Radio Campus : la matinale du vendredi 31 janvier

Tous les vendredi, Soisic, Marion, Valentin et Justin, membres de l’équipe d’Haut Courant, animent la matinale sur Radio Campus Montpellier.

Au programme de ce vendredi 31 Janvier :

 Revue de presse locale – Valentin Vié

 Agenda culturel Cosmopolis – Anthéa

 Chronique Actu « Le roi est mort, mettons à mort le nouveau » – Justin Boche

 Interview de Gaëlle Le Meur – Marion Saive

 Agenda du week-end – Valentin Vié

 Présentation – Dominique Lopez

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Benoît Prévost : «Il faut repenser la place des marchés financiers dans l’économie»

Entre crise mondiale, promesses de moralisation du système financier et renouveau théorique, Benoît Prévost met en lumière sur le monde des économistes. Pour ce faire, il revient sur des croyances qui remontent au XVIIIe siècle.

«Les économistes sont à la fois partout et nulle part.» Pas de quoi rassurer le public de l’Agora des Savoirs du 12 janvier 2011. Mais Benoît Prévost, montpelliérain et professeur d’économie du développement, a plus d’un tour dans son sac. En voici la preuve, avec quelques éléments de réponses sur l’univers des «conseillers du Prince».

Haut Courant : Quelles sont les croyances des économistes ?

Benoît Prévost : Tout le monde pense en premier à l’argent, mais ce n’est pas fondamental. Leur premier objet de réflexion est le marché comme meilleure voie vers une société heureuse. Certains y sont opposés et mettent en avant des formes d’échanges qui n’obéissent pas aux mêmes logiques. Les altermondialistes ou les partisans de la décroissance prônent une économie plus conviviale que concurrentielle. Ainsi, utiliser de l’argent ou pas est secondaire et les logiques derrière l’échange sont essentielles.

Le phénomène d’immédiateté ne les oblige-t-il pas à transformer ces croyances en vérités ?

Il existe une obsession du chiffre. Les économistes de la conjoncture, parfois incapables de prévoir l’évolution des marchés financiers sur 15 jours, nous en fournissent tous les jours. Et on les laisse nous bercer sans poser de question. En parallèle, des théoriciens ont raflé des prix Nobel ces vingt dernières années pour avoir écrit que le marché est le meilleur des systèmes possibles. Or ce sont ces théories, et le jeu ambigu entre politiques et économistes, qui nous ont conduits à la situation de crise actuelle. Ces conseillers du Prince sortent rarement des coulisses du pouvoir et ne sont jamais responsables des conséquences de leurs théories.

La Grèce, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne … qui est le prochain sur la liste des économies en crise ?

Actuellement la politique d’ajustements structurels mise en œuvre dans ces pays est semblable à celle que le Fond Monétaire International a exigée des pays en voie de développement dans les années 80. Mais le jeu de domino peut aller jusqu’en France. Le système reste fragile, pour des raisons qui dépassent largement la finance. Les crises écologique ou énergétique à venir comptent aussi. Je ne ferais cependant aucune prédiction. L’économiste est là pour produire des scénarios et les politiques font leur choix. Le risque, c’est que les économistes ne croient plus qu’en un seul scénario ou se vouent aux jeux des prédictions.

Les agences de notation financière sont remises en question. Qu’en pensez-vous ?traders.jpg

Si je bois juste du thé je vais vous dirais que peut-être il faudrait des agences de notation qui soient plus contrôlées par les États et après un verre de vin je vous dirais qu’il faut totalement les supprimer. Il faut totalement repenser la place des marchés financiers dans l’économie et la logique de financement de notre mode de production de richesse. Pointer du doigt quelques institutions financières ou grandes banques, comme Lehman Brothers, puis dire : « Il suffit de mettre des garde-fous pour que ça remarche bien » nous fait oublier d’interroger l’ensemble du système.

C’est-à-dire ?

Remettre en cause le système des marchés financiers c’est entre autre s’interroger sur le financement des retraites aux États-Unis, donc sur le système social américain et sur le mode de production et les rapports salariaux qui reposent sur ce système. Petit à petit, on arrive au cœur du système capitaliste contemporain. Aujourd’hui, on est dans une vrai crise de la théorie économique parce qu’on ne veut pas risquer de remettre trop de choses en question.

Que deviennent les projets de moralisation des marchés financiers énoncés par Nicolas Sarkozy au G20 ?

Il incarne une droite néolibérale qui a mis en place le marché financier et sa dérégulation. On est dans des questions de pompiers-pyromane. De plus une réforme en profondeur des systèmes financiers supposerait un temps plus long que celui sur lequel se base le renouvellement électoral. On voit comment aux États-Unis Barack Obama a été pris à la gorge par les élections à mi-mandat. Avec des élections dans un an et demi en France, ça laisse peut de temps.

