Le conflit colombien, ce n’est pas uniquement les FARC, Ingrid Betancourt et les compagnons d’infortunes de la franco-colombienne. C’est aussi le problème des paramilitaires. A l’origine de nombreuses violations des droits de l’homme et infractions au droit humanitaire international, ils sont censés être démobilisés. Mais les scandales demeurent et des proches du pouvoir présidentiel sont suspectés. Un mois avant la présidence française de l’Union européenne, des organisations de la société civile européenne et colombienne ont ainsi tenu une conférence de presse, le 23 mai à Paris, au Centre d’Accueil de la Presse étrangère, afin de sensibiliser sur l’inquiétante situation des droits de l’homme en Colombie.
La Colombie, le « mauvais voisin »
A l’origine de cet appel, la Coordination française pour la paix en Colombie (CFPC) -qui réunit entre autres le Secours catholique, le Comité catholique contre la faim (CCFD) ou encore la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH)– ainsi que le Bureau international des droits humains – Action Colombie (OIDHACO). Au centre de leurs préoccupations, un processus de démobilisation des groupes paramilitaires qui favorise l’impunité, en toute connivence avec l’actuel chef d’Etat colombien, Alvaro Uribe (élu en 2002, réélu en 2006) (A lire aussi, sur le site RISAL: « les relents narco-paramilitaires » du président colombien et sur Bakchich.info, les manifestations qui l’ont embarrassé), proche de Washington et l’un des derniers hommes de droite au pouvoir en Amérique Latine. «Le mauvais voisin». Le durcissement de sa politique militaire, alors qu’il nie l’existence d’un conflit interne dans son pays, lui attire les foudres des défenseurs des droits de l’homme. Ces derniers s’inquiètent depuis longtemps du cas colombien. Depuis 1985, le nombre de personnes déplacées s’élève à plus de 4 millions, soit le deuxième pays après le Soudan.
Des événements récents témoignent de la précarité des droits humains ainsi que des liens suspects existant entre le pouvoir et les groupes paramilitaires, soi-disant démobilisés depuis le décret 128 de 2003 puis de la loi Justice et Paix censée encadrer la démobilisation. Le 22 avril dernier, le cousin du président colombien, Mario Uribe, a été arrêté en raison de ses liens avec les paramilitaires, suite aux révélations d’anciens chefs de ces groupes armés. Le haut niveau du pouvoir politique est gangréné. Tout comme le parlement. «Il y a actuellement 61 parlementaires poursuivis en justice et plus de 300 hauts fonctionnaires (maires, gouverneurs …)», précise Luciano Sanin, représentant de la plate-forme colombienne « Coordination Colombie-Europe-Etats-Unis », de passage à Paris pour la conférence.
Encore 10 000 paramilitaires actifs
L’aspect positif du processus de démobilisation est de faire tomber certains des hommes politiques impliqués : les anciens chefs, retirés, parlent. Et ils balancent. Dans cette optique et pour éviter de plus amples scandales, le gouvernement colombien a décidé le 13 mai dernier d’extrader aux Etats-Unis 14 des plus importants chefs paramilitaires «responsables de crimes de lèse humanité». Cela signifie que ces membres haut placés des groupes armés, qui commençaient à évoquer « des nombreux massacres », sont retirés du système judiciaire colombien. Ils ne seront jugés, sous la juridiction américaine, « que » pour trafic de drogue et non pour leurs usurpations de terres et assassinats. La justice et la vérité sont mises aux oubliettes au profit d’une impunité qui se généralise. Aux oubliettes également le droit des nombreuses victimes. Car, «les paramilitaires ce sont encore 10 000 hommes actifs, et depuis 6 ans, 12 000 assassinats politiques, 1000 exécutions « extra-judiciaires », 445 syndicalistes assassinés. Avec les FARC, le nombre d’otages est porté à 1500», dénonce Luciano Sanin.
Luis Eduardo Salcedo, lui aussi du déplacement parisien, a tenu à rappeler que dans le cadre de cet appel, la pression devrait aussi être mise sur les FARC. Acteurs du conflit, ils détiennent plus de 700 otages. Un symptôme de plus des infractions au droit humanitaire. «Le gouvernement doit les rencontrer et discuter directement avec eux. Il faut trouver un accord humanitaire», clame-t-il, révolté et lucide.
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