The Front Runner : au cœur de la tourmente

En avant-première en France et au Festival international du film politique de Carcassonne, le film de Jason Reitman, inspiré de la vie du sénateur Gary Hart aborde le comportement à adopter pour un candidat à la Maison Blanche et le traitement médiatique d’une campagne.

1984, Denver, dans l’État du Colorado. Gary Hart, sénateur depuis 10 ans vit amèrement sa défaite face à Walter Mondale lors des primaires au sein du parti démocrate. Quatre ans plus tard, il décide de retenter sa chance. Annoncé comme le favori de la course à la Maison Blanche face à Reagan et Bush, ce père de famille de 46 ans, bienveillant au travail comme à la maison, va se heurter aux difficultés d’une primaire tumultueuse, où sa vie de famille va vaciller.

Incarné par Hugh Jackman, Gary Hart va vivre pendant ces trois semaines de campagne surement les pires moments de sa vie. C’est un déferlement médiatique qui va s’abattre sur lui. Chacun de ses faits et geste vont être épiés et rapportés. Proche des citoyens, il n’hésite pas à en faire la démonstration tout au long du film. Celui que l’on aime comparer à John Fitzgerald Kennedy, sait lui aussi parler à toutes les tranches d’âges et à toutes les classes. Candidat qui bouscule les codes, en annonçant sa candidature à la présidentielle dans un lieu tout aussi atypique que symbolique pour lui, les montagnes de Red Rocks à Denver.

Deux journalistes sont au cœur de l’intrigue : A.J. Parker, jeune reporter au Miami Herald incarné par Mamoudou Athie et Tom Fiedler du Washington Post incarné par Steve Zissis. Au travers du personnage de A.J. Parker, est abordé la question du traitement médiatique. Faut-il évoquer la vie privée des candidats ? C’est à ce dilemme que va se retrouver confronter notre jeune journaliste, dont son unique volonté est de bien faire son travail pour ne pas perdre sa place. Plus expérimenté, Tom, va lui se retrouver dans une impasse. Une semaine après le début de la campagne, il obtient, d’une source anonyme des informations qui peuvent renverser le cours des choses. Creuser ou ne rien faire ? Malgré le déni de sa rédaction, il choisit d’enquêter. Son rôle vient confronter l’immédiateté, temps dans lequel évolue les journalistes et la fiabilité des informations.

Plus de 20 ans après les frasques sexuelles du Président Kennedy, le film pointe l’importance de l’image et de la crédibilité d’un homme politique. Sa sortie est prévue dans les salles françaises le 16 janvier 2019. En attendant voici la bande annonce.

Élection présidentielle : 5 questions à Charlotte Marchandise, candidate « citoyenne »

Charlotte Marchandise, désignée le 31 décembre comme la candidate de LaPrimaire.org, une primaire ouverte et en ligne, est entrée en campagne pour défendre sa « candidature collective ». Haut Courant, qui lui consacrait un portrait en novembre dernier, interroge l’élue à la mairie de Rennes sur son élection à la primaire, sa course aux parrainages et son programme.

Où en êtes-vous dans votre quête aux parrainages, pensez-vous réunir les 500 parrainages nécessaires pour se présenter à l’élection présidentielle ?

On ne fait que commencer, on compte six parrainages sûrs et une centaine de promesse pour le moment. J’ai rencontré Jean-Paul Delevoye, ancien président de l’association des maires de France et du Conseil économique, social et environnemental [mais aussi ancien ministre et ancien médiateur de la République, ndlr] qui nous a apporté son soutien et a fait une lettre aux élus. Son soutien est une étape assez décisive afin de montrer que l’on veut réinventer la démocratie et non pas seulement se positionner contre les élus.

Alexandre Jardin, candidat de L’Appel des mouvements citoyens pour la présidentielle se réclame aussi de la société civile, vos candidatures ne font-elles pas doublons ?

La grande différence entre Alexandre et moi, c’est que je suis issue d’un processus démocratique. Quand on entend refonder la démocratie, il faut s’appliquer à soi-même les règles et être cohérent. Après, j’ai beaucoup de respect pour la démarche de La Maison des Citoyens et de Bleu Blanc Zèbre. Je pense qu’à un moment on va se rencontrer, j’ai toujours appelé à une candidature collective.

Michel Bourgeois, malgré votre victoire, a décidé de se présenter à la présidentielle. D’autres candidats-finalistes ont critiqué la victoire des « réseaux », est-ce que cela ne décrédibilise pas la démarche de LaPrimaire.org ?

