Le sida tue de moins en moins
Tous les deux ans, à la veille de la célébration de la journée mondiale de lutte contre le sida (le 1er décembre), l’Onusida, un partenariat des Nations Unies pour la lutte contre le sida publie un rapport qui fait le point sur l’épidémie au niveau mondial et régional. Cette année, le rapport qui compte une cinquantaine de pages, annonce que le sida tue de moins en moins : en 2010, 1,8 million de personnes sont décédées des suites du sida, un recul par rapport au milieu des années 2000 qui avait enregistré 2,2 millions de morts. Aujourd’hui, près de 50% des séropositifs ont accès à un traitement (antirétroviraux), ce qui a sauvé la vie à 700 000 personnes pour la seule année 2010. Mais le nombre de personnes vivant avec le VIH n’a jamais été aussi élevé, et c’est l’un des paradoxes des statistiques. Sur le plan épidémiologique, en 2010, 34 millions de personnes vivent avec le VIH.
Si le nombre de personnes atteintes par la maladie augmente autant, c’est à cause de l’efficacité des traitements et d’un plus grand accès aux soins. Les antirétroviraux sont des molécules qui perturbent la réplication du VIH, et qui améliorent donc les défenses immunitaires pour mieux résister aux infections. Ces médicaments permettent également aux personnes atteintes d’être beaucoup moins contagieuses lors de rapports sexuels.
En mai, des essais cliniques menés aux États-Unis montraient que le fait de soumettre le plus tôt possible après l’infection les personnes séropositives à un traitement par antirétroviraux permettait de réduire de 96 % le risque de transmettre le VIH à leurs partenaires séronégatifs. Mais, si les antirétroviraux permettent de contrôler la maladie, ils n’ont pas permis d’éradiquer le virus ni de guérir définitivement les malades. Ils ont transformé une maladie mortelle en maladie chronique. Il n’existe donc à ce jour aucun traitement curatif qui soit capable d’éliminer définitivement le VIH ; en revanche plusieurs pistes de traitements préventifs suivent des voies prometteuses.
Une meilleure prophylaxie
L’Onusida salue également d’importants progrès dans le domaine de la prévention : effectivement l’utilisation d’antirétroviraux (le Ténofovir et l’Emtricitabine) avant ou après un rapport à risque chez des personnes non-infectées est prescrit depuis une dizaine d’année. C’est ce que l’on nomme « TasP » pour « le traitement comme prévention » ou « trithérapie préventive ». La prise quotidienne d’une pilule d’antirétroviral réduit de deux tiers le risque d’infection au VIH. Mais une telle utilisation n’est pas anodine, car il s’agit des mêmes médicaments que ceux pris par les personnes qui ont déjà le VIH. C’est un traitement lourd qui comporte des effets secondaires.
Dans le champ de la prévention toujours, les bénéfices de la circoncision masculine : recommandée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) depuis 2007, cette intervention permettrait, selon l’étude de l’ANRS (agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales), de réduire de 76% le risque d’infection par le VIH chez les hommes. À tel point que le fait de circoncire 20 millions d’hommes supplémentaires à travers l’Afrique orientale et l’Afrique australe pourrait éviter 3,4 millions de nouvelles infections au VIH d’ici à 2015 (Onusida). Mais comment ça marche ? L’idée repose pour l’essentiel sur le postulat que certaines cellules présentes sur la face interne du prépuce seraient des portes d’entrée privilégiées du virus au sein de l’organisme lors d’une relation sexuelle. Cependant, cette pratique ne protège pas complètement et ne doit pas remplacer les autres méthodes de prévention, il faut également veiller à ce que ce geste soit proposé et non imposé (OMS). La prévention passe aussi par l’information et l’éducation, cependant, depuis quelques années, on assiste à un relâchement, notamment dans la communauté gay.
Une « banalisation » de la maladie ?
En France on observe un relâchement depuis le début les années 2000 en matière de prévention. Dans la communauté gay la maladie suscite moins de craintes grâce à l’efficacité des traitements, a commenté Caroline Semaille, de l’Institut de veille sanitaire (Invs). Les rapports sexuels entre hommes représentent le seul mode de contamination pour lequel le nombre de découvertes de séropositivité VIH ne diminue pas depuis 2003 ou très peu (toujours selon l’Invs). France Lert, directrice de recherche à l’Inserm, a analysé les causes du relâchement de la prévention chez les gays. « Cela renvoie de plus en plus à un sentiment de risque accepté. Ou ce que j’appellerais un consentement au risque. Dans l’enquête que nous avons menée sur les séropositifs, on voit que la majorité des prises de risque sont vécues en toute connaissance de cause. Comme si le risque face au VIH était perçu de plus en plus comme un danger parmi d’autres. Et assumé en tant que tel. Peut-être pour vivre comme tout le monde. » Les campagnes de prévention ne semblent donc a priori plus avoir de prise sur les pratiques.
Ce relâchement de la prévention ne concerne pas que les homosexuels, mais les enquêtes manquent sur les hétérosexuels. Une enquête réalisée en 2010 par l’ANRS en île de France, sur les connaissances, les attitudes, les croyances, et les comportements de la population générale adulte face au VIH traduit un éloignement du sida de leurs préoccupations. « Le niveau de connaissance des 18-30 ans continue de baisser depuis 1998, alors qu’il augmente parmi les 45-54 ans. Ils sont même, pour la première fois en 2010, ceux qui maîtrisent le moins bien les mécanismes de transmission ». La journée mondiale du 1er décembre de lutte contre le sida devra donc remobiliser et peut être trouvera-t-elle une autre façon de délivrer son message aux nouvelles générations.
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