Le néolibéralisme pourrait-il passer de mode ?

Il semble y avoir une demande de la part des hommes politique pour un renouvellement. Et l’appareillage théorique pour penser l’intervention ou non de l’État n’est pas radicalement différent. Les économistes, pour répondre à une demande politique, pourraient très bien montrer la nécessité que l’État intervienne. Joseph Stiglitz et Paul Krugman en parle déjà depuis longtemps. Le drame c’est qu’on utilise comme remèdes les mêmes théories qui ont conduits à cette crise. De la même manière qu’on n’a pas remis en cause le pouvoir des banques et des marchés financiers, on a rien changé au pouvoir des économistes.

Il y a un donc un grand «mais» au changement.

Il faut un effet de percolation pour que ces idées-là pénètrent tous les réseaux institutionnels assez forts pour dépasser les effets de structures sur le renouvellement générationnel et les fortes résistances psychologiques. Un économiste qui travaille à la réserve fédérale américaine avec une formation néolibérale et une pratique de 20 ans, va avoir du mal à accepter que le marché n’est peut-être pas la meilleure des choses qui soient. Et surtout à accepter qu’il se soit trompé.


Agora des savoirs – Benoît Prévost
envoyé par villedemontpellier. – L’info internationale vidéo.

Pascal Riché, Rue89 : réflexions sur une presse en crise

La crise qui touche la presse écrite est de plus en plus présente. Baisse de la diffusion, de la confiance envers les journalistes, journaux détenus par des actionnaires en lien avec le pouvoir. Certains ont trouvé une solution alternative et indépendante à cette situation. C’est le cas de Rue89 crée en 2007 à l’initiative d’anciens journalistes de Libération. Son rédacteur en chef, Pascal Riché, répond à nos questions.

Un point sur la situation actuelle du site Rue89

Rue 89 existe depuis trois ans et se rapproche de l’équilibre. Pascal Riché revient sur le modèle des  »pure players » et explique comment fonctionne son site d’information en ligne. Entre liberté éditoriale et légitimation de l’information sur le net, il défend, arguments à l’appui, un nouveau média qui se bat pour exister.

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Où en est la presse en ligne ?

Internet apparait pour beaucoup comme un outil où les informations ne sont pas fiables, où tout le monde peut donner son information, au risque de la dénaturer. Dans cette vidéo, Pascal Riché explique qu’il a fallu, pour les pure players, partir de zéro et se créer une image crédible et rassurante. Avec d’autres médias sur internet tels que Médiapart ou Slate, Rue 89 a participé à la création d’un statut d’éditeur en ligne où les journalistes sont reconnus comme tels.

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Les limites des médias traditionnels: l’exemple de la télévision lors de l’intervention de Nicolas Sarkozy le 16 novembre dernier. Que peut apporter la presse en ligne?

Rue 89 a, selon Pascal Riché, pour principal objectif de délivrer une information honnête et objective. Il revient sur un épisode de la vie politique française où cette exigence journalistique a été quelque peu bafouée: l’intervention, le 16 novembre 2010 de Nicolas Sarkozy à la télévision, alors interviewé par Claire Chazal, David Pujadas et Michel Denisot.

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MÀJ: 22.11.10, 23h04

Quand Didier Porte s’en prend à  » l’antisarkozysme de circonstance » de Stéphane Guillon

De passage à Montpellier, où il s’est produit vendredi 20 novembre 2009, Didier Porte, humoriste politique sur France Inter depuis plus de dix ans, s’est confié à la caméra de hautcourant.com.

Didier Porte a de la gueule ! L’humoriste en a une nouvelle fois fait l’éclatante démonstration ce vendredi. C’est au cours d’un entretien que les étudiants du Master journalisme de Montpellier ont pu constater le goût pour l’impertinence de cet « anti-autoritaire, libertaire, fumeur de joint et rétif à toute autorité » comme il aime à se définir.

Il est sûr que du culot, Didier Porte n’en manque pas. C’est à 12h05, dans l’émission de Stéphane Bern, « Le fou du roi », qu’on peut l’entendre vitupérer contre les invités du jour et le jeudi à 7h55 dans le « 7/10 » de Nicolas Demorand. S’il n’est jamais tendre avec les convives c’est surtout à l’égard de ses « camarades » politiciens, que le chroniqueur se montre le plus mordant. Des têtes de turcs ? Il dit ne pas en avoir. Des favoris ? Sûrement. Parmi eux, Nicolas Sarkozy figure assurément au premier plan.