Michel Bourgeois a toujours dit qu’il irait, avec LaPrimaire.org ou non. Il n’y avait pas d’engagement à soutenir le candidat sortant. S’agissant de la critique des « réseaux », j’ai du mal à comprendre. J’ai réussi à convaincre au-delà de mon premier cercle, je pense que ça fait partie de ce qu’on attend d’un candidat à la présidentielle. Quelque part, je suis celle qui a le plus rassemblé. Quasiment 20 anciens candidats à LaPrimaire.org se sont ralliés à ma candidature.

Quelle est la mesure la plus emblématique de votre programme ?

Si je devais faire campagne sur une seule mesure, ce serait celle de refaire la Constitution. L’idée est d’appeler une Assemblée constituante composée de citoyens indemnisés, tirés au sort pour former des Assemblées locales, d’autres volontaires, mais aussi d’experts et de juristes. Elle sera financée avec la réserve parlementaire. Sur deux ans nécessaires à sa rédaction, il faudra mettre les moyens en termes de financement et de transparence, par exemple en filmant les débats. L’idée est d’aboutir à une Constitution qui permette de sortir de la Ve République, faite pour Charles de Gaulle, pour aller vers une démocratie délibérative plus que participative.

Après la présidentielle, allez-vous vous présenter à une autre élection : aux législatives, aux municipales ou aux européennes ?

Je ne me présenterai pas aux législatives. L’un des enjeux de ma candidature, c’est de profiter de la visibilité donnée par la présidentielle pour inciter tous les candidats-citoyens dans les 577 circonscriptions françaises à se rassembler pour renouveler l’Assemblée nationale. Mon rôle sera plus d’animer des rassemblements et des candidats pour diffuser des Primaires.org dans les circonscriptions. Pour les européennes et les municipales, je ne sais tout simplement pas. Mon but n’est pas de faire une carrière politique, je garde ma carrière en tant que formatrice et j’y tiens !

À Montpellier, Hamon veut faire battre un cœur « forcément à gauche »

Dans une salle pleine, mais pas survoltée, le candidat à la primaire socialiste a lancé sa campagne dans le sud de la France. Revenu universel, droit inconditionnel au temps partiel, visa humanitaire, transition énergétique : Benoît Hamon soigne sa gauche à douze jours d’un scrutin qui peine à mobiliser.

Une petite foule s’amasse devant les portes du Corum ce mardi 10 janvier. Simples « curieux » ou militants traditionnels du Parti socialiste, ils sont venus assister au premier meeting du candidat à la primaire socialiste dans le grand Sud. « Laissez vos coordonnées pour financer la campagne à Benoît ». À l’entrée, un soutien donne de la voix pour son candidat.

À 19h30, les 745 sièges de l’auditorium Pasteur sont occupés. Une cinquantaine n’a pas réussi à pénétrer la grande salle et doit se contenter de suivre le meeting sur des écrans. Le speaker annonce généreusement plus de 1 000 personnes, les jeunes socialistes s’agglutinent devant les coulisses, la musique de la pub Carrefour retentit : Benoît Hamon peut faire son entrée.

Cinq intervenants pour introduire les thèmes principaux

Cinq intervenants prennent la parole. Le député de la Loire, Régis Juanico, ouvre la soirée. Il justifie sa présence à Montpellier en répétant que ses parents vivent à Lattes et en clamant son amour pour le handball. Le porte-parole de Benoît Hamon se plaît à rappeler que Manuel Valls éprouve des difficultés à remplir des salles de 300 places. « Fraîcheur », « idées neuves », le stéphanois souhaite donner l’image d’une candidature en rupture avec celle de ses concurrents. Pourtant, comme beaucoup au Parti Socialiste, il revendique l’héritage de Michel Rocard et défend le parcours militant et l’expérience de son champion.

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À la suite d’une petite vidéo se voulant pédagogique sur le programme de l’ex-ministre préparée par les jeunes avec Hamon, Gabrielle Henry prend la parole. Élue au conseil départemental de l’Hérault, elle témoigne de son parcours en tant que personne en situation de handicap et relate quelques anecdotes concernant des migrants pour mieux mettre en avant les réponses de Benoît Hamon sur l’exclusion. Au tour de Thierry Salomon, membre de l’association Megawatt et spécialiste des questions de transition énergétique, de prendre la parole. Le speaker nous le répète suffisamment pour qu’on l’entende, cette parole n’est pas celle d’un élu mais émane d’une personne issue de la société civile dont il est le seul représentant ce soir. Présentée elle aussi comme une simple citoyenne, l’invitée suivante est pourtant élue au Conseil municipal de Montpellier. Clare Hart est également chef d’entreprise et présidente de la Fondation agir contre l’exclusion de l’Hérault. Venue parler de l’accueil des réfugiés et la lutte contre le Front national, elle offre une introduction toute choisie à la proposition du candidat d’instaurer un « visa humanitaire ».

