Attentats du 13 novembre : la mémoire des Montpelliérains à l’étude

Comment les attentats du 13 novembre ont-ils marqué les français ? Mille personnes participeront à des entretiens filmés 12 ans durant à Paris, Caen, Metz et Montpellier. Objectif : étudier l’articulation entre mémoires collective et individuelle.
Catherine Gandubert, coordinatrice du programme pour l’INSERM de Montpellier, où vient de s’achever la seconde phase du programme, a répondu à nos questions.

A Montpellier, 85 personnes ont été interrogées dans le cadre du programme de recherche 13-novembre. Comment ont-elles été sélectionnées ?

L’échantillon n’ayant pas pour but d’être représentatif de la société française, les enquêtés ont été recrutés sur la base du volontariat. Le seul critère de sélection était d’être stable géographiquement afin de pouvoir participer aux prochains entretiens prévus en 2021 et en 2026.

Trois ans après les faits, ressentez-vous encore de l’émotion chez les personnes interrogées ?

La première phase s’est déroulée six mois après les attentats du 13 novembre. L’émotion était palpable. Elle l’était encore il y a quelques semaines lorsque j’ai participé aux entretiens de la deuxième phase à Caen. Beaucoup de gens étaient submergés par l’émotion, avaient des trémolos dans la voix. A Montpellier, c’est un peu moins le cas. Peut-être parce que c’est la ville la plus éloignée de Paris parmi les participantes au programme.

Globalement, comment les personnes interrogées à Montpellier ont-elles réagi suite aux attentats ?

Il y a eu des réactions assez différentes. Pour certains, continuer à vivre normalement et faire preuve de solidarité sont des signes de résistance face au terrorisme. D’autres ont eu peur de sortir de chez eux pendant quelques jours, puis ont repris leurs habitudes une fois la tempête médiatique autour de l’évènement achevée.
Chez une minorité des enquêtés, c’est le pessimisme qui l’emporte. Au point de regretter d’avoir donné naissance à un enfant dans le monde actuel par exemple.
On a même eu quelques réactions de personnes qui avouent se méfier désormais lorsqu’elles croisent une femme voilée.

Quelles observations sur la mémoire avez-vous pu faire au cours des deux premières phases ?

On a plusieurs réponses qui ont évolué entre les deux phases. Notamment quand on demandait aux gens quels événements leur rappelaient le 13 novembre 2015.
Six mois après, on avait droit à un listing précis des attentats précédents. Ils citaient Charlie Hebdo ou le 11 septembre 2001. Aujourd’hui, les enquêtés évoquent une “vague d’attentats”. Ils ont du mal à reconstituer la chronologie des événements et se plaignent de leur mémoire.
Je vois ça comme mise à distance et une volonté de se protéger face à l’horreur.

Le programme doit durer encore 10 ans. Qu’espère t-on apprendre à son issue ?

L’étude est très large mais parmi ses points saillants figure notamment la question de la mémoire flash. Il s’agit de voir si les enquêtés se souviennent des circonstances précises dans lesquelles ils ont vécu un événement.
On cherche aussi à comprendre pourquoi on retient un événement plutôt qu’un autre et comment s’articulent mémoires individuelle et collective.

Quand disposerons-nous des premières conclusions scientifiques ?

C’est un projet pluridisciplinaire titanesque qui va occuper la recherche pendant des décennies. Pour l’heure, nous en sommes à l’analyse statistique de nos échantillons et aux retranscriptions des entretiens filmés lors de la première phase.

Plus d’informations sur : www.memoire13novembre.fr

Le Sida : un contexte épidémiologique et social différent

Aujourd’hui, les personnes infectées par le VIH et qui sont diagnostiquées assez tôt n’apprennent plus à mourir, mais à vivre avec le VIH. La médication s’est grandement améliorée, la prévention paie et les malades bénéficient d’un meilleur accès aux traitements, à tel point qu’on assiste à une « banalisation » préoccupante de la maladie.

Le sida tue de moins en moins

Tous les deux ans, à la veille de la célébration de la journée mondiale de lutte contre le sida (le 1er décembre), l’Onusida, un partenariat des Nations Unies pour la lutte contre le sida publie un rapport qui fait le point sur l’épidémie au niveau mondial et régional. Cette année, le rapport qui compte une cinquantaine de pages, annonce que le sida tue de moins en moins : en 2010, 1,8 million de personnes sont décédées des suites du sida, un recul par rapport au milieu des années 2000 qui avait enregistré 2,2 millions de morts. Aujourd’hui, près de 50% des séropositifs ont accès à un traitement (antirétroviraux), ce qui a sauvé la vie à 700 000 personnes pour la seule année 2010. Mais le nombre de personnes vivant avec le VIH n’a jamais été aussi élevé, et c’est l’un des paradoxes des statistiques. Sur le plan épidémiologique, en 2010, 34 millions de personnes vivent avec le VIH.

