Difficile en cette époque où le diktat de la mode féminine nous incite toutes à désespérer de nos propres corps, de nous imaginer sur scène dévoilant aux yeux de tous nos petites rondeurs ou autres « disgrâces corporelles ». C’est pourtant le pari osé qu’ont voulu relever Justine Maillard, artiste photographe, et ses « Boudeuses » qui ont choisi d’afficher leur distance avec « l’image dominante de la femme-objet véhiculée par l’art et les médias actuels en préférant bouder dans leur boudoir ». Parce que l’art burlesque apporte une dimension supplémentaire à leur message, elles ont proposé, tout au long de ce week-end au public montpelliérain, de partir à la découverte des multiples facettes de cette culture, dont la connaissance se limite bien souvent à sa sublime ambassadrice : Dita Von Teese.
L’origine du Burlesque
Le mot burlesque, d’origine française, s’est exporté aux États-Unis dans les années 50. Il qualifiait alors des spectacles fantaisistes mettant en scène des danseuses coquines, telles que Betty Page, qui, tout en se dénudant, jouaient leur propre comédie sexy et drôle. Dans les années 90, ce courant artistique reparaît aux Etats-Unis d’abord, sous le nom de New Burlesque puis en France à partir de 2010. Le mouvement intègre la mode des tatouages et des pin-up et revisite les années oubliées du Moulin rouge et du Chat noir. Selon Justine Maillard, le burlesque, c’est avant tout « mettre à nu son soi intérieur d’une manière théâtrale, inspirée des années cabaret ».
L’effeuillage au fil du week-end
Pour s’immerger en douceur dans cet univers fait de plumes et de rêves, le public a pu découvrir lors d’un vernissage d’ouverture au Tralala, le travail photographique de Justine Maillard intitulé « Paris ma jolie ». Une mise en scène sensuelle et décalée des plus grandes effeuilleuses parisiennes, portée par une réflexion sur l’identité féminine.
Les ateliers animés par des professionnelles à l’hôtel Mercure ont permis aux pin-up en herbe de partir en quête de leur personnage burlesque : maîtrise de l’espace et maintien du corps, confection de pasties (caches-tétons) originaux, bases de l’effeuillage…. Et parce que rien ne vaut une belle démonstration, les Boudeuses ont offert aux Montpelliérains deux soirées magistrales où les icônes burlesques de renommée internationale telles que Lada Redstar, Miss Anne Thropy, Brian Scott Bagley (chorégraphe de Dita Von Teese, rien de moins…) se sont partagées la scène avec d’autres artistes, toutes aussi sublimes bien que moins connues, parmi lesquelles Lou on the rock’s, Lady Kitty, Sherry BB notre pin-up locale, et bien sûr la magnifique Palombe , maîtresse de cérémonie de ce festival. Le public, peu nombreux, composé essentiellement d’hommes et de femmes déjà familiers du burlesque, bien souvent venus entre amis ou en couple, a pu savourer la pétillante subversion de ces femmes qui, bien conscientes du poids de l’Eternel Féminin, détournent les codes et les transgressent pour mieux en rire.
L’art burlesque : féministe ?
Sans se considérer comme féministe, le mouvement burlesque revendique néanmoins une certaine conception de la liberté féminine. Liberté que l’on ne dévoile pas à tout le monde, pas tous les jours. Liberté saisie lors de moments intimes : la danseuse avec son public, la femme avec son amant. Liberté de s’épanouir, de rire, de jouir comme le souligne Julia Palombe, danseuse burlesque professionnelle, « l’enjeu est d’inviter les femmes à une prise de confiance et de conscience, à être à l’aise face aux regards des autres, hommes ou femmes, à prendre le temps de se donner, de s’affirmer. Nous avons testé le modèle working-girl, femme toujours pressée et débordée mais ça ne marche pas, ce n’est pas le chemin pour s’aimer.»
Pour Justine Mallard qui a tenu, à cette occasion, à mettre à l’honneur la lutte contre le cancer du sein, le burlesque est pour toutes ces raisons « l’art qui s’acoquine le mieux avec le sein, il permet aux femmes de construire leur propre estime d’elles-mêmes, de se redéfinir à leur façon », une affirmation partagée par le sexologue Yves-Philippe Francqueville, animateur de la conférence pour qui « le combat contre la maladie s’articule autour de la ré-harmonisation du corps, il faut aimer son corps ». Alors dans un contexte de crise, crise identitaire, crise du sens, crise du genre pourquoi ne pas faire adopter la devise de la Palombe : « On n’est pas obligé de faire la gueule, en temps de crise on fait tourner les pasties ! »
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