Languedoc-Roussillon, les raisins de la colère

Par le 26 novembre 2009

Fin d’après-midi agitée en ce mercredi 25 novembre au centre ville de Montpellier. Touchés par une rude chute des cours du vin, les viticulteurs du Languedoc-Roussillon manifestaient leur colère et leurs revendications.

En manifestant, les vignerons cherchent à interpeller la population et le gouvernement.  » Pour survivre, nous avons besoin que l’Etat et l’Union Européenne révisent le cours du marché. Par cela, j’entends des mesures plus protectionnistes : baisser les taxes au niveau des passages de douanes et empêcher les vins étrangers de rentrer sur le territoire français  » souligne Olivier, jeune viticulteur de Marcorignan dans l’Aude. Ce dernier refuse toute aide du type RSA (Revenu de solidarité active) auquel il a droit. Il ne veut pas dépendre de l’Etat et souhaite vivre de son métier. De même, l’élargissement de la PAC (Politique agricole commune) aux vignerons ne serait pas une solution pour lui. Contrairement à Michel, autre viticulteur de l’Aude, qui souhaite des aides de l’Etat ou de l’Union Européenne.

 » Je touche aujourd’hui 2 500 euros brut par mois, sans me sortir de salaire. Il me faudrait 2 800 euros pour payer toutes mes charges  » explique Olivier. Comme pour la majorité des producteurs de vin, la situation d’Olivier est précaire. Ses revenus propres issus du vin n’ont jamais dépassé 250 euros par mois. Il vit grâce aux rétributions de sa compagne. Une conséquence fréquente de la crise viticole. Ce que confirme Paul Lazes, premier adjoint à la Mairie de Névian (Aude) :  » Si les viticulteurs n’ont pas une épouse qui travaille, ils n’ont pas les moyens de survivre« . Il y a quelques années encore, les domaines employaient une petite dizaine d’ouvriers minimum. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.

« Depuis 2004, la viticulture traverse la crise la plus terrible de son histoire« , déclare Philippe Vergnes, président du Syndicat des Vignerons du Midi, organisateur de la manifestation. Cette crise émane de phénomènes conjoncturels et culturels. Avec la concurrence étrangère (Australie, Chili, Italie, Espagne…), les cours ont baissé, les matières premières ont augmenté, mais en parallèle :  » Les charges n’ont pas diminué » selon Olivier.  » Les prix du vin n’ont, par contre, pas bougé depuis 1985  » ajoute Michel. Les problèmes, qui touchent la profession, tiennent également à l’évolution des modes de consommation du vin : « De moins en moins de jeunes savent déguster un bon vin. Dans mon village, sur quarante, on est que deux ou trois à en boire. L’État n’y est pas étranger. Il a longtemps préconisé de consommer un verre par jour en disant que c’était bon pour le coeur. Aujourd’hui, il fait campagne contre toute forme d’alcool  » affirme Olivier.

La crise affecte également la vie locale et régionale.  » Si un jour le secteur viticole disparaît, c’est tout une partie de la ville qui meurt avec  » relève Paul Lazes,  » On deviendrait alors un village de fonctionnaires et de retraités « . Il explique que dans sa ville, Névian, à côté de Narbonne, 20% des actifs travaillent dans ce domaine qui soutient fortement l’économie locale. Notamment par les taxes foncières. C’est pour cette raison que de nombreux maires, « sensibilisés par la problématique« , sont venus soutenir les manifestants, dont Gérard Schivardi, édile de Mailhac (Aude) et ancien candidat à l’élection présidentielle de 2007. La région se dit, de son côté, prête à participer à la mise en place d’aides à court terme destinées aux viticulteurs.

