Exaltée. Telle est Sofia Djama, surtout lorsqu’elle parle de son premier long métrage, Les Bienheureux. La réalisatrice algérienne de 38 ans présente son film en compétition officielle au Cinemed, après qu’il ait raflé le Prix de la meilleure actrice, pour Lyna Khoudri, à la Mostra de Venise.
Née à Oran, Sofia Djama s’installe à Alger en 2000 pour suivre des études de lettres et de langue étrangère. Elle travaille d’abord dans la publicité, mais passionnée d’écriture, elle publie un recueil de nouvelles. Des nouvelles qu’elle adaptera ensuite au cinéma. « J’adore écrire mais le cinéma c’est plus facile », plaisante-t-elle avant de préciser « j’avais besoin de transcrire mes nouvelles en image et en son ». Ecrire un scénario a alors été une évidence pour elle.
Sofia Djama réalise d’abord des courts métrages, dont Mollement, un samedi matin, l’histoire de Myassa, victime d’un violeur en panne d’érection. Elle s’attaque ensuite au long métrage, avec Les Bienheureux. « Alger c’est le personnage central du film », la cinéaste dépeint une société algérienne, post-guerre civile, en crise à travers un conflit générationnel. « J’ai eu besoin de raconter ce qui m’a traversé, ce que j’ai vécu », explique Sofia Djama. Elle qui a grandi en Kabylie, région épargnée par le conflit algérien des années 1990, a vécu un moment de sidération lorsqu’elle a constaté la situation algéroise.
A l’écran, un couple de quadra qui se déchire, et une jeunesse en perdition, le tout dans l’atmosphère étouffante d’Alger. Ce couple, des ex-quatre vingt huitard comme elle les appelle, « une minorité que j’ai voulu raconter », qui n’est plus en phase avec la société algérienne. Une jeunesse qui se tourne vers la religion, « pour emmerder les parents ». Ce conflit générationnel, Sofia Djama l’a ressenti, « j’en voulais à mon père et à ma sœur qui disaient que je faisais partie d’une génération sacrifiée, alors qu’ils nous ont laissé un héritage lourd de la révolution ».
Pour autant, Sofia Djama se dit agnostique, mais elle s’intéresse à la spiritualité . Elle dénonce « une religion stalinienne et dogmatique » pratiquée en Algérie, qui occulte l’individualisme.
Aujourd’hui, la réalisatrice vit entre Alger et Paris. Mais contrairement à certains de ses personnages, Sofia Djama pense qu’il y a encore « quelque chose à construire à Alger ». Et notamment du cinéma. Sofia Djama compte parmi la jeune garde de réalisateurs qui tente de faire revivre le cinéma algérien. Une femme parmi des hommes. Une situation qui semble lui poser davantage de problème en France qu’en Algérie, « En France c’est difficile pour les femmes réalisatrices, il y a encore certains archaïsmes, le cinéma est un milieu assez macho. En Algérie, la question du genre ne se pose pas, c’est créer qui est compliqué ». Un obstacle qu’elle a su surmonter.
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