Second tour des régionales: Carole Delga renverse le Front national

Ce 13 décembre 2015 marque le deuxième tour des élections régionales. En France métropolitaine, Les Républicains arrivent en tête dans six régions sur treize. Le Parti socialiste dans cinq dont le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées.

Le Front national n’emporte aucune région mais place tout de même 358 conseillers en France. « C’est une défaite victorieuse », fanfaronne Gilbert Colard, député frontiste du Gard. Malgré la défaite le Front national réalise son meilleur score national avec 400 000 électeurs de plus par rapport aux présidentielles de 2012.

Le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées divisé

Le taux de participation passe de 52% à 62% soit une évolution de 401 425 électeurs supplémentaires. En Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées le second tour a mobilisé. Carole Delga, tête de liste de l’union de gauche, a réussi son pari. Elle gagne aisément la présidence de la région avec 44,8% des voix. L’alliance du Parti socialiste avec le Nouveau monde de Gérard Onesta a porté ses fruits.

Louis Aliot, en tête du premier tour, réussi à séduire plus de 172 000 nouveaux électeurs. La défaite du Front national est donc à relativiser. Report de voix ou mobilisation frontiste d’entre-deux tours, le FN se consolide notamment dans le Gard et les Pyrénées-Orientales où il arrive en tête.

Le « ni retrait ni fusion » de Dominique Reynié, tête de liste de l’union de la droite, lui assure 25 sièges au conseil régional de Toulouse. Même l’Aveyron, fief natal du politologue, ne lui octroie que la deuxième place.

Si la fusion n’avait pas eu lieu, le Languedoc-Roussillon aurait probablement eu comme président de région Louis Aliot. Une nette division est visible avec le Midi-Pyrénées qui reste rose puisque le FN n’arrive à prendre la tête d’aucun de ses départements.

40 conseillers régionaux siégeront à Toulouse sous les couleurs du Front national. Leur part est considérable, puisqu’ils sont plus nombreux que les conseillers régionaux LR-UDI (25). Les 93 autres sièges seront occupés par les élus de l’union de la gauche. Le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées est la seule région de France où le FN a plus de conseillers que l’union de droite.


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Voici commune par commune le résultat du deuxième tour en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées (en noir les communes où le FN est en tête, en rose l’union de la gauche, en bleu l’union de la droite) :

Au plan national un rapport de force plus équilibré

À l’échelle nationale le parti de Nicolas Sarkozy est en tête dans sept régions : Normandie, Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Alsace-Champagne-Ardenne, Auvergne-Rhône-Alpes, Pays-de-la-Loire et Ile-de-France. En 2010, la droite n’avait que l’Alsace, aujourd’hui elle est majoritaire. Le retrait de deux listes socialistes au nord et au sud leur a permis de former un front républicain contre le FN.

L’union de la gauche menée par le Parti socialiste se contente de cinq régions : la Bretagne, l’Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin, le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, la Bourgogne-Franche-Comté et le Centre-Val-de-Loire. La perte de sept régions anciennement socialistes semble exprimer le mécontentement des électeurs envers la gauche gouvernementale.

Particularité corse, la région passe aux mains du nationaliste Gilles Simeoni tête de liste « Pè a Corsica ». Il rafle 45% des suffrages.



Tous les résultats par région sont disponibles sur cette carte interactive (cliquez sur la capitale de votre région pour découvrir les résultats) :

Beaucaire : la résistance au FN fragmentée

La ville gardoise dirigée par le Front national a voté au premier tour à 60 % pour le parti de Marine Le Pen. Fragmentée au plan politique comme associatif, la résistance anti-FN peine à proposer une alternative. Reportage dans le maquis beaucairois de l’entre-deux-tours.

Parties à la recherche des opposants au FN, nous sommes arrivées sous la grisaille dans une ville tourmentée en ce mardi 8 décembre d’entre-deux-tours. 16 000 personnes vivent à Beaucaire, mais personne ne s’aventure sur les pavés glissants de la ville. En votant à 60 % FN au premier tour des régionales, Beaucaire s’octroie le score frontiste le plus élevé du Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. Les opposants politiques et associatifs n’ont pas déserté la ville, mais le frontiste Julien Sanchez maire de Beaucaire, semble tirer des avantages de leurs bisbilles intestines.

