La défense de la famille reste un thème mobilisateur en Espagne. Dimanche 29 mars, 100 000 personnes ont manifesté dans les rues de Madrid pour protester contre le projet de loi de libéralisation de l’avortement. Depuis 1985, la législation espagnole prévoit trois cas pour avorter : le viol , dans un délai maximum de 12 semaines de grossesse, en cas de malformation du fœtus (jusqu’à 22 semaines) et s’il y a «danger pour la santé physique ou psychique de la mère». Selon des chiffres ministériels, c’est sur cette base que 97% des IVG ont été pratiquées en 2007. La Ministre à l’égalité, Bibiana Aído, souhaite en finir avec une double hypocrisie. D’une part, la loi actuelle, souvent considérée, à tort, comme trop stricte permet aux médecins de pratiquer de nombreuses IVG sans délai limite – ce qui explique que des françaises franchissent la frontière pour avorter en Espagne une fois le délai légal dépassé (12 semaines). D’autre part, seuls 2% des IVG sont pratiquées dans des hôpitaux publics où les groupes pro-vie exercent des pressions sur les médecins. Ceux-ci pouvant se déclarer objecteur de conscience par conviction ou par crainte des sanctions en franchissant la limite de la légalité… et certains d’entre-eux, pratiquer des avortements dans des cliniques privées où l’opération est coûteuse.
Normalisation européenne
Le gouvernement Zapatero entend mettre l’accent sur la prévention et l’éducation sexuelle pour pallier à une augmentation éventuelle du nombre d’IVG, une argumentation avancée par les organisations hostiles à l’avortement (HazteOir – « Fais-toi entendre », Derecho a Vivir- «Droit à la Vie», Médicos por la Vida- « Médecins pour la Vie »). En Espagne, environ 112 000 avortements sont pratiqués chaque année ( autour de 200 000 en France). Contre toutes attentes, le projet de l’exécutif n’élargit pas substantiellement le droit à l’avortement, il vise surtout à l’encadrer pour éviter les abus. L’exemple type est celui du Docteur Carlos Morín dont le dossier est en cours d’instruction. Ce gérant de cliniques de Barcelone blanchissait l’argent des nombreuses IVG réalisées dans ses établissements. En passant à une loi règlementant l’avortement avec des délais, et non plus seulement en cas de situations de nécessité particulière, l’Espagne s’aligne sur la plupart des législations européennes en la matière. L’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, le Danemark, la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Italie, la Norvège et la Suède règlementent l’IVG avec des délais.
Les mineures en question
Ce que propose le gouvernement espagnol relève d’abord de la symbolique en reconnaissant l’avortement comme un droit des femmes. Mais un droit limité à quatorze semaines de grossesse. Le projet de loi devrait conserver des délais plus amples pour les situations particulières (malformations fœtales, 22 semaines, et grave danger pour la vie de la mère ou risque de santé, délai qui reste à déterminer). L’exécutif doit encore plancher sur des lacunes juridiques. Il devra trancher sur la possibilité de provoquer l’accouchement dans le cas où de graves malformations du fœtus sont détectées au-delà des 22 semaines accordées par la future loi. Reste également à définir les sanctions pour les femmes et les médecins qui pratiqueront des avortements hors-délais. Le gouvernement souhaite supprimer les peines de prison mais n‘exclut pas des sanctions pénales si ces avortements étaient considérés comme des délits ou alors des sanctions civiles ou administratives. Enfin, si le gouvernement veut ouvrir le droit d’avorter aux mineures à partir de 16 ans sans consentement parental, face à la mobilisation de l’Eglise catholique et des associations anti-avortement, il se dit «prêt à discuter».
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