Les Etats-Unis demandent depuis plusieurs mois à leurs alliés engagés en Afghanistan dans le cadre de l’Otan d’augmenter le nombre de leurs soldats, notamment dans le sud du pays, la zone la plus violente. Le gouvernement polonais a donc annoncé l’envoi de 400 militaires de plus, portant ainsi leurs troupes à 1600 hommes. Une condition est pourtant ajoutée, à savoir que la totalité des troupes soit basée au même endroit. La chambre des communes canadienne a donné son feu vert la semaine dernière à la prolongation de la mission de ses 2500 soldats jusqu’en 2011 au sud de l’Afghanistan. Elle demande en échange l’envoi de 1000 soldats en renfort dans la zone.
La France réfléchit à accroître son effort militaire hors de Kaboul et à la réintégration des commandos des forces spéciales, retirées en majorité en 2007 par Jacques Chirac. Nicolas Sarkozy a aussi envoyé le mois dernier trois avions Rafale pour compléter les Mirage déjà présents. Il explique vouloir garantir « l’avenir de nos valeurs et celui de l’aliance atlantique ». « La France restera engagée en Afghanistan aussi longtemps qu’il le faudra ». Mais les réflexions ne suffisent plus, les Etats-Unis et le Canada font pression sur Paris pour savoir où exactement ils comptent envoyer leurs renforts. Cela pourrait se faire à l’est du pays, permettant à des unités américaines de rejoindre les canadiens au sud.
La France au sein de deux missions multinationales
Deux coalitons internationales se déroulent en Afghanistan et la population locale s’y perd. La première est l’Opération Enduring Freedom (OEF) appelée aussi liberté immuable, menée par les Etats-Unis contre le terrorisme islamiste. Elle a débuté en 2001 à la suite de l’intervention américaine après les attentats du 11 septembre. La deuxième est la Force internationale d’assistance à la stabilité (Fias), crée en 2001 lors des accords de Bonn. Elle est commandée par l’Otan depuis 2003 qui pour la première fois se déploie en dehors de sa sphère atlantique. Depuis 2006 la Fias tend à remplacer l’OEF. Rassemblant 39 Etats et comptant 43 250 soldats (les soviétiques à l’époque avaient déployé jusqu’à 115 000 hommes), son but est « d’aider les autorités afghanes à exercer leur pouvoir sur l’ensemble du pays afin de créer les conditions propices à la stabilisation et à la reconstruction ».
La France est engagée sur ces deux fronts. Elle n’y a pas beaucoup d’intérêts stratégiques, à part la lutte contre le terrorisme, la drogue et manifester sa solidarité transatlantique. Toutefois surmonter les clivages existants entre les 25 nations européennes engagées peut donner un aperçu de l’avenir de l’Europe de la Défense, un projet que Nicolas Sarkozy aimerai relancer. L’Hexagone met ainsi à disposition pour l’OEF et la Fias 1900 hommes en comptant ceux basés dans des pays limitrophes et assure un commandement tournant de la région autour de Kaboul. Les troupes françaises ont plusieurs missions. Certains sont chargés du contrôle de Zone, d’autres forment des officiers afghans et des forces spéciales (kandaks) ou sont intégrés dans des unités de l’armée nationale afghane. De plus un contrôle de l’espace aéro-maritime du nord de l’océan indien est en place.
Un contexte historique turbulent
La situation actuelle ne peut se comprendre sans un retour dans le passé. L’Afghanistan est un pays qui comporte plusieurs ethnies (Patchouns, Tadjiks, Turkmènes…) et influences islamiques. En 1979, mais après déjà des siècles de turbulences en tout genre, l’Afghanistan est envahit par les troupes soviétiques qui y ont des intérêts stratégiques. La résistance du djihad afghan commence, avec l’aide entre autre des Etats-Unis et du pakistan. La guérilla attire de nombreux moudjahidines qui profite de la situation pour s’entrainer. Un certain Oussama Ben Laden crée alors le mouvement Al-Quaeda (la base). L’extrémisme religieux augmente et le pays devient le symbole de la guerre sainte contre l’Occident.
En 1989 les troupes soviétiques se retirent et laissent place à une guerre civile entre afghans et talibans (étudiants en religion). Le régime communiste de Kaboul fini par tomber et les talibans instaurent un régime répressif en 1996.
Le 11 septembre 2001 ont lieu les attentats du World trade center. Le régime des Taliban refuse d’extrader Ben Laden, accusé d’en être l’organisateur. Les américains lancent donc contre l’Afghanistan l’opération Enduring Freedom. Ils sont rejoins notamment par les français et les britanniques. Après trois mois les talibans capitulent et un gouvernement sous l’autorité d’Hamid Karzaï est mis en place. Les complications continuent. Les forces de l’Otan sont souvent considérées par la population locale comme des occupants et non des libérateurs.
L’insécurité actuelle du théâtre afghan
Il y a eu plus de 8000 victimes du conflit en 2007, dont plus de 1500 civils. Ces chiffres sont en augmentation par rapport à ceux de 2006 et les violences sur le terrain continuent. Les humanitaires sont aussi touchés et ont de plus en plus de mal à travailler. Actuellement les insurgés talibans sont 15 000 en moyenne et sont soutenus par un tiers de la population afghane. Ils essaient de retourner contre ceux qui sont pour eux des troupes d’occupation le maximum de personnes. Effectuant au début une guerre classique qui leur faisait subir des pertes, ils sont passé à une guerre asymétrique d’embûches et de raids éclairs, avantagés grâce aux montagnes et aux profondes vallées. Ils récupèrent aussi les techniques utilisées par la guérilla irakienne, soit les engins explosifs et les attentat-suicides.
Les talibans trouvent leurs ressources financières grâce à la drogue. L’Afghanistan est le premier pays producteur d’opium et l’argent de la drogue corrompt toute la société. Or la lutte à ce sujet n’est pas vraiment active. Pour le Colonel à la retraite René Cagnat, titulalire d’un doctorat consacré à l’Asie centrale, rien ne peut se gagner sans une guerre préalable contre le narco-trafic. « un véritable combat contre la drogue, à sa source afghane, donnerait la meilleure de justifications à l’action de la Fias », explique-t-il dans la revue Défense Nationale.
Un échec militaire
N’en déplaise aux Etats-Unis qui aimeraient des résultats positifs avant la prochaine élection présidentielle afin de pallier au bourbier irakien, l’afghanistan semble être un échec militaire. Après déjà six ans de guerre, la pacification du pays ne se fait pas. Les alliés ne viennent pas à bout de la guérilla. « L’insurection est plus tenace que prévu » a constaté Jean-Marie Guéhenno, chef des opérations de maintien de la paix, lors d’un réçent débat au conseil de sécurité de l’Onu. Politiquement, il est impossible de reconstruire un pays avec autant d’insécurité. Le président afghan Hamid Karzaï pense que la victoire est tout de même possible. La Fias a a contrario des réussites dans les activités civiles, comme la scolarisation des jeunes et la construction d’infrastructures.
En avril aura lieu le prochain sommet de l’Otan à Bucarest, et en juin la conférence internationale sur l’Afghanistan à Paris. Des réflexions plus nettes sur de nouvelles stratégies à adopter vont peut être enfin pouvoir se faire.
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