Une résistance associative mise à mal

Le milieu associatif beaucairois est structuré par le sport, la culture et la politique. Pilier de l’opposition au Front national, le Rassemblement citoyen de Beaucaire (RCB) a été créé par quatre habitantes et compte aujourd’hui une vingtaine de membres. La blogueuse Laure Cordelet, une des fondatrices, habite la ville depuis quatre ans. « Avant je n’étais pas du tout politisée, je venais d’une famille de droite. Je votais centre-droit. Mais avec l’élection de Sanchez, la parole raciste s’est libérée. C’est là que j’ai décidé de créer le Rassemblement ». Ateliers d’instruction civique, manifestations et conférence sont les principaux moyens d’action de l’association.

« Mon combat principal reste les municipales », confie-t-elle. D’où une moindre mobilisation pour ces régionales, malgré une distribution de tracts anti-FN dans les boîtes aux lettres des quartiers abstentionnistes de la Moulinelle et du centre-ville. L’association ne reçoit « aucune subvention, ce qui nous permet de dire merde à qui on veut », même si elle regrette de se battre avec peu de moyens. « C’est plus difficile de résister ».

L'édile Julien Sanchez dans son bureau empli de symboles français. Dans son grand bureau de l’hôtel de ville, Julien Sanchez connaît bien Laure Cordelet. « Son cas relève de la psychiatrie», lâche-t-il. Le jeune élu frontiste dit bien s’entendre avec le monde associatif beaucairois. Cela ne l’empêche pas de dénigrer le RCB: « On a donné un sens à leurs vies. Qu’elles continuent, ça nous fait monter ». Laure Cordelet s’en amuse : « Je sais très bien qu’il me prend pour une folle hystérique ».

Il suffit d’arpenter les rues aux côtés de Laure pour s’apercevoir qu’elle a la côte. En quelques mètres, quatre personnes l’accostent au long du canal, entre bavardages et accolades. « Mieux vaut ne pas être pressée », glisse-t-elle.

Au sein même de la résistance, les avis divergent à son sujet. « Elle fait un gros travail de diffusion, mais elle sert malgré elle de porte-voix au FN », affirme Claude Dubois, ancien conseiller municipal de l’opposition Front de gauche. Maxime créateur du groupe Facebook Les Beaucairoiseries, pense que « les gens ne la prennent plus trop au sérieux mais c’est dommage car on a besoin d’elle ». Des propos révélateurs de leurs difficultés à se fédérer. Les pôles d’oppositions existent mais ne sont pas à la hauteur de la montée du FN.

D’autres associations ont subi une coupe budgétaire. « Le principal rempart au FN c’est le monde associatif. Ce que fait Sanchez à Beaucaire, c’est enlever des subventions aux assos qui créent du lien social, comme l’aide scolaire. Donner des subventions, c’est reconnaître leur intérêt public », relève Sylvie Polinière, ancienne enseignante à Beaucaire et militante CGT, dans les locaux nîmois du syndicat.

L’enjeu pour ces associations est de trouver des moyens d’existence en dehors des subventions publiques. Le monde associatif beaucairois est sinistré. Il ne constitue pas à ce jour une opposition suffisamment forte pour enrayer l’ascension du Front national. La difficulté est d’autant plus forte pour la gauche de s’installer dans une région historiquement monarchiste et conservatrice. « L’arrivée des rapatriés d’Algérie et d’une main d’œuvre maghrébine ont créé des tensions. Ces deux populations ont dû cohabiter », explique Michel Crespy, sociologue gardois. Après avoir essayé le communisme il y a trente ans, ni la gauche ni la droite classiques n’ont su prendre le relais. Avec un chômage avoisinant les 20 % et des incivilités récurrentes, les Beaucairois se sont divisés, tout comme leurs représentants. Et le maire s’en frotte les mains.

Une opposition partisane incapable de s’unir

Le conseil municipal compte trois groupes d’oppositions : Beaucaire 2014 (divers-droite), Beaucaire pour tous (liste de l’ancien maire Jacques Bourbousson) et Réagir pour Beaucaire (Front de gauche). Cette fragmentation reflète le paysage politique des élections municipales de 2014. Face à Julien Sanchez, quatre listes se sont affrontées sans trouver d’union. « Pour les prochaines municipales, on veut une liste unique, seule condition pour gagner face au Front national », souligne Laure Cordelet du RCB.

Les conseillers de Beaucaire 2014 « ne font que s’opposer pour s’opposer », estime Claude Dubois. L’édile confirme : « c’est une opposition ridicule ». Il préfère celle de l’ancien maire qu’il qualifie de « constructive », et celle de l’unique représentante du Front de gauche. Il n’a même pas besoin d’affaiblir son opposition municipale : elle est déjà en lambeaux.

