«Les vignerons du Midi sont économiquement morts» répond-t-il, au plan de soutien d’urgence à l’agriculture annoncé par Nicolas Sarkozy. La crise du vignoble languedocien perdure et révèle d’importants problèmes de financement et d’organisation face au marché actuel. « Nous attendons de vous que vous preniez la mesure de l’asphyxie économique que connait la région ». En effet, les revenus nets des viticulteurs ont chuté en moyenne de 70% entre 2007 et 2008, selon les statistiques confirmées par Agreste sur le site du ministère de l’Agriculture. La profession considère que les aides, estimées à 1,5 milliards d’euros pour l’ensemble de la filière agricole, ne sont pas adaptées à leur situation. En cortège et sous le bruit des pétards viticoles, elle a marché derrière le cercueil du « dernier vigneron » dans les rues de la ville.
La situation financière des viticulteurs de la région s’explique par les nombreuses campagnes d’arrachage mises en place, diminuant considérablement les récoltes, et s’associe à des prix de vente qui ne suffisent plus à leur rémunération. En 2004, le court du vin a connu une crise sans précédent en diminuant de moitié par rapport à l’année précédente. Malgré une reprise en 2007, la hausse des cours espérée n’a pas eu lieu. De jeunes agriculteurs gardois rencontrés précisent que « les jours sont pires qu’à l’époque ».
Quant aux fournisseurs, les vignerons ont estimé nécessaire de rééquilibrer les marges faites par la grande distribution. « On demande 15 centimes d’euros de plus sur le prix de vente » a déclaré Philippe Vergnes qui avait dénoncé la perte de 1 000 euros à l’hectare pour un viticulteur quelques jours auparavant.
Les chiffres de la production en 2009, publiés ce jeudi par l’Organisation Internationale de la Vigne et du vin (OIV), ont été estimés à 45,7 millions d’hectolitres et placent la France au rang de premier producteur mondial de vin. Malgré cette réappropriation, l’évolution conséquente de la concurrence étrangère bouleverse le milieu viticole de la région. « On fait du meilleur vin et il se vend de moins en moins » explique un viticulteur de Carcassonne. Ajouté à une baisse de la consommation française, ils étaient venus témoigner de la précarité de leur métier et de leurs familles.
La bonification des prêts a soulevé de vives réactions, « c’est creuser un peu plus la tombe qui est déjà bien enterrée » confie un viticulteur de l’Aude, face aux nombreux plans d’aide mis en place auparavant. Inquiets, les manifestants présents ont exprimé être contre les aides, « nous voulons vivre de notre métier ». Ils demandent des mesures plus efficaces et une prise de conscience de l’actuelle disparition du vignoble languedocien.
« L’État français ne fait pas le maximum pour contrer la manne européenne (…) le ministère qui nous gère ne met pas en place un contrôle sur l’argent donné » conteste un viticulteur de Pézenas. « Le problème vient aussi de la structure des organismes syndicaux et des administrations qui nous défendent » précise un autre, « ils prennent l’argent et nous bouffent tout ». Les désaccords vis-à-vis de la FNSEA et du Syndicat des Vignerons du Midi fusent, leur reprochant une structure trop complexe, alors même que ces derniers s’opposent sur des questions de trésorerie et de DPU (Droit à Paiement Unique). Le reste de l’environnement professionnel, tel que les conseillers, les administrateurs et autres emplois, sont également remis en cause, « on fait vivre trop de monde sur nous ». L’organisation structurelle de la production viticole et de sa vente en Languedoc-Roussillon peine a évoluer face au marché.
Les viticulteurs languedociens ont rappelé à l’issue de cette journée de graves problèmes de structuration et d’organisation. Inquiets et amers, ils ont cherché à révéler aux pouvoirs politiques et à l’opinion le manque de liberté et de solidarité que connaît leur profession.
La mobilisation a été suivie activement, et des échauffourées ont eu lieu aux abords de la préfecture en fin de journée entre CRS et ultimes manifestants. Patrick CHAUDET, directeur départemental de la sécurité publique de l’Hérault, a confié la mise en place de services de sécurité supplémentaires à Béziers et Pézenas, craignant des débordements après la manifestation. Des actions ont été dernièrement menées par le Comité Régional d’Action Viticole (CRAV) sur des établissements de grandes enseignes, des administrations et des négoces de la région. Tags, alertes à la bombe, bouteilles de gaz et explosifs, ce mouvement frappe à chaque fois que la vigne souffre. Pour beaucoup de viticulteurs rencontrés, cette forme de revendication ne leur correspond pas, mais précisent que « c’est un noyau dur qui reste ».
Sur le chemin du retour, la tension est effectivement montée. A Béziers, 250 CRS ont empêché une file de bus de viticulteurs d’accéder au centre ville, ne leur laissant comme unique sortie, l’autoroute. Caillasses, chariots et pneus enflammés, la colère des vignerons s’est fait entendre jusque tard dans la nuit. Un blessé léger a été déploré parmi les policiers, et deux fils de viticulteurs ont été interpellés. De vifs saccages ont été également commis dans les communes aux alentours de Montpellier, au Crédit Agricole de Mèze, à un hypermarché de Cournonsec, et sur un magasin Lidl à Servian particulièrement. Ces actions ont cependant été limitées par rapport aux précédentes manifestations, face à la présence massive des forces de l’ordre.
Bruno Lemaire, ministre de l’Agriculture, a dénoncé le lendemain sur RMC Info, l’inacceptabilité de ces violences et rappelé le soutien du gouvernement à l’ensemble de la profession. Selon lui, le problème de la viticulture en Languedoc-Roussillon est « récurant » et révèle une incapacité à conquérir des parts de marché à l’exportation. «Je souhaite qu’il n’y ait plus qu’une seule organisation viticole d’ici quelques semaines » a-t-il ajouté. Une meilleure organisation de la filière lui apparaît nécessaire face à l’existence de quatre grandes inter-professions viticoles présentes dans la région. Mais pas un mot n’a été exprimé sur une meilleure répartition de la production et de la distribution, revendication pourtant essentielle du Syndicat des Vignerons du Midi lors de la manifestation.
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