« On dirait qu’Hilary va gagner. » « Je suis embarrassé pour mon pays. » « Je suis triste. » Trois messages envoyés par Caleb, jeune procureur de 24 ans de l’état du Wisconsin, qui illustrent la totale surprise qu’a été cette soirée électorale. Un mois après la victoire de Donald Trump, cet électeur démocrate refait la soirée de l’élection.
Caleb a voté pour Hillary Clinton dans son état du Wisconsin, une région qui a voté en moyenne à 80 % pour un candidat démocrate entre 2000 et 2016. Cette année, le candidat républicain l’a emporté avec une maigre avance, à peine plus de 22 000 voix. L’élection de 2016 n’a rien à voir avec celle de 2012 pour Caleb, pas de beer pong dans un bar entouré d’étudiants. Cette année, le moment est loin d’être festif. La soirée, Caleb l’a passée chez lui, seul, à préparer un procès pour le lendemain, la télé allumée en arrière-plan. « Il fallait en finir une fois pour toute avec cette élection, la campagne a été trop longue. Rien a voir avec 2012 où Obama était assuré de gagner », résume l’électeur.
« Au fur et à mesure que les résultats tombent, je me dis : « il va gagner, il va gagner » »
Voter Clinton allait de soi pour faire barrage à Trump.
Plus de suspense à l’annonce des résultats de l’état du Michigan, l’un des swing states – ces États clés pour l’élection – conquis par le magnat de l’immobilier. Caleb réalise ce qui vient de se passer : « Merde, il va vraiment gagner ! » Désabusé, il n’attend pas les résultats officiels et préfère aller se coucher plutôt que d’assister à son discours de victoire.
« Choqué », « horrifié »
Le lendemain, dans une ambiance de dépression post-électorale, pas question pour Caleb d’en parler au travail, pour lui la politique n’y a pas sa place. Il évite également d’y faire allusion avec sa famille qui a des opinions différentes sur la politique. Il se dit « horrifié » par le résultat que personne n’a anticipé. Le mot « choc » sort de sa bouche à de multiples reprises pour résumer les jours qui ont suivi l’élection. Cet électeur démocrate tente encore d’expliquer comment le candidat aux excès racistes et xénophobes a pu l’emporter.
Depuis l’élection, des manifestations anti-Trump sont organisées, la Californie rêve de sécession. Le hashtag #NotMyPresident est largement utilisé sur Twitter. Le Green Party a également engagé un recompte des voix dans l’État du Winsconsin et du Michigan à la suite d’irrégularités statistiques.
« Trump a gagné, c’est notre président maintenant »
Caleb est lui passé du choc à l’acceptation. Il rejette ces initiatives contre le nouveau président qu’il qualifie d’«antidémocratiques. Ils font ce que Trump a fait lors de sa campagne et ce pour quoi l’on s’est insurgé : émettre des doutes sur les résultats du scrutin. Trump a gagné, c’est notre président maintenant », se résigne-t-il.
Il se veut très prudent pour les quatre ans à venir. « Il faudra être vigilant sur ce qu’il fait, sur les lois qu’il veut présenter devant le Congrès. Je suis surtout préoccupé par l’évolution de la politique que va connaître la Cour suprême. » La Cour est au sommet de la hiérarchie juridique des États-Unis. Elle s’assure de la conformité des lois des États fédérés avec la Constitution américaines, et a donc un pouvoir important pour faire évoluer la société américaine. En 2015, la Cour rend le mariage homosexuel légal dans toutes les États-Unis. Depuis le décès en février du juge Antonin Scalia, fervent défenseur des idées républicaines, aucun successeur n’a été nommé. La Cour compte aujourd’hui quatre juges nommés par un président républicain et quatre par un démocrate. Le futur président est libre de donner pour longtemps une coloration républicaine à la Cour suprême, les juges étant nommés à vie. Pour Caleb, il ne fait aucun doute que « Trump désignera un juge républicain et durant son mandat potentiellement deux, voire trois autres juges [les juges les plus âgés ont respectivement 78 ans, 80 ans et 83 ans, ndlr]. Cette opportunité qui lui est offerte va changer la trajectoire que prendra le pays pour les 25 aux 30 années prochaines. »