Une situation qui a conduit Claude Dubois à démissionner de sa fonction de conseiller municipal. « Je me suis mis en retrait, aujourd’hui j’agis seul, je suis un militant ». Amer, cet ancien candidat aux élections municipales de 2014 a baissé les bras et préfère aller prêcher la bonne parole dans le bar Le Romain.

Remy Vidal et Laure Cordelet, deux manières de s'opposer au Front national. « Le paysage politique beaucairois est en situation de mort clinique. La ville est abandonnée, tout est centralisé à Nîmes », analyse Rémy Vidal, secrétaire départemental de la fédération gardoise du Parti radical de gauche (PRG). Aucune antenne locale de parti n’est présente à Beaucaire. Ils ont déserté le champ de bataille. Le PRG lui-même n’a rien entrepris pour contrer le FN dans le cadre des régionales. Rémy Vidal préfère construire les fondations d’une section départementale qui puisse mobiliser autour d’un « projet collectif ».

Mal organisée, divisée, voire inexistante, l’opposition institutionnelle fait le jeu du FN en lui permettant de se maintenir. « Julien Sanchez est installé pour longtemps », conclut le sociologue Michel Crespy.


Faire renaître une résistance citoyenne

La ville se retrouve totalement assommée. « Certaines personnes ont peur de s’opposer. Dès que le Front national a quelqu’un dans le nez, il fait tout pour l’enterrer », confie la militante CGT Sylvie Polinière. La ville est divisée entre ceux qui soutiennent le FN et ceux qui sont contre. Conséquence : plus personne n’ose parler, comme si la loi du silence régnait.

« Rue nationale » à Beaucaire. Un lieu où les commerçants, d’origine maghrébine pour la plupart, sont visés par un arrêté municipal jugé discriminatoire par les concernés. Preuve de la défiance ambiante, l’un d’eux nous déroule un discours pro-frontiste de façade. « Le FN apporte du bien c’est un bon patron. Il y a des barbus qui nous pourrissent », nous explique cet épicier marocain. Un discours ambigu. Intriguées, nous lui garantissons son anonymat et celui-ci nous livre une toute autre version. « Je veux qu’on me montre du doigt en tant qu’arabe qui réussit. Je ne veux pas de problème avec la mairie, je suis commerçant ».

Cette méfiance nous l’avons aussi retrouvée au café de Malik, lorsque nous avons abordé quelques clients. « Mais vous êtes des journalistes, vous allez déformer nos propos », lance un des jeunes hommes. Une fois passée la barrière, deux d’entre eux de 27 ans acceptent de s’ouvrir. « Le maire se dit proche des gens, mais ça dépend desquels… moi je ne l’ai jamais rencontré ! », sourit Mohamed. Les régionales ne l’intéressent pas. Il préfère voter aux présidentielles et aux municipales, « sauf si c’est vraiment trop serré avec le Front national », ajoute-t-il. Samir, de son côté, n’a pas le droit de vote mais aimerait l’avoir. Il essaye de s’informer comme il peut, « avec les moyens qu’il a ». Contre le Front national, mais pas résistants pour autant.



Une ville où les habitants ne courent pas les rues à l'image de cette place.

Résistance 2.0. L’opposition citoyenne semble œuvrer davantage sur les réseaux sociaux que dans les rues de la ville. Le groupe Facebook Les beaucairoiseries, créé par Maxime, rencontre un vif succès depuis sa création il y a sept mois. Il a été formé suite à la censure immédiate de posts sur la page officielle de Beaucaire. Aujourd’hui, le groupe compte plus de 1400 membres et « une dizaine de personnes s’ajoutent chaque jour », selon Maxime. On y retrouve certains membres de l’opposition institutionnelle ou associative qui y débattent quotidiennement de politique locale. La résistance citoyenne se fait virtuelle.

« Une opposition constructive ne peut émerger que si le maire fait des actions très impopulaires », prévient Michel Crespy. « Mais Sanchez est quelqu’un de charismatique, jeune et malin ». Un seul espoir : le renouveau du militantisme, par la jeunesse et le dialogue. « C’est la jeunesse qui doit se bouger. À un moment donné, ils n’accepteront plus ça », conclut Sylvie Polinière. Nous quittons une ville illuminée par des décorations de Noël bleu marine, qui donne l’impression que la couleur du Front national a même envahi la ville. Beaucaire semble s’être résignée à moyen et long terme.

