Mercredi 4 novembre se tenait au restaurant Le Baloard le 7e « café démocrate » animé par Franck Michau, étudiant du Master professionnel « Métiers du journalisme » à Montpellier. Pour l’occasion, il recevait Edwy Plenel, fondateur de Mediapart, invité à répondre sur une question largement médiatisée : « Clearstream : les coulisses du scandale ».
S’il est une affaire qui, aujourd’hui, demeure, aux yeux du profane, obscure et confuse, et ce en dépit de son large traitement médiatique, c’est bien l’affaire Clearstream. Face à ce flou, l’éclairage de l’ancien directeur de la rédaction du quotidien Le Monde, qui s’est constitué partie civile au procès, était le bienvenu.
Sans surprise, l’analyse de M. Plenel s’est voulue sans complaisance à l’égard du président de la République, Nicolas Sarkozy, en condamnant tout d’abord son statut de partie civile « ordinaire », en dépit de l’immunité pénale dont il jouit au cours de son mandat. Il a rappelé que dans le jargon pénal, il existe une notion pour désigner un tel déséquilibre entre accusés et accusateurs: «l’inégalité des armes». Le fondateur de Mediapart a ainsi dénoncé ce qui constitue, à ses yeux, le principal danger de cette affaire : « le surgissement progressif d’une justice politique ». Et le journaliste de citer en exemple l’affaire Dreyfus pour mettre en exergue le problème « d’éthique publique » que pose le procès Clearstream.
De ce point de vue, Clearstream n’aura en effet pas été sans conséquences. Ainsi selon Edwy Plenel, l’affaire aurait été l’objet d’une « privatisation » par Nicolas Sarkozy qui s’en serait servie comme « levier » en vue de l’élection présidentielle de 2007. Dans la même veine, l’ancien directeur de la rédaction du Monde a stigmatisé une « privatisation de l’instruction », ainsi qu’une « ligne de lecture univoque » au profit du président de la République. Et de dénoncer un Nicolas Sarkozy trop impliqué dans l’affaire, allant jusqu’à parler à la télévision de « coupables » au sujet des prévenus qui jouissent pourtant du droit à la présomption d’innocence.
Sur l’affaire elle-même, sans rentrer dans ses méandres les plus obscurs, M. Plenel a pointé du doigt les responsabilités des différents acteurs, de l’habile informaticien Imad Lahoud à l’ancien vice-président d’EADS, Jean-Louis Gergorin, en passant par le journaliste Denis Robert. Il a surtout insisté sur le rôle majeur d’Imad Lahoud, accusé d’avoir remis au Général Rondot les fichiers trafiqués. Aux yeux du fondateur de Mediapart, la culpabilité de l’informaticien semble ainsi faire peu de doutes.
Au final, si l’auditoire ne sort guère plus éclairé sur les mécanismes de cette affaire complexe, le débat aura permis à Edwy Plenel de souligner, d’une manière plus générale, les « dérives » toujours plus nombreuses à la tête de l’État et de faire partager son « inquiétude » sur cette instrumentalisation politique de la justice. Et de mettre en garde, au final, sur cette absence de « vitalité démocratique » et de « contre-pouvoirs » qu’a mis en exergue avec acuité cette sombre affaire Clearstream.