En Mauritanie, une jeune française s’engage auprès d’une ONG espagnole

Arrivée à Nouakchott, la capitale du pays, au mois d’août dernier, la jeune normande a rejoint l’organisation non-gouvernementale espagnole ACPP (Asamblea de Cooperación por la Paz) comme technicienne de coopération. Dans un entretien, elle raconte son travail au quotidien, la mission de l’ONG, sur fond de recrudescence d’une menace terroriste. Pour des raisons de sécurité, elle ne tient pas à dévoiler son identité.

LA PEUR du terrorisme n’a de cesse de se renforcer en Mauritanie. Après l’attentat suicide qui a frappé l’ambassade de France à Nouakchott, la capitale, le 10 août dernier, c’est l’enlèvement de trois humanitaires espagnols qui ravive les inquiétudes. D’autant plus que ce rapt intervient trois jours après celui d’un ressortissant français, kidnappé dans le nord-est du Mali.

Revendiqués par l’Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique) ces quatre enlèvements préoccupent. Certaines ONG (Organisation non-gouvernementale) font même part de leur intention de quitter prochainement le territoire mauritanien, à l’image de Medicos del Mundo.

Nous n’avons pas peur !

Pourtant, en dépit de ce climat peu engageant, la volonté de l’ONG espagnole demeure isolée. Sur place, la situation reste calme et l’heure n’est pas à l’affolement. « Oui, des ONG parlent quand même de partir, explique la jeune technicienne de coopération, mais sur place, il n’y a pas franchement de changements ». Et de poursuivre, « nous n’avons pas peur, je ne me sens pas en danger. Certes, je fais attention, je reste tranquille et discrète ». Pour la jeune femme, l’enlèvement des trois humanitaires reste un acte sporadique et non le signe de la montée, certes récente, d’une forme de terrorisme en Mauritanie et dans la zone sud du Sahel. « Les gens ne se laissent pas impressionner par une hypothétique menace » confie-telle.

Car sur le fond, cette action revêt davantage une forme de « marketing économique » qu’une réelle velléité de nature idéologique. Les cibles visées vont d’ailleurs dans ce sens. « Ils ne sont pas à proprement parler des humanitaires » explique la française. On compte en effet, parmi les trois otages espagnols, le directeur d’une société de tunnels ainsi qu’un dirigeant d’entreprise du secteur de la construction. « Leur aide est purement matérielle, poursuit la jeune membre d’Acpp, ce n’est pas réellement de la coopération mais juste un coup de main ». Une aide matérielle qui a suscité la convoitise des ravisseurs.

Pas de sentiment d’inquiétude donc chez la française. Préférant ne pas céder à l’alarmisme, elle insiste sur les vraies urgences en Mauritanie : « l’éducation, l’accès à l’eau, la protection, la sécurité alimentaire, la sensibilisation à l’hygiène, … ». Autant de nécessités qui rythment les journées au sein de l’ONG espagnole ACPP. Pour conduire à bien son action sur le terrain, l’organisation met en place plusieurs projets pilotes. « Il s’agit par exemple de l’installation de pompes solaires pour faciliter l’accès à l’eau dans les villages » raconte la coordinatrice. L’aide au développement concerne également les questions d’éducation, de sensibilisation et de formation, et notamment pour tout ce qui a trait à l’environnement, la gestion communautaire, l’égalité de genre…

Le développement, c’est tout un ensemble

Car si l’aide matérielle et la mise en place d’infrastructures sont nécessaires, elles ne sont en rien suffisantes. « Tout ce qui relève de la sensibilisation est le plus important, les infrastructures ne sont qu’un coup de pouce, le développement c’est tout un ensemble » reconnaît-elle. Et d’ajouter, « Il s’agit, au final, de faire comprendre aux gens qu’ils sont maîtres de ce développement ». D’où cette importance de l’éducation et de la sensibilisation qui doivent amener à une véritable « prise de conscience des populations et à une appropriation des projets ». Il s’agit là d’une vision participative de l’aide au développement, qui, selon la jeune femme, « est en train de prendre le dessus sur une vision de simple assistanat, de charité ». Ainsi, poursuit-elle, « il ne s’agit pas d’être de simples exécutants en se contentant de ce qu’ils demandent, c’est-à-dire une simple aide matérielle qui, sur le long terme, s’avérerait inefficace ».

Pour qu’une telle vision de la coopération puisse être une réalité, la présence régulière sur le terrain est une nécessité. L’humanitaire en est déjà à sa troisième mission depuis son arrivée au mois d’août 2009. Des missions d’observation, d’identification, qui permettent à l’organisation de « constater l’implication des personnes, de redynamiser les chefs de projet et de faire avec eux le bilan des opérations en cours ». Un suivi nécessaire et bien compris par les populations locales : « Ils ont bien conscience de leur intérêt à conduire au mieux les projets et à gérer correctement les infrastructures qui sont mises à leur disposition ».

Au final, si les besoins restent grands en Mauritanie, il y a quelques raisons d’être optimiste. « On constate des résultats satisfaisants, juge la jeune française, notamment auprès des femmes qui, dans ce pays, ont un poids très important ».