Angolagate : Pasqua vide son sac

12 novembre 2009. A 15h15, devant les journalistes réunis au Press Club de Paris, Charles Pasqua a accusé ouvertement Jacques Chirac, Dominique de Villepin et Charles Millon d’être au courant des ventes d’armes avec l’Angola. Dans un second temps, il a assigné en justice Philippe Courroye, magistrat instructeur chargé du dossier.

«Votre présence ici montre bien que vous avez parfaitement compris que nous n’allons pas traiter seulement d’une affaire judiciaire mais d’une affaire d’État» a déclaré Charles Pasqua devant les journalistes aux côtés de son Avocat Maître Lef Forster.

Il poursuit en disant qu’«il y a 9 ans notre pays s’est engagé dans un scandale politico-judiciaire. Deux questions se posent : Combien de temps cela va-t-il encore durer ? Et comment cela va-t-il finir ?»

«J’ai attendu aujourd’hui pour vous déclarer que les Hautes Autorités de l’époque étaient au courant. J’ai ici avec moi une note déclassifiée de la DGSE (Direction générale de la Sécurité extérieure) datée du 6 décembre 1995 qui indique que le gouvernement angolais a reçu du matériel militaire par l’intermédiaire du gouvernement français.» 2cef41ea-cfa8-11de-8694-eef099f7892b.jpg

Cette note a été transmise à 13 destinataires dont le cabinet de l’Elysée, le Ministère des Affaires Étrangères et le Ministère de la Défense.

« Ils ne pouvaient pas ne pas être au courant, ou alors c’est qu’ils n’ont pas lu les notes que la DGSE leur faisait parvenir.»

«Dès décembre 1995, Jacques Chirac, Dominique de Villepin et Charles Millon étaient informés et aucun d’entre eux n’a été entendu par le juge.» Il regrette que ces derniers «n’aient pas assumé leurs responsabilités».

Charles Pasqua a par ailleurs déclaré avoir reçu 900 000 francs des mains de Dominique de Villepin qu’il aurait remis à Jean-Charles Marchiani. «Il ajoute que c’est sous l’aval du Président de la République et sur les fonds de l’Elysée que s’est déroulée cette opération
» faisant ainsi référence à la libération des deux pilotes français retenus en Bosnie. M. Pasqua veut prouver qu’il n’était pas le seul impliqué dans cette libération et que rien ne ce serait fait sans le concours Jacques Chirac et Dominique de Villepin.

C’est pour cela qu’il souhaite «une pétition des parlementaires pour une levée du secret défense sur toutes les affaires qui concernent les ventes d’armes depuis 2002».

Il déclare enfin avoir porté plainte aujourd’hui même contre Philippe Courroye, le magistrat qui a instruit le dossier, actuel procureur de la République au TGI de Nanterre.

« le jugement a été partial. Cette instruction a été conduite à charge et essentiellement à charge» déclare l’ancien ministre de l’intérieur.

A l’issu de la conférence de presse, Charles Pasqua à distribué un mémorandum résumant ses différentes accusations. Affaire à suivre.

Angolagate : « Papa m’a dit » et Pasqua condamnés

Le tribunal correctionnel de Paris a rendu aujourd’hui son verdict sur l’affaire de « l’Angolagate ». Les accusés, au rang desquels se trouvent Charles Pasqua et Jean-Christophe Mitterrand, écopent de lourdes peines. Rappel des faits.

L’Angolagate, c’est avant tout un mauvais roman d’espionnage, un Ian Fleming sans James Bond, où se croisent le fils d’un Président de la République socialiste, un ministre de l’Intérieur gaulliste, un écrivain et des hommes d’affaires internationaux véreux.

1994 : l’Angola est en pleine guerre civile. Profitant de la situation chaotique qui suit la chute du bloc de l’Est, deux hommes d’affaires de nationalité française – Pierre Falcone et Arcadi Gaydamak – font main basse sur plusieurs stocks d’armes soviétiques, livrés ensuite au gouvernement angolais, en guerre contre les rebelles de l’UNITA. Le prix total de la transaction est estimé à 790 millions de dollars américains. Parmi la cargaison, environ 850 000 mines antipersonnel, qui aujourd’hui encore continuent à tuer des civils.

Cette vente d’armes, effectuée par l’intermédiaire de la société Brenco International (dirigée par Falcone et basée à Paris) n’est à aucun moment officiellement autorisée par le gouvernement français, comme l’exige pourtant la loi. Or, étrangement, entre 1994 et 1998, plusieurs personnalités plus ou moins proches du pouvoir touchent d’importantes rémunérations de la part soit de Brenco International, soit de son président, Pierre Falcone. La raison de ces « rémunérations » ? Dans la plupart des cas, il s’agit officiellement du paiement de « conseils » dispensés à l’entreprise.

Au fur et à mesure que l’enquête – commencée en 2000 – avance, la liste de ces étranges conseillers devient de plus en plus fournie : Charles Pasqua (alors ministre de l’Intérieur du gouvernement Chirac et membre du bureau politique du RPR), Jean-Christophe Mitterrand (directeur de la « cellule africaine » de l’Elysée), Paul-Loup Sulitzer (écrivain), Jacques Attali (conseiller de François Mitterrand), la Sofremi (société en partie contrôlée par l’Etat et dépendant du ministère de l’intérieur), la banque Paribas (soupçonnée d’avoir financé Falcone et Gaydamak), etc. Au total, plus de 42 personnes physiques – de gauche comme de droite – ou morales ont figuré sur la liste des prévenus, que ce soit au titre de recel de biens sociaux et trafic d’influence ou à celui de trafic d’armes illicite.

Le tribunal correctionnel de Paris a donc rendu aujourd’hui son jugement, en condamnant à de lourdes peines la plupart des prévenus:

  Charles Pasqua écope de trois ans de prison, dont deux avec sursis et de 100.000€ d’amende.

  Jean-Christophe Mitterrand, alias « Papa m’a dit » a été condamné à payer 375.000€ d’amende, et à deux ans de prison avec sursis.

  Pierre Falcone et Arcadi Gaydamak (qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt en France) ont été condamné à 6 ans de prison ferme.

  Paul-Loup Sulitzer écope lui de 15 mois de prison avec sursis et de 100.000€ d’amende.

Au total, 36 des 42 prévenus ont été condamnés. Parmi les relaxés se trouve Jacques Attali, ancien conseiller de François Mitterrand et actuel conseiller de Nicolas Sarkozy. Les avocats de Charles Pasqua, de Pierre Falcone et d’Arcadi Gaydamak ont d’ores et déjà annoncé qu’ils vont faire appel de cette condamnation.

Mais malgré ces condamnations, l’affaire « Angolagate » laisse un goût amer dans la bouche : apparemment, on ne connaitra jamais le rôle réel du RPR ainsi que ceux du Premier Ministre et du Président de l’époque (respectivement Jacques Chirac et François Mitterrand). Mêmes regrets quant à l’absence de l’Angola à la barre, et ce d’autant plus que le Président actuel, José Eduardo dos Santos, était également au pouvoir lors de la livraison des armes. Rappelons que lors de sa visite en Angola en mai 2008, Nicolas Sarkozy – accompagné de toute une kyrielle d’entreprises françaises – avait annoncé qu’ « aucun ressortissant angolais n’est poursuivit », et que « le Président dos Santos a déjà obtenu de ne pas être directement impliqué ». Il semblerait qu’en dépit des promesses de campagne, l’ère glorieuse de la françafrique ne soit pas prête de se terminer.