Concrètement, comment se manifeste la crise pour les Journaux du Midi basés à Montpellier ?
Alain Plombat: Tout d’abord par deux chiffres : 0,90 euro, c’est le prix de vente du Midi Libre et 1,58 euro, c’est ce qu’il nous coûte après avoir payé le papier, l’imprimeur, le transport, les journalistes, le personnel administratif… Heureusement, nous sommes dans un équilibre que je qualifierais de vertueux dans la mesure où 60% du chiffre d’affaires vient de la diffusion et 40% de la publicité. Je dis vertueux car chez certains confrères, le rapport est inversé. Or, étant donné la crise de la demande publicitaire, les conséquences financières sont plus importantes pour d’autres. Car avec la fragmentation de l’audience des médias entre la télé, la radio, la presse écrite, internet et aujourd’hui les portables, le gâteau publicitaire est de plus en plus partagé. Mais les Journaux du midi vont bien. C’est dur, mais ils vont bien.
« Les débats ont été très libres, et même âpres »
Pourquoi avoir participé aux états généraux de la presse ?
A.P: Parce que je trouve stupide la politique de la chaise vide. Devant l’inertie générale face à la crise, il y avait deux solutions : soit dire « j’ai pas envie d’en entendre parler », soit décider de se mettre autour de la table. La deuxième option m’a semblé plus judicieuse, même si c’est dommage que l’initiative vienne du Président de la République Nicolas Sarkozy. Quoiqu’il en soit je peux vous dire que les débats ont été très libres et même parfois âpres. Et cela a abouti sur des propositions concrètes, comme les allègements fiscaux ou la baisse des tarifs postaux, qui peuvent constituer une bouffée d’oxygène pour la presse écrite.
Vous étiez membre du groupe de travail sur la formation des journalistes. Qu’en est-il ressorti ?
A.P: Nous nous sommes penchés sur la question de savoir comment former nos journalistes pour répondre aux attentes des lecteurs. Une vraie réflexion est à mettre en place avec chaque année une réunion entre les formateurs et les éditeurs, une sorte de conseil pédagogique pour que les premiers puissent répondre aux besoins des seconds. Par exemple, si à un moments donné, les journaux ont plus besoin de faits diversiers, les écoles devraient cibler leur formation sur ce type de journalisme. Ainsi, les jeunes diplômés trouveraient plus facilement du travail. D’autre part, nous avons recommandé une formation continue obligatoire après trois ans de métier pour tous ceux qui n’ont pas été formés à devenir journaliste, formation à laquelle les autres auraient également accès. L’idée d’une plate-forme financière commune à toutes les écoles a également était lancé avec la mise à disposition d’une structure qui pourrait par exemple se matérialiser par un laboratoire technique, un outil de travail performant pour les élèves. Quant au projet de regroupement des écoles de journalisme, il n’a finalement pas été retenu.
« L’indépendance elle est dans la pratique, il faut arrêter de fantasmer »
Le Forum des sociétés de journalistes regrette que les états généraux de la presse « soient passés à côté de la question essentielle de l’indépendance des journalistes et des rédactions ». Partagez-vous cet avis ?
A.P: Non. Nous préconisons la rédaction d’un code déontologique, une modernisation des textes encadrant la profession et la constitution de chartes éditoriales annexées aux contrats de travail et rendues publiques. Ca c’est une vraie garantie de l’indépendance des journalistes. L’indépendance elle est dans la pratique, il faut arrêter de fantasmer. Moi, je ne suis pas du tout lié à Sarkozy. N’oubliez pas qu’on parle de la presse écrite, pas de TF1 et de son ami Bouygues.
Sur quoi peuvent aboutir les recommandations du Livre vert remis à Christine Albanel ?
A.P: Il y a d’abord les mesures d’urgence comme le moratoire sur la hausse des tarifs postaux et l’exonération temporaire d’une partie des charges sociales des diffuseurs. Celles-ci peuvent réellement permettre, financièrement, d’alléger le malaise. L’argent dégagé devra servir à l’investissement et la recherche, car il est temps que les quotidiens arrêtent de vivre au jour le jour et anticipent enfin sur ce que sera la presse de demain. Car ce ne sont pas les Etats généraux qui vont sauver la presse, ce sont les éditeurs et les rédacteurs qui doivent gagner la bataille. Nous avons notre destin entre nos mains.
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