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Une deuxième vidéo est projetée, avant de laisser la parole au président du groupe socialiste au conseil municipal de Montpellier, Michaël Delafosse. Le jeune loup du Parti socialiste héraultais chauffe la salle, à défaut de s’être chauffé la voix. Agité, il se tient debout et exhorte la « grande idée de la gauche » face au renoncement d’une partie de son électorat. Un style qui contraste avec celui de l’ancien ministre de la Consommation. Benoît Hamon se dit « très impressionné par vous tous venus ce soir », et ça se voit. Il salue ses soutiens, dont Pierre Cohen l’ancien maire de Toulouse, « l’autre grande ville d’Occitanie ».Il remercie Gabrielle Henry, exemple de la « société inclusive ».

Le fond avant la forme

Calme, le ton posé, Benoît Hamon à l’inverse d’autres candidats ne croit pas qu’il faille adopter une posture de présidentiable. Les yeux aux ciels, les bras levés, il se moque de l’attitude d’Emmanuel Macron. Il développe ses thèmes principaux, la raréfaction du travail et la nécessité de le partager. Il introduit sa mesure phare d’un revenu universel qu’il oppose aux « vieilles politiques qui ne marchent pas » de ses concurrents, celles des hausses et des baisses d’impôts ciblées. Le candidat estime qu’une croissance équivalente aux Trente Glorieuses ne reviendra pas et n’est pas souhaitable.

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Le candidat à la primaire du Parti socialiste mentionne Sanders, convoque Hugo et rend hommage à Rocard et Aubry. Il attaque ses adversaires aussi. Mélenchon sur l’Europe, Montebourg sur Schengen, Valls sur sa rhétorique droitière. Benoît Hamon termine son discours sur la culture, promettant de passer son budget de 0,8 à 1% du PIB et de réduire la concentration de ces subventions en Île-de-France.

À la sortie du meeting, quelques convaincus laissent leurs coordonnées aux équipes afin de participer à la campagne. Optimistes, ils observent une « bonne dynamique » qui pourrait profiter à l’élu de Trappes. Face à l’incertitude électorale ambiante, le candidat veut croire à un « choix dans les orientations politiques » plutôt que sur les personnalités.

LaPrimaire.org : un « très bien » pour Charlotte Marchandise

32 685 cyber-citoyens se sont exprimés. La candidate citoyenne à la présidentielle de 2017 est Charlotte Marchandise.

« Notre projet collectif a gagné @democratech ! » déclare sobrement sur Twitter la candidate élue de LaPrimaire.org, la première primaire ouverte et 100 % en ligne portée par l’association Democratech.

32 685 participants

Du 15 au 30 décembre, alors que le premier tour de LaPrimaire.org n’avait réuni que 4461 votants, 32 685 internautes se sont exprimés pour le second tour. Un chiffre à mettre en perspective avec les 126 014 inscrits affichés sur le site de la primaire. Une participation tout de même plus élevée que celle de la primaire d’Europe Écologie les Verts qui avait totalisé 13 926 suffrages au second tour. Le vote s’est fait selon le jugement majoritaire. Les votants ont attribué des mentions allant de « Très Bien » à « Passable » à l’ensemble des candidats, à savoir : Nicolas Bernabeu, Roxane Revon, Michel Bourgeois, Michael Pettini et Charlotte Marchandise.

Une large victoire avant la course aux parrainages

L’hyperactive Charlotte Marchandise, adjointe à la santé à la mairie de Rennes, a remporté le suffrage en décrochant la mention « très bien » à 50,64 % des votes exprimés, soit un total de 16 552 voix. La deuxième position est attribuée à Roxanne Revon avec 50,24 % de mention « bien » et 19,88 % de mention « très bien ». La troisième, quatrième et cinquième place avec une mention « assez bien » reviennent à Nicolas Bernabeu avec 72,26 %, à Michel Bourgeois avec 59,85 % et enfin à Michal Pettini avec 57,94 %. Le détail des résultats est accessible sur le site de LaPrimaire.org.

La prochaine étape pour la candidate est la course aux 500 parrainages, un vrai défi pour un candidat non affilié à un parti politique.