Joël Gombin : « Le FN est très haut parce que la majorité de l’électorat ne vote pas »

Joël Gombin est politologue et chercheur au CNRS de l’université de Picardie-Jules Verne. Il revient sur le rôle crucial de l’abstention dans le score du FN aux régionales.
Dimanche 13 décembre, les électeurs de Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées sont invités à départager Louis Aliot (Front national), Carole Delga (Parti socialiste) et Dominique Reynié (Les Républicains).



Vous avez créé une carte de la géographie électorale du vote Front national (FN). Vous avez dégagé trois catégories d’électeurs frontistes : les « inactifs », les « rétifs » et les « travailleurs ». Cette dernière catégorie se trouve dans le sud et dans la région de Montpellier. Qui sont ces « travailleurs » et en quoi se différencient-ils des autres ?


Il faut d’abord préciser que les noms qu’on a donné à ces types sont réducteurs, c’est un choix éditorial. La composition socio-professionnelle et la pénétration du FN sont les principales variables qui nous ont servi à bâtir la typologie. Ces trois catégories se basent sur des territoires et non sur des individus. Ce qui caractérise les territoires des « travailleurs », c’est leur base électorale. Elle est davantage composée d’actifs, de salariés du secteur privé comme les ouvriers, les employés ou les cadres supérieurs. Ces mondes du travail sont caractérisés par une économie fragile et déconnectée des grandes métropoles et de la mondialisation.


À part Montpellier et Toulouse qui sont dans la recherche et les secteurs de pointe, tout repose en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées sur une économie traditionnelle – agricole – et résidentielle – service à la personne, tourisme. Les revenus sont tributaires des prestations sociales et des flux de redistributions (ndlr, une part du salaire est directement reversée à la sécurité sociale, aux retraites…) . C’est une économie peu productive. Ceux qui votent FN dans cette région sont souvent des individus issus de la bourgeoisie rurale en déclin. Ils se sentent exclus de ces gros centres urbains qui profitent de la mondialisation.


Comment peut-on expliquer le « succès » du FN dans le sud de la France ?


Ce succès dépend de la structure de l’électorat. Pour le PACA et le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, la droite s’est construite autour de la question de l’Algérie française, anti-gaulliste. Ses habitants sont pour beaucoup des pieds-noirs, dont leur économie dépendait de l’empire colonial. La gauche non communiste avait fait du clivage colonial le base de son soutien politique. Mais l’arrivée du FN en 1984 dans la région va tout faire basculer. Le FN est devenu le seul parti à proposer une offre pour cette question.


Il n’y a pas eu de modèle économique pour gérer ces territoires avec des très riches et très pauvres. Les très riches ont eu accès aux biens, et vivaient d’une rente foncière. Cela explique pourquoi l’immobilier a explosé dans cette région, en fragilisant les plus pauvres de la classe moyenne. Le FN représente le désarroi de ces classes moyennes, qui se sentent menacées par cette économie peu dynamique et qui menace la bourgeoisie en déclin économique.


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Quels intérêts sociaux peut représenter le FN en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées ?


Le succès du Front national, c’est de proposer un ensemble d’intérêts, parfois totalement divergeants. Dans cette région, le FN a mis en place très tôt des enjeux identitaires et culturels. En balançant sur les immigrés, le FN s’est mis à valoriser un autre groupe social se trouvant en bas de la hiérarchie.

En étant mis en avant, cet électorat se mobilise autour de la rhétorique de la dignité. La droite et la gauche s’adressent à des classes sociales qui montent, diplômées, avec un fort capital culturel. Les catégories de population mises de côté sont récupérées par le FN et leur redonne ce sentiment de dignité.


Le candidat frontiste Louis Aliot a-t-il adapté son discours envers son électorat du Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées ?


Ce n’est pas vraiment une adaptation. Concernant la question de l’immigration, aucun des cadres du parti ne peut se permettre de prendre des libertés par rapport à la ligne conduite du centre. Il reste une forte forme d’orthodoxie pour ça. Le discours de Louis Aliot est plus dû à sa trajectoire personnelle. Il a été marqué par la question algérienne, c’est un rapatrié. Il y a dans cette question une dimension politique et émotionnelle très forte pour lui.


