Mesrine ressuscité

Par le 22 novembre 2008

Récemment, on a beaucoup parlé de Jacques Mesrine. Un peu moins du film. On a débattu avec ardeur de la pertinence de l’affiche et sa ressemblance avec le Christ. Un peu moins de la prestation (hors-norme) de Vincent Cassel. On a discuté, démêlé, chicané sur certains faits, certaines scènes, avérées ou non, du dyptique. Mais on a oublié que le film de Richet était une fiction. Un pur moment de cinéma.

Mesrine, un bon, une brute, un truand ? Et puis, mince, on s’en fout. Que le film, essentiellement L’ennemi public n°1, fasse la propagande d’une certaine légitimité de son personnage principal, qu’à travers une objectivité proclamée, apparaissent des petits mouvements de caméra sympathiques pour son héraut, est finalement désuet. Jean-François Richet a pris la liberté de donner son point de vue de Jacques Mesrine : un gangster sombre et violent au commencement, associé à un fanfaron épicurien et louable dans ses dernières années. Deux Mesrine pour deux films différents. Deux points de vue d’un homme pour des milliers d’interprétations.

Mesrine, le film. Dès les premiers moments de L’instinct de mort, Richet dévoile une patte, un ton, une mise en scène nerveuse et percutante. A la manière d’un Michael Mann, sa caméra est mouvante, et ne s’essoufle jamais. La force de Mesrine, c’est sa capacité à s’extirper des temps morts avec une facilité déconcertante. Les évasions de chaque prison sont filmées avec une tension palpable, qui mêle le spectateur à la fuite de Mesrine et aux moyens d’y accéder. Richet transpose les passages intimes de la vie de Mesrine (ses parents, ses amours, sa fille) à des scènes d’action brutales, sans transition, avec cette même nervosité qui le caractérise tout au long du dyptique. On ne sort pas heureux d’une projection comme Mesrine. On sort troublé.

Cassel, et les autres. Les plus grands rôles sont souvent ceux qui suggèrent les plus grandes transformations. Dans L’ennemi public n°1, Vincent Cassel, celui-là même qui ironisait De Niro dans La Haine, rasé à blanc et survet’ Adidas d’occasion, se métamorphose à chaque plan, à chaque scène. Si Mesrine excellait dans l’art des déguisements, Cassel surprend dans l’implication et la force de son jeu d’acteur. Fine moustache et raie sur le côté façon Guerre d’Algérie, chauve sur le dessus et vingt kilos dans la bedaine, ou frisettes et pull à col roulé rouge, Cassel illumine le film de son talent et s’allie à la puissance de la caméra de Richet, pour une implication totale dans l’histoire, et la personnalité de Jacques Mesrine.
A côté, un casting inouï, toutefois des seconds rôles qui passeraient presque pour des figurants à côté de M. Vincent. Depardieu en mafioso – initiateur – sans scrupules – avec valeurs – de la carrière de Mesrine, Mathieu Amalric en François Bes, compagnon de route et d’évasion, qui parle avec les yeux et Ludivine Sagnier, en fille facile et influençable, amoureuse transie du gangster. Tous bons, et pourtant tous seconds.

Un film de truands, brut et bon. Mesrine, c’est du pur cinoche. Du cinéma à l’américaine, avec des moyens (merci Thomas Langmann), des acteurs (on rajoutera Cécile de France, Samuel Le Bihan et Gilles Lellouche) et un réalisateur qui connaît parfaitement les rimes du divertissement et du talent.
Malgré tout, il manque ce petit quelque chose, cette petite flamme, rare et intense des meilleurs films de l’année. Peut être ce trouble, cette aliénation, cette part de réalité et d’histoire que dégage Jacques Mesrine lui-même. Mesrine, le film, est peut être tout simplement victime de son sujet.

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à propos de l'auteur

Auteur : Mathieu Martiniere

Basé à Lyon, indépendant depuis 2011, Mathieu Martiniere travaille sur des enquêtes et des reportages au long cours pour des médias français ou européens, comme Mediapart, Slate, La Cité, Libé, La Tribune de Genève ou RFI. Il est le cofondateur en 2014 de We Report, un collectif international de journalistes indépendants, qui réalise des enquêtes long format et multimédia. Prix : Bourse Netzwerk Recherche 2015 de la fédération allemande des journalistes d’investigation, avec Robert Schmidt, pour son travail sur l’industrie du tabac. Prix international DevReporter 2015, avec Alberto Campi et Daphné Gastaldi, pour des reportages sur les Roms en Roumanie et Slovaquie. Contact : mathieu[@]wereport.fr // Twitter : @Mat_Marty