Rémi Lefebvre : « Les partis sont en crise perpétuelle ! »

Rémi Lefebvre est professeur de Science politique à l’Université de Lille 2. Il vient de publier Les primaires ouvertes en France (Presses universitaires de Rennes, 2016) avec Eric Treille. Pour Haut Courant, il détaille les raisons de l’apparition du phénomène « primaire » en France.

Pourquoi les primaires sont devenues incontournables en France ?

En 2016, l’année politique est dominée par la question des primaires. Elles se sont imposées comme un parangon de modernité démocratique. Les primaires sont une réponse aux transformations des partis et à la crise de légitimité auxquels ils sont confrontés. En élargissant le processus de désignation des candidats, d’abord par des primaires fermées, puis ouvertes, les partis cherchent à se « démocratiser ». Les primaires constituent une manière pour les partis de resserrer les liens avec les électeurs en les intégrant dans les choix.
Les partis cherchent ainsi à optimiser le choix des candidats. Ce phénomène est également une manière de s’adapter à la présidentialisation et à la personnalisation de la vie politique, qu’en retour il contribue également à accentuer. La victoire à l’élection présidentielle est devenue l’ultima ratio des partis depuis 2002, avec l’instauration du quinquennat et le passage des élections présidentielles avant les élections législatives.
Cette séquence présidentielle comporte désormais entre quatre et six tours de scrutin : deux lors de la primaire, deux pour les présidentielles, deux pour les législatives.

Pourquoi le Parti Socialiste est le premier à avoir adopté ce mode de désignation des candidats ?
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L’adaptation du PS a été plus précoce que celle de la droite, malgré une culture parlementaire hostile au pouvoir « personnel ». Il y a donc également des facteurs conjoncturels. La primaire est un mode de production du leadership dans un contexte de défaite. Le PS l’adopte suite à trois défaites consécutives à la présidentielle. L’UMP suite à la défaite de 2012. Les défaites entraînent une vacance du leadership et des luttes internes que les primaires permettent de réguler. C’est une solution procédurale pour les trancher et les civiliser dans un cadre codifié et négocié.
La diffusion des primaires par mimétisme peut également être une hypothèse explicative. Les promoteurs d’une primaire socialiste ont mis en avant les exemples américains et italiens, dans un contexte de circulation internationale de « bonnes pratiques » en matière de sélection des candidats. La contagion à l’UMP est quant à elle incontestablement liée au verdict de « succès » qui a marqué la participation à la primaire socialiste de 2011 et à l’élection de François Hollande.

Pourtant, le PS organise à nouveau cette année une primaire, difficilement concédée malgré le statut de candidat naturel de François Hollande. Cela signifie-t-il que le parti est toujours en crise ?

Les partis sont en crise perpétuelle ! Les primaires sont un mode de production du leadership. Un mode de production qui n’est plus « naturel », même quand le candidat est sortant. Les primaires exacerbent les clivages. Cependant, ils ne s’affrontent plus vraiment au cœur des partis mais dans l’espace public. Il n’y a plus vraiment de courants au PS, mais des coteries personnelles. Le capital médiatique devient central.

Fillon triomphe à droite

A droite toute ! Entre la droite et le centre, les électeurs de la primaire de Les Républicains ont choisi. François Fillon a remporté à une majorité écrasante le deuxième tour de la primaire organisée par le parti de droite hier soir. Avec 66,5% des voix, il devance largement son concurrent, Alain Juppé qui obtient à peine 33,5%. Le député de Paris représentera Les Républicains à la présidentielle de 2017.

Sans surprise. François Fillon grand favori du scrutin, l’emporte avec 66,5 % des voix au second tour, contre 33,5 % pour Alain Juppé. L’ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy surfe sur la dynamique du premier tour et profite du ralliement de nombreux soutiens pour remporter largement cette primaire.

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La mobilisation « anti-Fillon » n’a pas eu lieu

Une inconnue pouvait encore renverser les pronostics durant ce scrutin. La participation progresse à nouveau lors de ce deuxième tour de la primaire de la droite et du centre. Constatée à la mi-journée, puis à 17h, la hausse de la participation faisait redouter aux soutiens de François Fillon une mobilisation des électeurs du centre et de la gauche pour faire barrage au programme de l’ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy, réputé radical. Il n’en fut rien. L’avance est considérable et permettra certainement à François Fillon d’imposer sa ligne sans accepter de concession.

Le scrutin s’est déroulé dans le calme. Aucun incident majeur n’a été dénoncé. Les équipes d’Alain Juppé ont cependant porté au moins deux signalements auprès de la Haute autorité de la primaire, concernant des comportements suspects à Montauban et Pantin.