Louis Aliot est le théoricien de la dédiabolisation depuis les années 90, bien avant Florian Philippot. Mais elle était tournée vers l’antisémitisme et non pas vers les immigrés maghrébins. Et cela est propre à son rapport au conflit algérien, comme s’il existait encore. Pendant la guerre, les arabes étaient désignés automatiquement comme musulmans et n’ont jamais eu accès à la citoyenneté française. Alors que des Algériens juifs l’ont eu. Ce n’est pas un calcul d’adaptation envers son électorat mais sa trajectoire propre qui veut ça. En plus, il est basé à Perpignan, où l’emprise culturelle catalane, gitane et maghrébine est très forte. Pour les municipales en 2014, il n’a pas hésité à s’appuyer sur la communauté gitane pour s’élever et contribuer à la division avec la communauté maghrébine.


Le candidat des Républicains Dominique Reynié a choisi de ne pas se retirer pour faire un front républicain contre le FN. Quelles peuvent être les conséquences pour Louis Aliot au second tour ?


Au premier tour, une partie de l’électorat de droite s’est probablement déjà tournée vers Louis Aliot. Ceux qui ont choisi Dominique Reynié sont moins porté sur le FN. Le report de voix de Reynié vers Aliot n’est donc pas valable pour moi. Quant aux abstentionnistes, ce qu’on sait aujourd’hui, c’est que l’électorat Front national se mobilise plus que ceux des autres partis pour voter FN. Quand la participation baisse, le vote FN est donc plus visible.

Le FN est très haut pour les régionales parce que la majorité de l’électorat ne vote pas. Mais la base électorale du FN progresse. La question aujourd’hui, c’est ce qui va se passer pour les présidentielles. C’est un scrutin qui mobilise beaucoup plus. En 2017, est-ce que le vote FN va être noyé parmi les autres qui se mobilisent ou pas ? La question abstentionniste est très difficile à sonder.

À la Mosson, l’abstention rime avec sanction

Lors du premier tour des élections régionales le 6 décembre, 70% des électeurs de la Mosson à Montpellier se sont abstenus. Une tendance habituelle dans ce quartier miné par les inégalités sociales, le désenchantement politique, mais aussi sensible à l’état d’urgence et à l’islamophobie. Une accumulation qui se traduit par un malaise palpable. Reportage.

Une ville dans la ville. Un quartier à perte de vue, avec ses tours et ses logements sociaux à profusion. 26 000 habitants, dont moins de la moitié (11403) inscrits sur les listes électorales. Et 23% de taux de participation enregistré dans le bureau de vote Heidelberg (B90) au premier tour des élections régionales 2015. La Mosson, plus communément appelée la Paillade, est caractéristique de ces quartiers populaires où l’abstention prospère. Une tendance qui s’explique à la fois par des critères sociologiques, de trop fortes contraintes procédurales pour pouvoir voter, et un profond désenchantement politique.

Un « No man’s land électoral »

« L’abstention bat des niveaux record dans les quartiers populaires ». Dans son bureau de l’Université de Montpellier, Jean-Yves Dormagen, chercheur au CEPEL (Centre d’Etudes Politiques de l’Europe Latine) et spécialiste de l’abstention, accumule les dossiers d’enquêtes qualitatives à ce sujet. Il explique s’être intéressé à ce phénomène à la Mosson en 2011 : « Il y a des caractéristiques sociologiques qui favorisent l’abstention dans ce quartier. Les électeurs sont plus jeunes, peu diplômés, de parents étrangers, souvent peu ou pas qualifiés. La désinsertion, due au décrochage scolaire et au chômage, y contribue également ». Un « No man’s land électoral », que les chiffres révélés dans un rapport préfectoral en 2012 tendent à confirmer : 31 % d’habitants de nationalité étrangère (contre 11 % pour l’ensemble de Montpellier), un taux de chômage de 46 % chez les moins de 26 ans, 12 500 personnes vivant sous le seuil de pauvreté, et 45% de la population sans diplôme.

Et les procédures pour s’inscrire sur les listes électorales n’arrangent rien : « Sur cet aspect, on est encore au Moyen-âge. C’est absurde », lance l’auteur de La démocratie de l’abstention. « Il faudrait une réforme radicale de l’inscription sur les listes et de la procuration, notamment grâce à des démarches en ligne », explique-t-il. Une alternative virtuelle, qui permettrait de lever de réelles barrières dissuasives pour les jeunes des quartiers populaires. Et si les bureaux de proximité sont censés permettre d’éviter les trajets jusqu’au centre-ville, c’est raté pour cette année : celui de la Mosson n’a pas été ouvert en septembre pour ceux qui auraient souhaité s’y inscrire.

