La protection des sources et celle des journalistes face à la puissance de l’Etat sont les principales questions posées lorsqu’un journaliste touche de trop près aux secrets de la puissance publique. Guillaume Dasquié en a fait les frais : il est mis en examen en Décembre 2007, suite à un article paru dans Le Monde du 17 Avril 2007. Cet article racontait, preuves à l’appui, que la DGSE connaissait les menaces pesant sur les Etats-Unis, avant le 11 Septembre 2001.
Entretien.
Pourquoi êtes-vous mis en examen plus de huit mois après la plainte déposée par Mme Alliot-Marie ? (L’article du Monde date du 17/04/2007; votre mise en examen intervient en Décembre) ?
Ce délai-là correspond à la durée de l’enquête préliminaire. C’est-à-dire aux recherches menées par les services de la DST, sur instruction du procureur, pour découvrir ma source ou mes sources, et à défaut, pour reconstituer mon réseau d’informateurs et de contacts. Au stade de l’enquête préliminaire, de telles investigations peuvent se dérouler tous azimuts, sans qu’un juge d’instruction n’intervienne.
Pouvez-vous nous expliquer ce que signifie « le secret défense » appliqué à certains documents ministériels ?
Les lois en vigueur prévoient que l’Etat a la possibilité de protéger les documents touchant la sécurité nationale, en leur attribuant des mentions empêchant ou limitant leur circulation. Les textes déterminent une graduation de cette classification, de la moins stratégique à la plus stratégique : confidentiel défense, secret défense, très secret défense.
Pouvez-vous aussi nous expliquer clairement l’article 109 du code de procédure pénale, concernant les sources journalistiques ?
Quand un journaliste est entendu dans une affaire couverte par ses activités de presse, cette disposition lui permet (théoriquement) de ne pas répondre aux questions des autorités sans encourir la moindre sanction civile ou pénale.
Qu’est ce qui va se passer maintenant, pour vous, dans cette affaire ?
Nous déposons avec mes avocats une requête en nullité contre l’ensemble de cette procédure, en attaquant directement la plainte du ministère de la Défense qui, selon nous, vise à déployer des moyens contre un article de presse qui ne sont proportionnés à un but légitime.
Est-ce que cette affaire vous renforce dans votre conviction de faire du journalisme d’investigation ?
Maintenant oui. Plus que jamais.
D’autres affaires concernant des journalistes et le secret de leurs sources, ont déjà eu lieu, ou sont en cours. Que pensez-vous de ce jeu du chat et de la souris entre les journalistes et l’Etat ?
Nous devons devenir les chats, et eux les souris.
Que pensez-vous de la définition de la Cour Européenne pour les journalistes, qu’elle qualifie de « watchdog » (chiens de garde) de la démocratie?
C’est le plus beau, le plus précieux et le plus noble objectif qu’une institution n’a jamais assigné aux journalistes.
Etes vous inquiet pour l’avenir des journalistes d’investigation tel que vous et d’autres le pratiquent ?
Je suis inquiet pour l’avenir des citoyens (cf. ce qui précède…). Dans une société où l’information se révèle structurée et organisée uniquement par des communicants, les citoyens disparaissent au profit des consommateurs.