Mercredi, c’est le jour des enfants. Au coin d’une rue, une devanture sobre : « Théâtre Pierre Tabard ». Une troupe d’enfants, accompagnés de leurs parents, se masse devant l’entrée. Une fois passée la porte, c’est un autre univers : crêpes, coloriages, lecture pour tous âges. En fond sonore, des artistes accordent leur voix avant le spectacle. Damiane Goudet, la nouvelle directrice, se charge de vendre les places à l’entrée. Le public s’installe dans la salle, les enfants aux premiers rangs, les strapontins s’abaissent, la lumière s’éteint : le spectacle commence.
Un homme, une femme, une caisse en bois, il n’en faut pas plus pour interpréter « C’est comme ça ». Une femme attend désespérément son prince charmant. Un homme l’épaule dans sa quête en compagnie de son chien « Pull ». Les enfants rient…les adultes aussi. « Si je fais du spectacle pour enfants, c’est parce que j’ai du mal à grandir. » nous confie Benjamin, l’un des protagonistes de la pièce. « Le vrai théâtre pour enfants ne se fait pas sur scène mais dans la salle. » ajoute-t-il. La troupe cherche à développer un imaginaire à partir de rien tout en refusant d’infantiliser les plus jeunes. « Pour nous, l’enfant fait partie du même monde, a les mêmes problèmes que l’adulte. Quand il voit notre spectacle, il le voit au travers du prisme du parent. » affirme Myrtille (« la femme » de la pièce). « La télé et le cinéma n’ont pas leur place dans un théâtre. Le spectateur est actif dans une salle. » conclut Benjamin.
C’est aussi l’avis de Kevin, l’un des parents ayant assisté au spectacle de l’après-midi : « Aujourd’hui, les enfants ont l’habitude de passer leur temps, passifs, devant un écran, que ce soit les jeux vidéo ou les films ». Le théâtre Pierre Tabard a préféré miser sur l’interactivité : « L‘enfant est un grand philosophe qui a beaucoup à nous apprendre. Le partage avec celui-ci est plus intéressant qu’avec les adultes. » assure Dagory, l’acteur couteau-suisse du « Petit chaperon rouge en…chanté ». Ce dernier y campe successivement un loup « crooner », une mère-grand momifiée et un chaperon rouge benêt, sur fond de débat littéraire entre la version de Perrault et celle des frères Grimm. « J’ai rigolé, j’ai chanté. Il y avait des chansons que j’ai apprises. » s’enthousiasme Céleste, six ans et demi.
Franchir le « quatrième mur », celui entre l’artiste et son public, voilà le leitmotiv de l’équipe du 17 rue Ferdinand Fabre. C’est ainsi qu’ils entendent nouer un dialogue avec l’enfant, et, par la même, développer leur créativité et leur sensibilité. « Développer l’imaginaire, la sensibilité, la réactivité, voilà ce qu’on essaye de faire. » conclut Damiane Goudet. Un théâtre atypique qui s’adresse volontairement aux adultes comme aux enfants en vue d’élever leur regard. À en voir la réaction des intéressés, la mayonnaise prend. Les bavards se taisent, les agités se calment, les rêveurs sont entraînés. François Di Carlo, résident du théâtre, résume : «T’as plus à faire le flic, parce que c’est l’imaginaire qui le fait à ta place. »
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