Pionnier en la matière, le site d’information participatif est lancé le jour du second tour des élections présidentielles de 2007. Rue89 se fait rapidement une place de choix dans le paysage balbutiant des médias sur le web. Malgré 2 millions de visiteurs uniques par mois en 2011, le site internet ne dégage toujours pas de recettes suffisantes pour assurer sa pérennité. [[Invité au mois de novembre pour expliquer le fonctionnement de Rue89 à l’équipe de Hautcourant, Pascal Riché avait déjà confié qu’il manquerait probablement 300 000 euros sur l’année pour être à l’équilibre budgétaire. Lors de l’annonce du rachat de Rue89, son président, Pierre Haski, faisait part quant à lui de 400 000 euros de déficit pour 2011.]]
Ce rachat de Rue89 par un grand groupe de presse n’est-il pas symptomatique de la fragilité dans laquelle se trouve le modèle gratuit des sites d’information?
A vrai dire il n’existe aucun modèle sur internet. Les journalistes se trouvent dans une phase de transition. Les sites d’information sont à la recherche d’un modèle économique. Ils testent des concepts dans un contexte où tout va très vite. Par exemple, les tablettes qui débarquent sur le marché français n’existaient pas avant 2010. Les groupes de presse qui se préparent le mieux à cette dynamique seront, à mon avis, les plus solides dans les deux années à venir. Je ne donne pas cher de la peau de certains confrères qui estiment que l’information sur le web est dans une impasse.
Une partie importante de la presse se tourne désormais vers la toile. Les sites sont de plus en plus visités et ils génèreront, à priori, des recettes publicitaires de plus en plus importantes. Avec 2 millions de recettes annuelles [[Rue89 a en effet généré en 2011 un chiffre d’affaires de 2 millions d’euros. Mais si la part de la publicité y est importante (60 % des revenus), elle n’en est pas l’unique source. En se spécialisant dans des services comme la formation et la conception de sites web, Rue89 a ainsi assuré 40 % de ses revenus.]] , Rue89 est relativement solide. Nous ne sommes d’ailleurs plus très loin de notre objectif en ayant atteint l’équilibre budgétaire au dernier trimestre 2011…
Ce qui est une première pour Rue89?
Oui. Mais il ne s’agit que d’un trimestre. Ce n’est donc pas très significatif. Il faut savoir que la publicité est cyclique: le dernier trimestre est toujours meilleur que le premier. Disons plutôt que c’est encourageant pour notre équipe.
Prévoyez-vous de mettre en place un système d’abonnements payants pour Rue89?
Non. Il n’est pas question, pour l’instant, de nous lancer dans un tel projet. Le format payant ne correspond toujours pas à notre vision de l’information sur le web.
Comment envisagez-vous être sous la direction du groupe Perdriel sans perdre votre indépendance?
Nous ne sommes pas véritablement sous la direction de Claude Perdriel: il nous a assuré l’autonomie. Si nous avons été d’accord pour le rachat de Rue89, c’est que nous estimons que ce groupe nourrit de hautes ambitions pour les nouveaux médias numériques.
Il faut préparer l’avenir. Nous avons commencé à nous adapter tout seul, et désormais nous le ferons au sein d’un groupe de presse qui nous convient puisque nous partageons ses valeurs.
Une négociation avec l’équipe de Rue89 a-t-elle eu lieu avant le rachat du site par Claude Perdriel?
Ce rachat a été décidé par les fondateurs, dont je fais partie, et les actionnaires de Rue89 qui ont jugé que cette option était la plus raisonnable.
[[En juin dernier, le groupe Perdriel s’était déjà immiscé dans le pure-player en investissant dans 3,4% de son capital. Une tentative vaine. Aujourd’hui tous les actionnaires de Rue89 ont cédé leur participation au groupe de presse.]] Certes, il n’y a pas eu de concertation préalable avec l’équipe, mais depuis, elle a fait savoir à Monsieur Perdriel qu’elle approuve cette opération.
En 2007, avec vos confrères co-fondateurs de Rue89 (Pierre Haski et Laurent Mauriac), vous aviez quitté Libération alors dirigé par Laurent Joffrin. Aujourd’hui, vous vous retrouvez à nouveau sous l’égide du même homme, à la tête de la rédaction du Nouvel Observateur. N’est-ce pas le signe d’un échec pour vous?
Non pas du tout. Nous ne sommes pas sous l’égide de Laurent Joffrin. Lors de la conférence de presse de lancement, il avait précisé qu’il ne se mêlerait pas du contenu éditorial de Rue89.
Quand Laurent Joffrin a dirigé pour la première fois la rédaction de Libération, dans les années 1990, j’étais chef du service Economie, Pierre Haski gérait le service Etranger et Laurent Mauriac menait le service Multimédia. Tous trois étions donc en étroite collaboration avec Laurent Joffrin. Nous nous entendions très bien et nous ne nous sommes pas quittés en mauvais termes. Nous avons d’ailleurs fêté ces retrouvailles.
Mais comme je le répète Rue89 n’est pas devenue une filiale du journal Le Nouvel Observateur; c’est une filiale du groupe. En ce qui concerne notre ligne éditoriale, Laurent Joffrin n’a pas à s’immiscer dans nos affaires.
Le projet que vous portiez de créer tout un panel de rédactions locales, à l’image de Rue 89Lyon, risque-t-il d’être avorté?
Les déclinaisons locales de Rue89 font toujours partie des projets que nous entendons développer. La prochaine de ces rédactions va naître à Strasbourg dans les semaines à venir. Nous souhaitons créer des fils d’information locale différents de ce qui est publié dans les titres de presse régionale déjà existants. C’est un concept doté d’un fort potentiel que nous continuerons à explorer.
Bien qu’il soit trop tôt pour l’analyser, avez-vous constaté une incidence sur l’audience du site depuis l’annonce de cette fusion le 21 décembre dernier?
Non. Absolument aucune incidence sur l’audience de Rue89 n’a été notée.
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