Courbettes et prouesses acrobatiques : ramper en public est un exercice difficile. Guillaume Pépy, PDG de la SNCF, n’y est pas allé de main morte pour présenter ses plus plates excuses lors du JT de France 2 en date du mercredi 14 janvier.
A Arrêt sur Image, on s’amuse du bon cœur que Pépy met à l’ouvrage. « Comment la SNCF communique : notre premier jeu ! ». Apprenez ainsi que « un tel exercice de contrition sur le plateau du 20 Heures obéit à des codes immuables. Fausse note interdite ! Dans les mots, mais aussi dans les gestes ». Sur le site d’ASI, le lecteur est ainsi convié à relier expressions toutes faites et gestuelles qui vont avec.
Mais au fait, pourquoi tout ce battage ? Un scandale financier à la SNCF ? 3000 licenciements prévus pour février ? Ou mieux, ont-ils enfin constaté que le rapport qualité/prix concernant les sandwichs vendus à la buvette était franchement douteux ? Non. La cause du mea culpa de Guillaume Pépy est des plus banales puisqu’il s’agit d’une grève déclenchée le 13 janvier par des conducteurs solidaires de leur collègue agressé la veille. « Cette dernière a été présentée en début de matinée par la SNCF comme une «grève sauvage», touchant «30 à 40% des conducteurs», explique le gratuit 20 Minutes. «Mais une heure plus tard, on apprenait que le trafic était totalement interrompu et que la gare Saint-Lazare était évacuée et fermée pour raisons de sécurité ». Une grève, on ne peut pas dire que l’incident est des plus surprenants.
Ce qui l’est en revanche, c’est les proportions qu’a pris l’événement. Ainsi, le Nouvel Obs nous apprend que « Nicolas Sarkozy a demandé mercredi en conseil des ministres à la SNCF de « s’excuser auprès de ses abonnés » et « d’indemniser les voyageurs » ». La voici, la source du petit numéro de Guillaume Pépy. Sitôt demandé, sitôt exécuté : A nous de vous faire préférer le train.
Un train de réformes peut en cacher un autre
Sur tous les tableaux, le chef de l’État n’en était pas pour autant attendu sur celui-ci. Le problème, c’est que l’affaire de la gare Saint Lazare révèle la légèreté du système construit par Nicolas Sarkozy. Tout d’abord, et malgré ce qu’il avait annoncé, les voyageurs franciliens ont pu constater que, en France, quand on fait une grève, on s’en aperçoit encore. Rageant…
Mais c’est surtout les limites du service minimum, pointées par le Monde, qui ont dû initier les foudres présidentielles. « Les syndicalistes radicaux savent se servir des failles de la législation pour la contourner et la neutraliser. Le recours aux fameuses mini-grèves tournantes de cinquante-neuf minutes en est une bonne illustration. Tout comme le recours abusif au droit de retrait qui évite les préavis ». En première ligne, le syndicat Sud Rail semble être devenu expert es provoc. « Les syndicats de Sud sont des irresponsables, accuse Nicolas Sarkozy dans les colonnes du Canard Enchainé. On ne peut pas accepter que la France soit prise en otage sans préavis ». Des propos qui n’ont bien sur pas calmé les salariés de la SNCF.
Pour serrer la vis, la réponse de la présidence ne devrait pas se faire attendre. On murmure déjà autour d’une refonte de la loi du 2 août 2007 sur le service minimum. Libération indique que « le nouveau ministre du Travail, Brice Hortefeux, remettra sa copie sur le service minimum dans les transports dans un délai d’un mois ». Une copie que les grévistes affubleraient volontiers d’un zéro pointé. Selon le Canard Enchainé, « La nouvelle loi devra faciliter les réquisitions lors des grèves spontanées, interdire le droit de retrait qui autorise le personnel de la SNCF et des transports publics à faire grève sans préavis en cas d’agression. Enfin, cette loi devra permettre de frapper sévèrement au portefeuille les grévistes afin de les dissuader de recourir à des arrêts de travail de 59 minutes ».
Si les cheminots espèrent en leur for intérieur un soutien populaire, il serait tant de déchanter : démocratie et droit de grève contre trains à l’heure, faut pas déconner.