Alain Juppé a néanmoins reconnu rapidement sa défaite et félicité son adversaire, lui souhaitant « bonne chance pour sa prochaine campagne présidentielle ». Il a également annoncé vouloir se concentrer sur son mandat de maire de Bordeaux, oubliant de préciser s’il mènera campagne pour son rival lors de la campagne de 2017.

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Dans le département, la participation progresse elle aussi par rapport à dimanche dernier. La droite héraultaise a elle aussi plébiscité l’ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy, qui obtient près de 72% des voix contre seulement 28% pour Alain Juppé. La fédération de l’Hérault du parti Les Républicains affiche sa satisfaction quant au déroulement de ce scrutin. Elie Aboud, président de la fédération héraultaise, estime sur Facebook que cette primaire « annonce de beaux jours pour notre famille politique ».

Vers une candidature au centre ?

Hier soir, François Fillon s’est notamment félicité d’une « victoire de fond bâtie sur des convictions ». Pas sûr que la « vague qui a brisé tous les scénarios écrits d’avance » n’ait totalement submergé les velléités centristes. La défaite d’Alain Juppé pourrait ouvrir un nouveau champ de possibilité au centre. François Bayrou, président du Modem et soutien extérieur au parti d’Alain Juppé, reste ouvert à une candidature à la présidentielle suite à la défaite du maire de Bordeaux. Il estimait en tout cas hier soir que le programme de François Fillon « pose en réalité de nombreuses questions ».

Primaire : On a sondé la science po !

Quels regards sur le phénomène « primaire » posent les étudiants en science politique de l’université de Montpellier ? Haut Courant a mené l’enquête à l’aide d’un sondage réalisé par le Master 2 Métiers des études et du Conseil.

Ouf… Les primaires ont assez peu de secrets pour les étudiants en science politique. Sans surprise, 92 % d’entre eux connaissent son enjeu principal : « Sélectionner un candidat unique à la présidentielle 2017». Et ouf encore, 95 % sont capables de nommer plusieurs candidats. Ces résultats, comme ceux que nous allons développer sont réalisés à l’aune d’une étude réalisée auprès de 157 répondants (sur environ 450 étudiants au total) du 19 au 26 octobre 2016. L’échantillon est composé de 82 hommes et 75 femmes issus de tous les niveaux du cursus, de la Licence 1 au Master 2, dans une proportion similaire.

80 % des étudiants en science politique favorables à l’organisation de cette élection

favorabilité aux primaires

Le principe même des primaires est très majoritairement approuvé par ces étudiants. Pour autant, ce chiffre est à nuancer. Notre enquête proposait aux sondés de justifier oralement leur choix. Et là, à la lecture des verbatims, on découvre toute la palette des nuances.

Du côté des 80 % d’étudiants « favorables » à la primaire, on retrouve 4 arguments principaux:

  • L’élection du représentant du parti est un processus « plus démocratique ». Elle permet « une ouverture du débat et de l’offre politique ». Les différents candidats du parti sont à même : « d’exposer leurs idées » ; « de gagner en visibilité pour les outsiders » et « d’acquérir une légitimité issu du vote ». Elle est pour certains : « le symbole de la fin d’une ère ».
  • Cette «mise en compétition plus équitable » a des effets directs sur les électeurs : « on ne se voit plus imposer le représentant du parti » ; «  On peut choisir son candidat préféré, ou le moins pire » et « émettre un véto à un candidat  de type Nicolas Sarkozy». C’est une « implication citoyenne » qui participe à « une meilleure connaissance des candidats avant le jour des présidentielles »
  • L’émergence « d’un candidat solide » éviterait « l’éclatement du parti et la dissolution des votes ». Les partis ont intérêt à l’unification partisane autour d’un élu pour « peser davantage aux présidentielles ».
  • «  Du spectacle, de la communication, de la politique en somme ». Le feuilleton des primaires, avec ses « clash » et ses rebondissements prend aussi la forme d’un divertissement pédagogique pour quelques uns : « C’est rigolo et puis, ça permet d’observer comment ils sont formatés à répondre aux questions ».


