La plaisance « plombée » par le prix de l’essence et la météo

Les deux ports de plaisance de Bastia remarquent que la saison ne débute qu’en juin. Le mois d’avril qui s’achève n’a pas attiré beaucoup de monde et les vacances n’ont pas eu l’effet escompté. Pour ne pas brûler trop d’or noir, les plaisanciers limitent leurs sorties à juillet et aout.

« Depuis deux ans, j’ai le sentiment que l’avant saison est de plus en plus calme. Les plaisanciers se rassemblent surtout en juillet et août » souligne le régisseur du Vieux-Port de Bastia. Pourtant, ce bassin reçoit principalement des bateaux de pêche. La plaisance, elle, se concentre essentiellement à Toga. À Toga justement, la capitainerie souligne que l’avant-saison ne débute qu’après les ponts de mai. Son directeur, Pierre-Jacques de Bernardi, précise que les vacances de Pâques n’amènent pas beaucoup de monde. Les statistiques de fréquentation ne sont établies que pour juin, juillet et août. En 2007, le port de Toga louait 226 anneaux annuels et 62 d’hivernage.

Baisse du nombre de carénages

En avril, les rares plaisanciers viennent de l’île d’Elbe très riche en agences de location. La clientèle y est essentiellement allemande, les vacanciers voguent entre Corse, Sicile et côtes italiennes. Au Vieux-Port, un plaisancier français avait prévu de ne passer que deux nuits à Bastia. Il y reste finalement dix jours avant de repartir… vers Malte. Une exception.

Au port historique, on trouve 227 emplacements pour locations à l’année. La liste d’attente est d’environ 150 demandes depuis janvier et on prévoit une forte hausse d’ici cet été. Une douzaine de places est réservée aux pêcheurs, et vingt-cinq aux plaisanciers de passage. À vrai dire, la capacité d’accueil de Bastia est insuffisante. Pendant la saison estivale, les deux capitaineries renvoient souvent les bateaux vers l’anse naturelle de Ficaghjola, après la citadelle. Mais la capacité est bien suffisante le reste du temps. D’octobre à fin avril, le Vieux-Port consacre une dizaine de ses places aux contrats d’hivernage. Le magasin spécialisé Toga Location Nautique, juste à côté du port de commerce observe une baisse du nombre de carénages. « Normalement, ces entretiens débutent vers février. Cette année, nous commençons à peine alors que nous sommes déjà fin avril. »

300 litres pour aller à Porto-Vecchio !

Les raisons, multiples, sont bien connues : arrivée précoce de Pâques mais surtout mauvais temps et conjoncture économique défaillante. En effet, l’entretien annuel d’un bateau « revient à 10 % de sa valeur d’achat ». Au Vieux-Port, on souligne même que la moitié des bateaux présents à l’année ne sort jamais, car « c’est une charge supplémentaire pour eux ».

À Toga, le propriétaire de l’Hélios regrette le coût d’entretien de son bateau. Huit mètres de long, acheté environ 30 000 € d’occasion il y a quatre ans. L’anneau et l’assurance lui reviennent déjà à 1 500 € par an, mais le plus onéreux reste l’essence. « Le réservoir contient 300 litres, si je veux faire un aller-retour à Porto-Vecchio, je le vide. » Le bateau a besoin de sans-plomb 95, le même que les voitures. À 1,43 € le litre, la virée dans le sud de l’île revient à 430 €. « Il est certain, poursuit le plaisancier, que la montée du prix du carburant nous oblige à réduire les balades en mer, ça revient bien plus cher de naviguer. » Les propriétaires des gros bateaux, eux, ne sont pas trop touchés par la montée du prix de l’essence. En revanche, le plaisancier « moyen » devra se serrer la ceinture avant de lever l’ancre…

Les vacances de Pâques s’annoncent bonnes sur l’Île de Beauté

Selon Véronique Calendini, directrice de l’office du tourisme de l’agglomération de Bastia, les deux tiers des touristes en Corse arrivent du continent, des régions PACA, Île de France, Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes principalement. Le tiers restant vient surtout d’Italie.

Les Continentaux « ne réalisent pas à quel point avril est beau en Corse ! ». La directrice d’un camping trois étoiles de Biguglia, au sud de Bastia, rappelle ainsi que son établissement est ouvert et regrette le peu de fréquentation d’avant saison. La hausse n’atteindra son maximum qu’à la fin juin. Les campeurs français représentent 60 % de la clientèle, le reste venant d’autres pays européens. En revanche, la part des insulaires est négligeable, quant aux Japonais, « ils vont à Paris » !

Véronique Calendini, directrice de l’office du tourisme de l’agglomération de Bastia, constate une hausse de demandes depuis quelques jours et prévoit un bon mois d’avril. Ainsi 65% des touristes actuels arrivent du continent, des régions PACA, Île de France, Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes principalement. La première clientèle étrangère est italienne. « La plupart des visiteurs que nous accueillons sont des urbains, en couple, plutôt aisés ». Les groupes de retraités prennent également leurs vacances à cette période tandis que les familles avec enfants préfèrent juillet et août. Près d’un cinquième des touristes parcourent la Corse en un séjour fractionné. L’office du tourisme de Macinaggio, dans le cap Corse, atténue ce propos, un grand nombre de vacanciers du Cap restant sur place pour faire le sentier du douanier. Autre constat de Véronique Calendini, les gens s’y prennent de plus en plus tard. Le phénomène de l’« attentisme », dû à l’insécurité économique et géopolitique, grimpe depuis quatre ou cinq ans.

Les bateaux, « vrais indicateurs »

À la veille des vacances, l’hôtel Les Voyageurs de Bastia n’était qu’à moitié plein. Les réservations seront progressives ; les clients d’aujourd’hui se renseignent pour de courts séjours ou pour l’été. La directrice, Marie-Pierre Martini, précise que l’essentiel de la clientèle est italienne mais arrive aussi des Îles Britanniques.

Par ailleurs, elle s’étonne de la venue de quelques touristes québécois. La plupart ont entre 40 et 60 ans et débarquent en couple. Beaucoup restent seulement une nuit à leur arrivée sur Bastia, et une nuit une semaine ou dix jours plus tard avant de reprendre le bateau.
Jean-Marc Salotti, directeur de l’office du tourisme de Saint-Florent, pense que l’avant saison sera bonne, mais se refuse à tout pronostic : « Les compagnies aériennes et maritimes sont les seuls vrais indicateurs de l’arrivée de touristes. »

Vieux_port_de_Bastia.jpgLa Corsica Ferries assure davantage de rotations depuis le 1er avril. Le taux de remplissage, en moyenne de 40 % l’hiver, passe rapidement à 80 % ce mois-ci. Le Bastia-Toulon du samedi 19 avril, retour des congés de la zone B, affiche déjà complet. Enfin, la SNCM et la Méridionale notent un meilleur remplissage dans le sens continent-Corse en début de vacances.

Le décalage entre les fêtes de Pâques et les vacances scolaires reste une inconnue pour les acteurs du tourisme bastiais et des environs.
Après un week-end pascal à oublier – selon Véronique Calendini, les vacanciers avaient encore la tête à la neige – le mois d’avril marque le retour des clients. Le grand pont du 8 mai avec un lundi de Pentecôte qui sera de nouveau férié et « au soleil » – un « super-accident de calendrier » – fera sans doute exploser la fréquentation en Corse, marquant le vrai début de la saison 2008 que les professionnels espèrent bonne.