(1) Le 25 Juin 2010.
(2) Incapacité d’exprimer ses pensées par des mots.
Pour aller plus loin :
La fédération de musicothérapie française
Charte déontologique du musicothérapeute
DU de musicothérapie de l’Université Paul-Valéry
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