Du côté des 20 % d’étudiants « défavorables », 2 courants se dégagent :

  • Les premiers estiment que ce processus porterait préjudice au parti : «  Je ne fais pas confiance à ce genre d’élections où tout le monde peut voter, y compris les non-adhérents du parti qui souhaitent simplement biaiser les votes ». Certains craignent également « un effritement de l’image du parti » due à la mise en avant des divergences entre les candidats, au lieu d’un rassemblement autour d’un « projet commun ».
  • Les autres, désillusionnés, sont très critiques à l’égard du système des partis en général. Pour eux, ces primaires sont « une illusion démocratique » : « Elles reflètent la lutte permanente des politiques pour leur intérêt et induit des mesures irréalisables, du populisme, des arguments fallacieux, des attaques personnelles ». Ils estiment également qu’elles « renforcent le bipartisme » car « le contrôle reste entre les mains des dirigeants des partis » ne laissant « pratiquement aucune chance aux petits candidats ». Enfin, elles mettent l’accent sur la personnalité et l’attitude plutôt que sur les programmes : « les différences programmatiques me semblent très marginales, surtout à droite, et la compétition est surtout une question de « style » ».

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Parmi le groupe des étudiants en science politique, 75 % des sondés comptent boycotter la primaire de la droite et du centre. Le quart restant qui pense s’y déplacer vient principalement de la droite et du centre. Très peu d’étudiants « de gauche » envisageaient d’aller voter.

A noter qu’au sein la faculté montpelliéraine, 62% des étudiants se déclarent « de Gauche « , 19 % « de droite » et 10 % ne se retrouvent pas dans ces catégories.

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Juppé favori

Une part conséquente des potentiels votants n’avait pas encore choisi son candidat au moment de l’étude (26%). Parmi les autres, les votes se répartissaient entre Juppé (33%) et Sarkozy (20%), NKM (10 %), Le Maire 5 %, Fillon et Poisson (3%). Seul Copé ne remportait pas un kopeck auprès des étudiants.

On retrouve donc ici une configuration électorale relativement semblable aux pronostics mis en avant dans les sondages nationaux.

Gauche, droite ou écolos : 3 étudiants sur 4 iraient voter aux primaires

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Parmi les 157 étudiants interrogés, 40 % affirment vouloir voter à la primaire de la gauche et 15 % à celle des écologistes. Si l’on ajoute les 25 % de celle de la droite, 3 étudiants sur 4 devraient se rendre aux urnes primaires. Révélatrice d’un engouement à priori, cette participation déclarée n’a pas pour autant valeur de fait. En effet, l’intention étant moins engageante que l’action, ce n’est pas parce que les étudiants déclarent qu’ils voteront, qu’ils le feront.

Ainsi, au delà des résultats présentés, cette étude a pu nous montrer les limites (journalistiques mais pas seulement) de ce type d’enquête « scientifique ». A l’origine, nous supposions qu’une étude auprès du plus grand nombre permettrait de mieux saisir la pensée de ces étudiants. Or dans les faits, les opinions sont complexes. Elles divergent et vacillent, parfois même à l’échelle d’un répondant. De fait, les sondages participent parfois moins à comprendre les logiques des électeurs, qu’à les ranger dans des cases…

Débat de la primaire : dans le portable d’un électeur de gauche

Sommés par les sondeurs de donner leurs suffrages à Alain Juppé, des électeurs de gauche se sont obligés à regarder le débat diffusé par TF1, France 2 et France Inter. Haut Courant a déployé ses grandes oreilles pour vous rapporter leurs commentaires et analyses sur Alain Juppé et François Fillon, en direct et en SMS.

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Toujours à la pointe de l’innovation journalistique, Haut Courant vous racontait le débat à sept candidats de la semaine dernière grâce à un jeu à boire. Autant le dire tout de suite, avec Juppé et Fillon, on n’a pas beaucoup rigolé.

À Montpellier, primaire et reconquête en ligne de mire pour le PS

Après la droite, le parti socialiste s’apprête à organiser ses deuxièmes primaires ouvertes en janvier prochain. À Montpellier, tout l’enjeu pour les socialistes sera de reconquérir un électorat de gauche parti chez le maire dissident, Philippe Saurel.

La logistique plutôt que la politique. À Montpellier, ville perdue par le PS aux dernières municipales, les socialistes sont ravis de se concentrer sur l’organisation de leur future primaire depuis septembre. Intarissables sur les questions d’organisation pour en assurer le bon déroulement, ils se montrent pour l’heure plus discrets sur ce qui les obsède depuis leur déroute municipale de 2014 : la reconquête de la mairie passée aux mains du dissident divers gauche Philippe Saurel.

La première étape d’une remobilisation ?

