The Dust of Time n’est autre que le second volet d’une trilogie commencée en 2004 avec Eléni. On y découvre un jeune réalisateur, qui décide de filmer la vie de ses parents, Spyros et Eléni, deux émigrés grecs dont la vie accusera le poids de l’histoire, à perpétuité.
Angelopoulos défend un cinéma personnel, où la fiction est empreinte de souvenirs liés à la seconde moitié du XXème siècle. Cette poussière du temps est la marque visible d’une mélancolie dont le cinéaste s’est accommodé au fil des années. Souvent, il la métamorphose, comme dans ce film fleuve. Parfois, il refuse de l’évoquer.
Haut Courant : Dans ce film, les évènements de la Guerre Froide sont omniprésents. Vous subissez le poids de l’Histoire?
C’est la question que j’essaie de poser dans le film : nous faisons l’histoire ou nous la subissons? Je fais un cinéma personnel, j’y aborde ce qui me touche profondément. Mon travail, ma vie, mes amours appartiennent à la seconde moitié du XXème siècle. Au cours de cette période, des familles ont été divisées en deux, parce que le monde était divisé en deux. Je voulais montrer cette partition.
Haut Courant : Vous réalisez ce film vingt ans après la chute du Mur de Berlin. Vous en gardez quel souvenir?
Le film se termine en effet le premier jour du début d’un nouveau siècle. Le jour de la chute du Mur, les gens pleuraient. On imaginait quelque chose d’extraordinaire. Quelques années après, c’était la guerre en Bosnie.
Haut Courant : Le film est empreint de mélancolie. Vous regrettez le temps qui passe?
La mélancolie, c’est la dignité du sentiment. Ce film, je l’avais en tête mais il a été très complexe à réaliser avec les allers et retours entre les époques. Pour moi, il y a unicité dans le temps, nous vivons avec le poids du passé et nous en faisons notre futur, tout se lie. Tout est rassemblé. Vous me suivez?
Haut Courant : Vous êtes donc pessimiste?
Quelqu’un que je connais disait : « Je préfère ma mélancolie à votre optimisme. »
Haut courant : Et c’était qui?
C’était moi.
Haut courant : Une scène du film aborde la mort de Staline. C’est une époque sublimée?
Il y avait beaucoup d’émotion sur le plateau quand les acteurs étaient rassemblés devant la statue de Staline. Sa mort a été un tournant. Il a fait des choses incroyables mais aussi des meurtres. Mais en Russie, les gens ont l’habitude de vivre avec un tsar, avec un dirigeant fort. Les utopies ont transformé le monde, même si de grandes déceptions ont suivi.
Haut Courant : La musique que l’on entend dans le film vous a t elle aidé à transposer ce vague à l’âme?
A mes débuts, je n’aimais pas la musique d’illustration que l’on peut trouver dans les films américains. Puis, j’ai découvert une musique qui pouvait donner plus d’intensité aux scènes. La musique a le pouvoir de ressusciter le passé dans le présent. Cela est visible dans la scène de danse dans le métro par exemple.
Haut Courant : Pourquoi une trilogie? Vous teniez autant à cette histoire?
Véritablement, on ne fait jamais qu’un seul film. Tout le reste, ce sont des variations autour de lui.