Des jeunes peu informés, une campagne inexistante

Dans un petit local situé dans le secteur dit Oxford, au cœur de la Paillade, Ilham a ouvert l’association « Union pour l’avenir » (UPA). Elle a choisi de s’occuper de l’accompagnement et de l’insertion des jeunes du quartier (de 18 à 25 ans). « Le vote est un devoir civique, c’est donc important. J’essaye de les sensibiliser aux enjeux électoraux ». Une démarche pas toujours évidente… Car même si les jeunes sont « réceptifs », ils manquent cruellement d’informations, mais aussi de culture politique. « On ne parle du vote que pendant les élections. Il faudrait leur en parler dès le lycée ». Par ailleurs, les « décrocheurs scolaires » pâtissent particulièrement. Beaucoup n’accomplissent pas leur JDC (Journée défense et citoyenneté, ex-JAPD) et ne peuvent, par conséquent, pas s’inscrire sur les listes et voter.

La campagne électorale aurait peut-être pu encourager les habitants à se rendre aux urnes. Mais Djamel Boumaaz, natif du quartier qui vient de quitter le Front National, s’exclame : « Il n’y a pas eu de campagne ici ! On n’a reçu aucun programme ou bulletin de vote dans les boîtes aux lettres, il n’y a pas eu de démarchage, et pas de rabatteurs devant les bureaux de vote dimanche », poursuit-il, avant de rappeler qu’en plus de tout ça, les magasins étaient ouverts à l’occasion des fêtes de fin d’année.

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Du désenchantement à l’indifférence

Attablé dans une boulangerie très fréquentée de Saint-Paul, Adil observe, soucieux, la pluie battante à l’extérieur. Ce père de famille de 39 ans fait partie des 70% de Pailladins qui ne se sont pas déplacés au bureau de vote dimanche 6 décembre. Et il le revendique : « Sur Facebook, j’ai appelé à ne pas voter, à sanctionner ce gouvernement de menteurs », argue-t-il. Ce militant associatif qui se bat depuis 20 ans contre les injustices sociales se dit « démoralisé » : « Le vote n’a jamais rien changé pour nous. On doit se battre pour des choses banales, comme un simple terrain de foot », explique-t-il, en jouant nerveusement avec des grains de sucre éparpillés sur la table.

Gauche, droite… Les habitants ne font simplement plus la différence. Un désenchantement pour ces électeurs de François Hollande, parfois anciens sympathisants PS. Mohamed*, autre militant associatif de la Mosson âgé de 36 ans, avait adhéré au parti pendant quelques temps. Mais depuis deux ans, il n’a pas renouvelé sa carte d’adhésion : « Je ne me reconnais plus dans la classe politique actuelle. La gauche et la droite nous servent le même baratin », regrette ce trentenaire, qui n’a pas voté au 1er tour de ces élections régionales.
Autre problème, la défiance envers les politiques : « Les élections sont devenues un business. Les jeunes n’ont plus envie qu’on marchande leur voix. Les candidats ne sont plus crédibles à leurs yeux, ils n’y croient plus », ajoute Ilham.

Par la force des choses, les habitants de ce quartier ont appris à faire avec… Ou plutôt sans. Ismaël*, assis aux côtés d’Adil, pense qu’il fait partie de ceux qui ne comptent pas. Il explique, avec beaucoup de sérénité, qu’une certaine forme de « résilience », s’est installée avec le temps dans le quartier : « C’est dans notre culture. Si on ne nous donne rien, on apprend à se débrouiller en pensant que c’est la loi de la nature. » C’est bien un mépris réciproque qui existe désormais entre les habitants et les politiques, mais un « mépris sans colère… Une indifférence paisible », souligne-t-il.

Le FN ne fait plus peur

Dans ce contexte, plus rien n’effraie les Pailladins. Le risque FN, autrefois argument choc pour mobiliser les électeurs, ne marche plus. Ismaël raconte qu’il entend souvent, au détour d’une phrase, « on n’a pas peur du FN, on s’en fiche ». Adil, quant à lui, affirme que « le PS applique déjà les idées du FN. Avec l’état d’urgence, on cible une communauté. Les perquisitions, les bavures, la stigmatisation ou la déchéance de nationalité… », énumère-t-il, révolté.