A priori la primaire pourrait être la première étape d’une remobilisation d’un électorat socialiste local qui se détourne de son parti. Mais pour le premier fédéral de l’Hérault, Hussein Bourgi, cette question cruciale vient trop tôt : « les primaires ne sont pas une précampagne des futures municipales ». Pour autant, il s’attend à ce que les électeurs qui n’ont pas voté PS aux municipales renouent avec le parti à l’occasion de la primaire. Dès lors, comment conserver dans le giron socialiste classique ce peuple de gauche qui lui a tourné le dos aux municipales ? Là encore, trop tôt pour y répondre mais cette primaire est au minimum l’occasion de reprendre contact avec ces brebis roses égarées.

Couvrir tout le territoire

La priorité est déjà de réussir l’organisation matérielle de cette primaire et, surtout, d’en faire un succès populaire. Forts de l’expérience de la primaire de 2011, les socialistes héraultais souhaitent avant tout inciter les électeurs de gauche à se sentir concernés et à participer au scrutin. Au niveau national, un objectif a été fixé : 8000 bureaux de vote sur tout le territoire avec plus de 80 bureaux dans chaque département. Pourtant Hussein Bourgi opte pour une autre stratégie : « Ici on ne raisonne pas de manière arithmétique mais pratique, le but est de couvrir tout le territoire ». Tous les secrétaires de section sont donc contactés pour qu’ils signalent tous les lieux où un bureau de vote peut être ouvert. À ce jour, il y aurait au minimum 150 bureaux de vote potentiels dans le département, un nombre qui va encore gonfler d’ici la fin de l’année. Mais pour le PS la campagne ne démarrera véritablement qu’en janvier « lorsque tous les candidats se seront déclarés » assure Hussein Bourgi. Le premier fédéral de l’Hérault est « légitimiste », et donc partisan de François Hollande. La primaire de la gauche bénéficiera alors d’un site national dédié, et le parti se lancera au plan local dans de grosses opérations de tractage et d’achats d’encarts dans la presse locale.

« Ça donne du souffle »

En termes de participation, ils étaient plus de 50 000 dans l’Hérault à voter au premier et second tour de la primaire de la gauche en 2011. Cette fois-ci aucun objectif n’a été fixé même si, comme le présume Michaël Delafosse, conseiller municipal à Montpellier : « ce sera sans doute moins ». À l’entendre, « la volonté de changement était telle que les gens se sont mobilisés. Mais aujourd’hui le contexte est très particulier et différent… ». Pour ce proche de Benoit Hamon, l’heure est au travail militant et au débat d’idées. Avec le Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS), ils ont élaboré huit thématiques de campagne qui seront soumises aux candidats mi-janvier. « On est face à énormément de violence et de populisme, on a envie que les candidats prennent position sur des thématiques ambitieuses » confie Lorenzo Salvador, membre du bureau national des MJS lui aussi actif dans la campagne de Benoit Hamon.

Cette période d’entre-deux est l’occasion pour tous les militants de tenter d’occuper l’espace au profit de leur champion respectif. Avec en l’occurrence une priorité pour les amis de Benoit Hamon : faire entendre des idées nouvelles et parfois différentes de celles du gouvernement. « Ça fait du bien car on peut de nouveau mettre en avant les idées avec lesquelles on est en phase, ça donne du souffle » se réjouit Lorenzo Salvador. Un souffle pour retrouver de l’air à Montpellier comme partout en France, et peut-être aussi changer d’ère.

Pour la « France Insoumise », la primaire est dans la rue

Pas de primaire pour Jean-Luc Mélenchon, parti tôt en campagne. À Montpellier, ses « insoumis » prennent la rue pour de curieux happenings militants.

16h samedi 19 novembre, rue de l’Aiguillerie, au cœur de Montpellier. Les militants de « La France Insoumise » déballent leur dispositif du « porteur de parole ». C’est pour eux une première. Ils vont s’y initier avec trois « éducateurs populaires » présents ce jour-là : Hélène, Hugo et Julian. Mais en quoi consiste ce concept ? À interpeller le public avec des phrases chocs, dans le but de créer réflexion et interrogation. La première est installée sur une pancarte en travers de la rue, au-dessus des têtes : « La dernière fois que je me suis senti(e) trahi(e)… »

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Le dispositif sera ensuite étoffé par d’autres pancartes complétant la phrase initiale avec des citations de passants. « On veut militer autrement, donc on essaie de faire autrement sur le terrain » explique Clément, membre du bureau départemental du Parti de Gauche. Pour Hélène, une formatrice, « les gens sont intéressés pour parler de politique », il faut donc leur apporter au plus près. Membre de la « Coopérative citoyenne » à l’origine du projet, elle a répondu à la demande des militants mélenchonistes pour « parler politique dans la rue, parler à des vrais gens et permettre le débat public ». Et pour Samuel, militant depuis mars dernier, ce dispositif du « porteur de parole » est « une manière de faire campagne autrement en rendant la parole au peuple à qui la politique appartient ».

