Des plaines blanchies par la neige où l’on distingue au loin une diligence, la musique horrifique d’Ennio Morricone en fond et ce générique teinté de jaune, à l’ancienne avec le logo « Ultra 70mn panavision ». Pas de doute on est bien chez Tarantino. Son huitième film adopte donc un format de pellicule spécifique utilisé dans les années 50 – au coût plus conséquent – donnant la perspective d’une image plus soignée, la promesse d’une lumière plus chaleureuse et d’un grain plus prononcé.
Au-delà de ce choix esthétique judicieux et séduisant, le film traîne à mettre en place son propos initial : le huis-clos. On sent chez le cinéaste une volonté de prendre son temps pour créer une ambiance et apprivoiser ses personnages, mais cela fait clairement défaut au film. Pendant plus d’une heure et demie, les dialogues se succèdent, parfois drôles mais souvent sans inspiration, sans folie. La tendance des films de Tarantino au bavardage, purement jouissif à ses débuts (Reservoir Dogs et Pulp Fiction), tourne ici à vide et l’ennui guette, inlassablement.
Et c’est au bout de l’attente que le film se débride et que l’intrigue se dénoue. Enfin. On retrouve alors presque le Tarantino que l’on aime. Sa violence jouissive, ses joutes verbales, son sens de l’irrévérence sont de retour. L’amusement revient, le sourire aussi. C’est avec un plaisir coupable que l’on suit le dénouement entre ces fous furieux écrits à gros traits par le cinéaste.
Les huit salopards reste plus cohérent que Django Unchained scénaristiquement. Ce dernier donnait l’impression d’une succession de bonnes idées plutôt que d’un tout cohérent. Ici, on retrouve un récit plus homogène – bien que plus creux et moins inspiré – où les différents chapitres se lient et se répondent pendant presque trois heures. Il y a tout de même quelque chose qui cloche dans cette nouvelle machinerie tarantinesque.
Depuis Reservoir Dogs et Pulp Fiction, Quentin Tarantino a perdu peu à peu cette capacité à mettre son talent et son énergie uniquement au service de ses personnages. Comme une peur palpable de ne jamais réussir à trouver l’aura, la folie et la liberté de ses deux premiers films. Ils étaient la promesse d’un cinéaste qui aurait pu devenir l’un des plus grands de tous les temps. Force est de constater que depuis Inglorious Basterds, Tarantino réchauffe ses thèmes et caricature son style et ses propres codes, au risque de donner l’impression de se regarder filmer. Son célèbre manque de modestie pourrait expliquer cette perte d’irrévérence spontanée caractéristique de ses débuts : « Je ne vais pas vous mentir, j’adore mes films et je prends énormément de plaisir à les revoir » a-t-il confié au journal Première. Pourtant ses derniers films ne sont pas mauvais, bien au contraire, mais Les huit Salopards – à l’instar de Django ou Inglorious, dénote tout de même de cette régression lente et progressive. Une promesse presque déchue.
La Bande Annonce du film :
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