Si la montée du Front National ne les effraie plus, certains vont même jusqu’à voter pour le parti : Louis Aliot, tête de liste FN, est arrivé en tête dans deux bureaux de vote du quartier, Heidelberg avec 31,55% et Sedar Senghor avec 35,51% des voix (B89 et B92). « On préfère l’original à la copie ! » s’exclame Adil, avec ironie. « Au moins avec eux, on sait à quoi s’attendre ». Un résultat à la fois surprenant et alarmant, dans un quartier où la population est souvent d’origine maghrébine. « Les gens sont perdus », lance Mohamed. « Moi, je n’oublie pas que c’est un parti profondément raciste. Je voterai au 2ème tour car je considère qu’il doit y avoir un sursaut républicain », ajoute-t-il. Et il n’est pas le seul à vouloir faire barrage au parti de Marine Le Pen. Ismaël est catégorique : « J’ai voté au 1er tour car je suis alerté par le danger FN. C’est une autre limonade, et je n’ai pas envie d’y goûter. » Dimanche, lors du second tour des élections, le taux d’abstention devrait être similaire dans ce quartier, où l’espoir semble avoir disparu.

*A la demande de ces personnes, leur nom a été modifié.

Régionales: la gauche et le Front National au coude-à-coude au second tour

Depuis mardi 8 décembre à 18h, les candidats ayant réuni plus de 10% des suffrages au premier tour ont déposé leur liste en préfecture. Dimanche 13 décembre, le second tour opposera la liste de gauche Delga/Onesta à celle du candidat des Républicains Dominique Reynié et celle du frontiste Louis Aliot. Chaque camp mise sur d’incertaines réserves de voix qui rendent le match serré entre la gauche et le Front National (FN).

TAK O TAK: Question pour un champion… de région.



« Le choix est difficile là… », Delga et ses concurrents ont du mal à répondre à nos questions… pourtant très simples ! Pris à leur propre piège, les candidats à la présidence de la grande région tiquent, butent, ricanent, bafouillent. Foot ou rugby ? Tielle sétoise ou canard ? France ou Europe ? L’emmerdeur ou Le Boulet? Le suspense est intenable….

Reynié , Delga , Aliot , Saurel , Onesta , passent le test du TAK O TAK.

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Languedoc-Roussillon / Midi-Pyrénées : le milieu culturel, social et touristique en parle

Ils travaillent dans la culture, le social et le tourisme : trois compétences de la future région Languedoc-Roussillon / Midi-Pyrénées. Gaston, dessinateur, Frédéric Gal, directeur général de l’association Le Refuge et Frédéric Destaillats, directeur de l’Ecole supérieure de tourisme (EFHT) se penchent sur les enjeux du scrutin des 6 et 13 décembre prochains. Et refont le match des capitales Montpellier – Toulouse.

Autour d’un café pris sur la place de la Comédie, le dessinateur Gaston est dubitatif sur l’avenir de la grande région : « On ne sait pas trop ce qu’ils vont faire de ce territoire qui sera plus grand que la Belgique ! » Pour lui, la culture reste «le parent pauvre» et il n’attend pas plus de subventions de la part de la super institution. «Ce qui va changer, c’est que nous allons traiter avec d’autres personnes. Ce sera plus facile d’être chauvin en rejetant la faute sur Toulouse si on n’a pas d’argent !», ironise ce Montpelliérain.

Frédéric Gal, est plus inquiet. Le directeur général de l’association le Refuge travaille avec la région en menant des actions de sensibilisation contre l’homophobie dans les lycées. Il redoute que la thématique du social soit «noyée dans un flot d’autres compétences».

De son côté, Frédéric Destaillats, directeur de l’EFHT, école privée de tourisme, ne reçoit pas de subvention de l’instance régionale. C’est en toute neutralité qu’il pense que la nouvelle région peut être «une force de frappe» au plan du développement économique, un axe ô combien «essentiel» dans les deux régions : «Il ne faut pas scier la branche sur laquelle on est assis ».

Compétences régionales et secteurs professionnels

«Au Refuge, on a la chance ou la malchance d’être sur plusieurs thématiques», précise Frédéric Gal qui souhaiterait voir la compétence sociale de la région couplée avec celle de la santé. L’association est notamment en charge de la prévention sur les thèmes du suicide et des risques sanitaires et sexuels. Elle préférerait donc voir ses actions considérées séparément : «Le suicide au sens général n’est pas la même prise en charge que le suicide lié aux discriminations » .