La manifestation a rassemblé entre 5 000 et 8 000 personnes de la profession selon les organisateurs, et 3 600 selon la Préfecture de Montpellier. Un très grand nombre de forces de l’ordre a été déployé :  » Plus de 1 000 fonctionnaires de la police et de la Gendarmerie Nationale dont 600 personnes détachées de l’extérieur  » informe Florian Genny, responsable de la cellule de crise qui a été mise en place à la Préfecture. Ces forces étaient destinées à « prévenir au mieux les débordements. C’est une manifestation sensible qui a déjà connu quelques exactions par le passé« . Un avis partagé par un cafetier de la place Jean Jaurès :  » Ce n’est pas de trop. Je ne souhaite pas qu’ils viennent casser nos devantures « . Paul Lazès, quant à lui, pense  » que les forces de l’ordre sont démesurées. Je ne suis pas pour la violence. Mais je comprends que les vignerons, pris à la gorge, peuvent en user « . Peu de débordements ont toutefois eu lieu. Les CRS ont reçu quelques pierres, des cocktails molotov, des bombes lacrymogènes et des pointes désossées des grilles de l’esplanade du Peyrou. Selon eux, ce ne serait pas l’œuvre des manifestants mais celle « de casseurs, d’extrémistes, d’anarchistes » introduits dans la foule, qui s’est rapidement dispersée.

A partir de demain et durant 3 jours aura lieu la 6ème Fête de la Vigne dans le centre de Montpellier. Un moyen de se faire connaitre pour les vignerons, surtout en cette période de précarité. Pour Olivier, « c’est une manière de se représenter et de représenter la région. Mais ce n’est pas une réponse à la crise« .

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à propos de l'auteur

Auteur : Julie Derache

« Un photographe est un funambule sur le fil du hasard, qui cherche à attraper des étoiles filantes » (Querrec) Diplômée du Master 2 Métiers du journalisme, je suis passionnée à la fois par les lettres, l’écriture et par la photographie. J'aime à reprendre les mots d'Eric Valli : « La photographie est avant tout, pour moi, la rencontre, la découverte, l’apprentissage d’autres mondes. Et le partage. C’est parce que ce métier est avant tout humain qu’il me passionne. » Ces propos résument tout. Mes expériences professionnelles, mes rencontres, mes passions, et surtout pourquoi j’ai choisi d’être à la fois journaliste et photographe. Amoureuse des mots, des livres, des images et des rencontres, j’ai toujours eu à cœur de comprendre le monde et de défendre ce que je crois être des causes justes. Curieuse, j’ai toujours voulu acquérir le plus de connaissances et d’expériences possibles dans divers domaines. Ainsi, mes multiples cheminements, atypiques bien souvent, se sont constamment éloignés des sentiers battus. Jeune, je me suis engagée par le biais d’une action pour la protection de l’environnement soutenue par PPDA, Roger Gicquel, Robert Hossein, entre autres. Grâce à cela, j’ai appris les bases du métier de journaliste, son éthique, et surtout à me dépasser pour aller vers l’autre. Ensuite, mon baccalauréat littéraire en poche, je me suis dirigée naturellement vers des études d’Histoire. Après ma licence, je suis allée voir ce qui se passait ailleurs, au Québec. M’intéressant à l’investigation et voulant m’immerger dans l’histoire du pays qui m’accueillait, j’y ai écrit un essai sur la femme amérindienne chrétienne en Nouvelle France dirigé par Paul André Dubois (Université Laval), explorant ainsi la culture et l’environnement des Premières Nations. A mon retour, je me suis vraiment lancée dans le journalisme. D’abord en intégrant le Master 1 Science Politique et le Master 2 Métiers du Journalisme, puis en faisant des stages dans le monde de la presse comme du photojournalisme. Notamment à l'Agence Vu, au sein de la rédaction locale, de la rédaction Culture/Magazine de Midi Libre et de celle de Polka Magazine où j’ai notamment eu la chance de pouvoir publier une première photographie commandée par Alain Genestar. Au sein du Master, j'ai également rédigé un mémoire intitulé « Au delà des clichés. Des évolutions du photojournalisme et de l'avenir d'une profession » sous la direction d'Edwy Plenel. A ce jour, je le retravaille en vue de le publier. Pour conclure, je pourrai vous dire, en reprenant les mots de Cédric Gerbehaye : « Je fais de la photo parce que j’ai des convictions », en ajoutant que pour moi le journalisme, c'est à la fois les mots et l'image, et que mon objectif est de faire des reportages pour documenter ce dont on ne parle pas, pour rendre compte, pour témoigner en prenant le temps, en analysant, en assumant sa subjectivité.