Les Libanaises veulent transmettre leur nationalité à leurs enfants

Par le 28 janvier 2009

N’ayant pas le droit de transmettre leur nationalité ni à leurs enfants ni à leurs maris, les Libanaises se mobilisent sur Facebook.

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« On a ôté aux femmes leur droit du sang ! », s’insurge Youssef, 31 ans, né d’une mère libanaise et d’un père irakien. En effet, la loi libanaise refuse aux femmes le droit de transmettre leur nationalité à leurs enfants et à leurs maris étrangers. Une discrimination aux yeux de beaucoup de Libanaises qui ont décidé de se mobiliser, sur Facebook notamment.
«Je me bats pour mon droit naturel à être traitée à égalité avec l’homme libanais », s’exclame Gilberte Khoury Hermann à L’Orient du Jour, une Libanaise mariée à un Allemand.

« Il y a des femmes et des hommes qui en souffrent tous les jours au Liban »

Mais cette discrimination touche également les enfants de ces femmes mariées à des non-libanais. Ces derniers doivent faire face à des complications administratives souvent coûteuses. L’exemple type étant celui du permis de séjour à 1200 dollars. Sans ce sésame, impossible de résider sur le territoire ni d’obtenir un travail.
Pour Roula El Masri, membre de l’ONG CRTD-A (Collectif pour la recherche et la formation sur le développement-action), cela va beaucoup plus loin que de simples désagréments juridiques : « Il y a des femmes et des hommes qui en souffrent tous les jours au Liban, essuyant des complications administratives, des humiliations et des privations ».
« L’accès à l’éducation ou aux aides sociales, comme la gratuité des soins, est limité. Ces enfants doivent aussi faire face à des restrictions sur le marché de l’emploi », affirme le CRTD-A, à la pointe de la mobilisation. Fatmeh, mère libanaise mariée à un Palestinien, en témoigne : « Mon fils vient de décrocher son diplôme de chimie, mais il n’a pas pu se faire embaucher dans les écoles publiques de la région ». Plus délicat encore, le cas de ces enfants que leurs pères, étrangers ou bien libanais, n’ont pas reconnus. Sans aucune nationalité, ils ne possèdent qu’un laissez-passer où ne figure qu’une seule inscription : « non-libanais ».

Réformer la loi libanaise

Face à cette situation, une dizaine d’ONG libanaises et arabes dont le CRTD-A, s’est mobilisée dès 2005. Dans le cadre de la campagne « La nationalité, un droit pour ma famille et pour moi », elle réclame une modification de la législation libanaise. Elle propose un nouvel article de loi qui stipulerait : « est libanaise toute personne née de père libanais ou de mère libanaise ». Ce texte conférerait en outre la nationalité à tout étranger marié à une Libanaise après un an d’union. Une révolution, d’autant que cette loi aurait un effet rétroactif et ne discriminerait aucune nationalité notamment les Palestiniens. Ce dernier point soulève nombre de critiques parmi les opposants à la réforme. Selon eux, elle faciliterait l’implantation de réfugiés palestiniens sur le territoire levantin en leur conférant à eux ou leurs enfants la nationalité libanaise. « Un affreux mythe, une façon de pénaliser les femmes » rétorque Lina Abou Habib.

« Facebook a donné un énorme coup de pouce à la campagne »

Animée par Nathalie Ibrahim Naoum ou Roula El Masri, la mobilisation prend de l’ampleur en 2008. Lobbying et communication politiques, ces militantes ONG ont su faire parler d’elles. En juillet dernier, le sit-in très médiatisé devant le Conseil des Ministres a été suivi dès octobre par un rassemblement place des Martyrs à Beyrouth. Le symbole est fort. Mais la création du groupe Support Women’s Right to Nationality and Full Citizenship sur Facebook marque sans conteste leur grande réussite. Il rassemble déjà 13 600 membres.
« Facebook a donné un énorme coup de pouce à la campagne. Des personnes des quatre coins du monde ont décidé de se rallier à la cause. Il faudra compter aussi avec tout l’entourage de ces membres. C’est ainsi que nous espérons faire bouger les choses » explique Nathalie Ibrahim Naoum.

Des signes encourageants

Malgré une menace de boycott électoral et des déclarations du Premier Ministre encourageantes, les autorités n’ont toujours pas plié. Cependant, les ONG peuvent faire prévaloir d’autres arguments. Tout d’abord une décision de justice d’août 2008, accordant la nationalité à deux frères nés de mère libanaise et de père étranger. Mais aussi et surtout l’exemple de pays arabes voisins où une mobilisation similaire a porté ses fruits. L’Egypte et l’Algérie ont ainsi autorisé leurs citoyennes à transmettre leur nationalité à leurs enfants. Un bémol néanmoins, en Egypte, les maris en sont exclus et la mise en œuvre de la loi tend à écarter les Soudanais et les Palestiniens. Ces « deux changements majeurs », selon Lina Abou Habib, ne font que renforcer la détermination des Libanaises engagées dans ce combat pour l’égalité des femmes.

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