« Lutter contre le travers militant des leçons de morale »

Rapidement, les premiers curieux s’arrêtent. Les discussions s’engagent. Volontairement, peu de détails visuels relatifs à « La France Insoumise » ou à Jean-Luc Mélenchon sont visibles. Seuls les couleurs rouge et bleu ainsi que le sigle inscrit à la bombe sur les citations y font penser. « C’est volontaire » affirme Hugo, « au Parti de Gauche ils acceptent facilement de mettre leur carte dans la poche. Ici, il s’agit de lutter contre le travers militant des leçons de morale, c’est la dernière chose qui paye. » Mais convaincre est bien la première préoccupation des militants présents. Clément tient toutefois à rappeler que « beaucoup de nouvelles personnes ne sont pas encartées » dans leur mouvement.

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Tout l’enjeu de ces dernières semaines a été de réussir à faire campagne pour le parti de Jean-Luc Mélenchon alors que les médias étaient focalisés sur la primaire de la droite et du centre. « Nous essayons de développer nos propres médias sur Internet, avec des actions militantes à la clef » explique Muriel Ressiguier, conseillère régionale du Parti de Gauche. Son parti a fait le choix stratégique de l’impasse sur les primaires, qui ne permettraient pas à l’ensemble de la population de s’exprimer. « Au départ on ouvre le mode de sélection mais la classe populaire n’y participe pas », explique l’élue. En s’engageant dans une primaire ouverte à toute la gauche, les mélenchonistes redoutaient aussi de perdre leur identité puisque le résultat final « engage aussi à soutenir celui qui va gagner. Or, on ne défend pas la même chose. » Un discours que les militants de la rue de l’Aiguillerie développent eux aussi : « les sondages fabriquent une hiérarchie et une situation préconstruite. La primaire n’est pas forcément représentative de la démocratie » martèlent Samuel et Clément. Selon eux, il s’agit plutôt du triomphe de la politique spectacle, d’un affaiblissement des programmes politiques et de l’engagement militant, une idée également avancée par des universitaires. Parmi les militants présents aujourd’hui, aucun n’ira voter à une quelconque primaire, sujet qui les intéressent d’ailleurs très peu.

Le dispositif du « porteur de parole » intrigue

Autour d’eux, de plus en plus de personnes s’arrêtent, intrigués par le dispositif mis en place. Les passants se prennent au jeu des citations qui fleurissent un peu partout sur des bouts de cartons. « En 2012, un certain François H. a promis de s’attaquer à la finance ! », peut-on lire. Ou encore « En tant qu’ancienne institutrice, quand j’entends les hommes politiques de droite parler de l’école, ça me met en colère : pourquoi pas revenir au bonnet d’âne ?! »

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Certains s’arrêtent même pour donner un coup de main et enchaînent sur des débats. Les échanges restent respectueux en dépit des divergences. « On ne sait plus pour qui il faut voter », interpelle Jacky, 80 ans. « C’est vous les jeunes qui devez refaire la politique, je vous fais confiance. »

Le temps du débriefing

La nuit commence à s’installer à Montpellier. Il est 18h lorsque l’équipe commence à débriefer l’action. Ils estiment que le dispositif a bien fonctionné, avec un regret cependant : les passants s’arrêtaient d’avantage par curiosité que pour réfléchir aux phrases inscrites sur les cartons. Tour à tour, les militants racontent leur expérience selon un rituel inspiré par les manifestants de Nuit Debout, consistant à dire « je prends » à chaque prise de parole et « je laisse » pour la passer au suivant.

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Tous sont unanimes sur « la beauté de l’expérience humaine » de l’instant militant vécu. Mais le véritable objectif était d’abord de se trouver de « nouveaux alliés ». « Les gens s’en rappelleront et c’est très important pour le militantisme », se console Hugo, l’éducateur. Déjà, l’équipe se projette et imagine renouveler des actions similaires dans d’autres lieux, comme des facultés, avec un concept élargi. Pour ces prochaines fois, un militant s’interroge déjà : « Comment politiser le débat ? Comment passer au cap du militantisme ? » Vastes questions… auxquelles Hugo tente de répondre concrètement : « quand on identifie des alliés, vous n’avez pas le droit de les lâcher ! ».

Il est maintenant temps de plier bagage. « Je suis content, on redécouvre le goût de l’être humain » confie Hugo, loin, très loin des jeux si codés de la primaire.