Du côté de l’EFHT, on parle volontiers de lier la compétence développement économique avec celle du tourisme, nouvellement partagée avec le département : «Le tourisme est une part importante du Languedoc-Roussillon. Il faut que les élus y prêtent une attention particulière en développant les budgets en conséquence et en mettant en commun les atouts des deux régions » . Pour le directeur, on peut par exemple jouer sur les deux aéroports comme levier de développement économique.

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Aucun candidat ou programme privilégié

Malgré leurs secteurs de travail différents, les trois professionnels n’ont clairement pas été touchés par un candidat ou un programme particulier. Frédéric Destaillats a «vaguement entendu» prononcer le mot «tourisme» lors de la campagne. «J’ai surtout vu des candidats se battre sur leur propre liste», plaisante-t-il.

Même son de cloche au Refuge, « ça serait bien de privilégier une politique sociétale plutôt qu’une politique de partis ». Selon Frédéric Gal, bien que tous les politiques aient intégré la notion de discrimination, «les candidats privatisent ce sujet alors qu’il devrait être transversal et orienté sur le respect de l’autre ». Pour lui, le problème reste la mise en place d’actions concrètes : «Dans la campagne, j’aurais aimé que l’on se pose la question de comment agir contre l’homophobie, avant de faire des promesses qui, on le sait, sont rarement tenues » .

Gaston admet avoir «une sensibilité de gauche» mais Carole Delga, la candidate PS, lui semble « trop téléphonée ». Il votera « sûrement écolo au premier tour » et « PS au second ». Et conclut, tonitruant : « La gauche est tellement dispersée ici que ça en devient risible ! S’ils ne sont pas au second tour, on sera la région la plus con de France !»

Montpellier ou Toulouse ?

Comme beaucoup de Montpelliérains, nos trois intervenants adorent discuter le match des capitales. Leurs avis convergent sur la «complémentarité des deux villes». Gaston pointe leur ressemblance : toutes deux étudiantes et dynamiques. Mais pour le dessinateur il est logique que Toulouse l’ait emporté : «La ville est plus grande et le siège d’importantes entreprises » .

Plus que la logique, la flamme Montpelliéraine l’emporte : « Par pur chauvinisme, je choisis Montpellier, évidemment », lance Frédéric Gal. « On va rester local en disant Montpellier », renchérit Frédéric Destaillats. Le directeur de l’EFHT précise néanmoins : «Toulouse a un tourisme d’affaire qu’il n’y a pas à Montpellier, plus tournée vers le balnéaire ». Selon lui, il va être intéressant de mettre les forces en commun « même si Montpellier doit garder une compétence propre ». Et pour Frédéric Destaillats cela doit être le tourisme. Rassembleur, il appelle les élus à « se mettre autour de la table » et à « prendre les décisions de manière intelligente pour éviter que les deux villes ne tirent la couverture vers elle ». Tout ça pour que Montpellier « n’ait pas de complexe d’infériorité ».

Gaston le rejoint sur ce point : « Évitons juste la bagarre ! L’essentiel est que les deux villes marchent main dans la main. Montpellier est deuxième, il faut faire avec et trouver des secteurs dans lesquels elle peut être première ».

Fusion, compétences, candidats, capitales : pour eux trois aucun enjeu particulier n’est pour l’heure ressorti de cette campagne, malgré les nouveautés du scrutin. La nouvelle région reste juste un flou qu’il va falloir vite dissiper.

Régionales 2015 : 4 questions aux candidats

Victoire, abstention, nom de la région, première mesure : Louis Aliot (FN), Carole Delga (PS), Gérard Onesta (FG, EELV, PO, NGS), Dominique Reynié (LR) et Philippe Saurel (Citoyens du Midi) se retrouvent sur le ring des questions communes… avec ou sans langue de bois.

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Régionales 2015:
Carole Delga:  » Nous connaissons le mieux la région. « 

Carole Delga est la tête de liste du PS-PRG-MRC pour les élections régionales en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. Nous l’avons rencontré dans les locaux du Parti Socialiste à Toulouse, le 10 novembre 2015. Dans l’interview, elle représente la ligne du gouvernement pour les élections régionales des 6 et 13 décembre prochains.

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Régionales 2015:
Dominique Reynié: « Je suis porteur du plus beau projet »

Dominique Reynié est le chef de file des Républicains et de l’UDI pour les élections régionales en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. Le 12 novembre 2015, il nous accueillait dans ses locaux de campagne à Toulouse. Une interview où il se confie sur son passage laborieux de politologue à homme politique pour les élections des 6 et 13 décembre prochains.

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