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Si le nombre de personnes atteintes par la maladie augmente autant, c’est à cause de l’efficacité des traitements et d’un plus grand accès aux soins. Les antirétroviraux sont des molécules qui perturbent la réplication du VIH, et qui améliorent donc les défenses immunitaires pour mieux résister aux infections. Ces médicaments permettent également aux personnes atteintes d’être beaucoup moins contagieuses lors de rapports sexuels.
En mai, des essais cliniques menés aux États-Unis montraient que le fait de soumettre le plus tôt possible après l’infection les personnes séropositives à un traitement par antirétroviraux permettait de réduire de 96 % le risque de transmettre le VIH à leurs partenaires séronégatifs. Mais, si les antirétroviraux permettent de contrôler la maladie, ils n’ont pas permis d’éradiquer le virus ni de guérir définitivement les malades. Ils ont transformé une maladie mortelle en maladie chronique. Il n’existe donc à ce jour aucun traitement curatif qui soit capable d’éliminer définitivement le VIH ; en revanche plusieurs pistes de traitements préventifs suivent des voies prometteuses.

Une meilleure prophylaxie

L’Onusida salue également d’importants progrès dans le domaine de la prévention : effectivement l’utilisation d’antirétroviraux (le Ténofovir et l’Emtricitabine) avant ou après un rapport à risque chez des personnes non-infectées est prescrit depuis une dizaine d’année. C’est ce que l’on nomme « TasP » pour « le traitement comme prévention » ou « trithérapie préventive ». La prise quotidienne d’une pilule d’antirétroviral réduit de deux tiers le risque d’infection au VIH. Mais une telle utilisation n’est pas anodine, car il s’agit des mêmes médicaments que ceux pris par les personnes qui ont déjà le VIH. C’est un traitement lourd qui comporte des effets secondaires.

Circoncision-contre-sida-vih.jpg Dans le champ de la prévention toujours, les bénéfices de la circoncision masculine : recommandée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) depuis 2007, cette intervention permettrait, selon l’étude de l’ANRS (agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales), de réduire de 76% le risque d’infection par le VIH chez les hommes. À tel point que le fait de circoncire 20 millions d’hommes supplémentaires à travers l’Afrique orientale et l’Afrique australe pourrait éviter 3,4 millions de nouvelles infections au VIH d’ici à 2015 (Onusida). Mais comment ça marche ? L’idée repose pour l’essentiel sur le postulat que certaines cellules présentes sur la face interne du prépuce seraient des portes d’entrée privilégiées du virus au sein de l’organisme lors d’une relation sexuelle. Cependant, cette pratique ne protège pas complètement et ne doit pas remplacer les autres méthodes de prévention, il faut également veiller à ce que ce geste soit proposé et non imposé (OMS). La prévention passe aussi par l’information et l’éducation, cependant, depuis quelques années, on assiste à un relâchement, notamment dans la communauté gay.

Une « banalisation » de la maladie ?

En France on observe un relâchement depuis le début les années 2000 en matière de prévention. Dans la communauté gay la maladie suscite moins de craintes grâce à l’efficacité des traitements, a commenté Caroline Semaille, de l’Institut de veille sanitaire (Invs). Les rapports sexuels entre hommes représentent le seul mode de contamination pour lequel le nombre de découvertes de séropositivité VIH ne diminue pas depuis 2003 ou très peu (toujours selon l’Invs). stats_heb.jpg France Lert, directrice de recherche à l’Inserm, a analysé les causes du relâchement de la prévention chez les gays. « Cela renvoie de plus en plus à un sentiment de risque accepté. Ou ce que j’appellerais un consentement au risque. Dans l’enquête que nous avons menée sur les séropositifs, on voit que la majorité des prises de risque sont vécues en toute connaissance de cause. Comme si le risque face au VIH était perçu de plus en plus comme un danger parmi d’autres. Et assumé en tant que tel. Peut-être pour vivre comme tout le monde. » Les campagnes de prévention ne semblent donc a priori plus avoir de prise sur les pratiques.

Ce relâchement de la prévention ne concerne pas que les homosexuels, mais les enquêtes manquent sur les hétérosexuels. Une enquête réalisée en 2010 par l’ANRS en île de France, sur les connaissances, les attitudes, les croyances, et les comportements de la population générale adulte face au VIH traduit un éloignement du sida de leurs préoccupations. « Le niveau de connaissance des 18-30 ans continue de baisser depuis 1998, alors qu’il augmente parmi les 45-54 ans. Ils sont même, pour la première fois en 2010, ceux qui maîtrisent le moins bien les mécanismes de transmission ». La journée mondiale du 1er décembre de lutte contre le sida devra donc remobiliser et peut être trouvera-t-elle une autre façon de délivrer son message aux nouvelles générations.

