Rémi Lefebvre : « Les partis sont en crise perpétuelle ! »

Par le 30 novembre 2016

Rémi Lefebvre est professeur de Science politique à l’Université de Lille 2. Il vient de publier Les primaires ouvertes en France (Presses universitaires de Rennes, 2016) avec Eric Treille. Pour Haut Courant, il détaille les raisons de l’apparition du phénomène « primaire » en France.

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Pourquoi les primaires sont devenues incontournables en France ?

En 2016, l’année politique est dominée par la question des primaires. Elles se sont imposées comme un parangon de modernité démocratique. Les primaires sont une réponse aux transformations des partis et à la crise de légitimité auxquels ils sont confrontés. En élargissant le processus de désignation des candidats, d’abord par des primaires fermées, puis ouvertes, les partis cherchent à se « démocratiser ». Les primaires constituent une manière pour les partis de resserrer les liens avec les électeurs en les intégrant dans les choix.
Les partis cherchent ainsi à optimiser le choix des candidats. Ce phénomène est également une manière de s’adapter à la présidentialisation et à la personnalisation de la vie politique, qu’en retour il contribue également à accentuer. La victoire à l’élection présidentielle est devenue l’ultima ratio des partis depuis 2002, avec l’instauration du quinquennat et le passage des élections présidentielles avant les élections législatives.
Cette séquence présidentielle comporte désormais entre quatre et six tours de scrutin : deux lors de la primaire, deux pour les présidentielles, deux pour les législatives.

Pourquoi le Parti Socialiste est le premier à avoir adopté ce mode de désignation des candidats ?
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L’adaptation du PS a été plus précoce que celle de la droite, malgré une culture parlementaire hostile au pouvoir « personnel ». Il y a donc également des facteurs conjoncturels. La primaire est un mode de production du leadership dans un contexte de défaite. Le PS l’adopte suite à trois défaites consécutives à la présidentielle. L’UMP suite à la défaite de 2012. Les défaites entraînent une vacance du leadership et des luttes internes que les primaires permettent de réguler. C’est une solution procédurale pour les trancher et les civiliser dans un cadre codifié et négocié.
La diffusion des primaires par mimétisme peut également être une hypothèse explicative. Les promoteurs d’une primaire socialiste ont mis en avant les exemples américains et italiens, dans un contexte de circulation internationale de « bonnes pratiques » en matière de sélection des candidats. La contagion à l’UMP est quant à elle incontestablement liée au verdict de « succès » qui a marqué la participation à la primaire socialiste de 2011 et à l’élection de François Hollande.

Pourtant, le PS organise à nouveau cette année une primaire, difficilement concédée malgré le statut de candidat naturel de François Hollande. Cela signifie-t-il que le parti est toujours en crise ?

Les partis sont en crise perpétuelle ! Les primaires sont un mode de production du leadership. Un mode de production qui n’est plus « naturel », même quand le candidat est sortant. Les primaires exacerbent les clivages. Cependant, ils ne s’affrontent plus vraiment au cœur des partis mais dans l’espace public. Il n’y a plus vraiment de courants au PS, mais des coteries personnelles. Le capital médiatique devient central.

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à propos de l'auteur

Auteur : Thibault Durand

Originaire de Lyon, j’ai grandi un clavier entre les mains et l’oreille scotchée à la radio. Attiré dans un premier temps par les grandes problématiques mondiales, j’ai suivi une Licence en Droit et Science politique axée autour des relations internationales. Une première expérience en presse quotidienne régionale m’a ensuite permis d’élargir le champ de mes centres d’intérêt et ma compréhension du monde local. Mon arrivée à Montpellier en Master 1 de Science politique, a contribué à parfaire ces connaissances, ainsi que mon analyse des médias et de leur mécanique, de leurs contraintes mais également des opportunités de ce milieu. J’ai également pu faire mes premières armes dans mon média de cœur : la radio. Comme Warren Ellis, j’estime que « le journalisme, c’est une folle passion. C’est pour les gens intenses et à moitié cinglés qui en ont quelque chose à secouer ! »