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Les vaccins contre le VIH : où en est la recherche ?

Trente ans après la découverte du VIH, la recherche scientifique a effectué des avancées révolutionnaires en matière d’immunologie. 2011, à l’aube de nouveaux progrès dans la lutte contre le Sida, voici un point sur les avancées scientifiques concernant le vaccin.

Depuis le début de l’épidémie, au début des années 80, les chercheurs sont à l’affût pour mettre au point le traitement ultime, le vaccin. D’une façon générale, la mise au point d’un vaccin contre le sida est extrêmement délicate car les connaissances sur le virus sont incomplètes. De nombreux chercheurs, financés par des firmes ou des laboratoires, ont engagé alors une concurrence effrénée.

Vers un vaccin préventif ?

vaccinSIDA_M.jpgEn septembre 2009, des chercheurs thaïlandais et américains (laboratoire californien VaxGen) avaient annoncé à Bangkok, avoir mis au point un vaccin à même de réduire significativement le risque de contamination par le virus du sida. Un essai clinique conduit sur 16 000 personnes avait cependant montré l’effet modeste de ce vaccin expérimental, avec 30% de personnes infectées en moins par rapport au groupe témoin. Or il faudrait atteindre 60% pour constater un impact sur l’évolution de l’épidémie. Le vaccin était une combinaison de deux vaccins testés auparavant mais qui ne s’étaient pas révélés efficaces indépendamment l’un de l’autre. Même si les données sont positives, les chercheurs militaires américains soulignent que de nombreuses discussions doivent encore avoir lieu avant que quelqu’un décide d’utiliser des vaccins avec une aussi faible efficacité. Mais ils représentent toutefois une avancée scientifique qui encourage à poursuivre les recherches. « Ce résultat représente une percée car c’est la première fois qu’il y a une preuve qu’un vaccin contre le virus VIH a une efficacité préventive », ont indiqué dans un communiqué les chercheurs.

La découverte de nouveaux anticorps aux Etats-Unis

Le_virus_du_sida_s_agrippe_a_une_cellule_lymphocyte_T4_et_l_infecte.jpg Autre stratégie vaccinale explorée : de nouveaux anticorps, capables de neutraliser 90% des souches connues du VIH, ont été découverts par des chercheurs américains en août 2011. Le Professeur Dennis Burton et ses collègues du Scripps Research Institute ont isolé 17 anticorps qui deviennent de nouvelles pistes dans la recherche de vaccins. Les anticorps sont en quelque sorte les « armes » du système immunitaire contre les agents infectieux, virus ou bactéries. Dans le cas du VIH, ses multiples et rapides mutations lui permettent d’échapper aux anticorps. Les virologues ont découvert les nouveaux anticorps à partir de prélèvements provenant de quatre individus séropositifs, qui se trouvaient dotés d’une forte réponse immunitaire naturelle contre le VIH. En inhibant une protéine située à la surface du virus, ces anticorps empêchent le VIH d’attaquer les cellules immunitaires. Mais ces travaux restent à un stade encore préliminaire, les tests ont été réalisés in vitro, pas encore sur l’animal.

Un vaccin pour protéger le système immunitaire made in France

2867153-isol-le-virus-vih-2.jpgL’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a autorisé en octobre la société biopharmaceutique française InnaVirVax, du Génopole d’Evry en Essonne, à tester un vaccin thérapeutique (VAC -3S) contre le sida sur 24 patients sous trithérapie à l’hôpital Cochin et à la Pitié-Salpêtrière. Ce vaccin ne vise pas à protéger les individus sains du virus VIH, mais à aider ceux qui ont déjà été infectés à mieux s’en défendre, en protégeant le système immunitaire. Il faut être sûr qu’il ne provoquera pas d’effet néfaste, c’est donc un essai clinique de phase 1. Si un jour ce vaccin voit le jour pour le grand public, « le traitement sera plus léger pour le malade qu’une prise médicamenteuse journalière » nous apprends Joël Crouzet, fondateur d’InnaVirVarx. « Il consiste en trois injections intramusculaires du vaccin à 4 semaines de distance.» Ce traitement viendrait en complément des thérapies actuelles, basées sur les antirétroviraux, qui font presque disparaître toute trace du virus mais n’améliorent pas la défense de l’organisme. En bref, si les essais sont concluants, le vaccin VAC-3S deviendrait le premier traitement à renforcer les défenses immunitaires pour les patients infectés par le VIH.

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En conclusion, la recherche sur les vaccins représente un réel espoir et ouvre de nouvelles perspectives. Même si de précédents essais de vaccins contre le VIH ont donné finalement peu de résultats, les chercheurs continuent de poursuivre leur effort pour éradiquer cette maladie.