Si l’humoriste se permet ainsi de tacler le président de la République, c’est que sa personnalité et l’usage qu’il fait des médias lui laisse la porte ouverte. A ce sujet, il précise que Sarkozy « est tellement transgressif qu’il nous autorise à aller plus loin qu’on a jamais été avec un Président de la République, parce que lui-même a brisé les codes et cassé les barrières de respectabilité ». A titre d’exemple, Didier Porte précise que lorsqu’un « président chope un mec dans le rue et lui dit « casse toi pov’ con », ça nous laisse la possibilité d’aller plus loin ». Mais l’arrivée de Sarkozy au pouvoir est finalement une aubaine, « Il a électrisé la scène politique et a relancé d’une certaine manière l’humour politique. Il a fait un appel d’air ». En somme, il reconnaît qu’« en tant que citoyen (il est) effondré mais en tant qu’humoriste – auteur (il s’en) réjouis ».

Mais très vite et sans grande surprise, arrive la question fatidique. Et Guillon alors ? Pas besoin d’insister lourdement, lorsqu’on évoque le nom de son confrère de la matinale de France Inter, pour faire réagir l’humoriste. Bien au contraire. « Je suis très client de Stéphane Guillon, […] il a beaucoup de talent, c’est un excellent technicien du rire » lâche-t-il avec spontanéité. « C’est un vrai bosseur, il passe des heures sur ses chroniques et a un très bon sens de l’angle » poursuit-il.

Des propos bienveillant pourtant rapidement tempérés par des critiques plus acidulées. « Il a un peu pété les plombs, il est sur un piédestal et commence à donner des leçons à tout le monde ». Un côté donneur de leçon que le camarade Porte ne saurait tolérer. « Je n’oublie pas de rappeler qu’il y a trois ans, Stéphane Guillon n’en avait rien à foutre de de la politique ». Et l’humoriste de s’en prendre à son « anti-sarkozysme de pure circonstance ».

Un anti-sarkozysme qui a pourtant fait le succès du chroniqueur de la matinale, en le dressant au rang des plus fervents opposants au président de la République. Pas si sûr si l’on en croit Didier Porte. « Je ne le considère pas comme le premier opposant à Sarkozy ; je ne le trouve pas fracassant sur le plan politique » confie-t-il.

Plus que de véritables chroniques politiques au verbe acéré, les chroniques de Stéphane Guillon seraient au contraire davantage « grand public » que les siennes. « Mes chroniques sont peut être plus politiques et plus subtiles » explique le chroniqueur du « fou du roi ». En effet, en plus d’un verbe « plus littéraire » que son collègue, il cultive surtout sa singularité de par sa connaissance et son expérience datée de la politique. C’est là, aux yeux de l’humoriste, ce qui le distingue véritablement de son rival de la matinale.

Mais si Didier Porte sait se montrer critique à l’égard de son confrère, il ne faudrait toutefois pas y voir là un véritable conflit entre les deux. « Il n’y a pas de guéguerre, affirme-t-il, mais je ne vais non plus me faire marcher sur les pieds. Maintenant je balance quelques vacheries sur lui ». Et de poursuivre, « Je me lâche plus contre lui, il faut qu’il arrête, qu’il soit un peu bon camarade ».

Aussi, plus que la remise en cause du talent de Stéphane Guillon, c’est donc son insolent succès qui semble irriter quelque peu Didier Porte. « Il est au sommet, il est le roi du monde, mais il n’a pas à nous attaquer, François Morel et moi ».

Didier Porte serait-il jaloux de son camarade ? Peut-être bien. En tout cas, lorsqu’on lui demande quelle serait sa réaction si le patron de France Inter lui proposait la place de Stéphane Guillon à la matinale, il répond sans hésiter et avec un large sourire, « je dis oui et j’appelle Guillon après pour le narguer ! ». Provocateur jusqu’au bout…

Les vidéos de l’interview

Didier Porte donne son sentiment sur les chroniques de son confrère, Stéphane Guillon. Il revient sur le succès du chroniqueur de la matinale de France inter et explique leur différence de style.

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Le chroniqueur du Fou du roi rebondit sur le rapport des humoristes politiques avec Nicolas Sarkozy. Un président de la République qui a électrisé la scène politique …

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Didier Porte relativise le poids de ses chroniques et de celles de Stéphane Guillon. À ses yeux, les éditorialistes politiques représentent un danger plus important pour le pouvoir.

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Et la liberté d’expression dans tout ça ? Retour sur une chronique supprimée : un exemple significatif.

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Une guéguerre entre Guillon et Porte ? Non à en croire l’intéressé, et pourtant, ses propos ne sont pas tendres à l’égard de son confrère de la matinale.

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Fillon dit non à la taxe carbone

François Fillon annonçait hier, mardi 23 mars, le report de l’application de la taxe carbone au niveau national, au profit de négociations européennes, provoquant ainsi de nombreuses réactions dans le milieu politique. Alors que le président de la République proclamait le 15 septembre 2009 que cette taxe serait un événement historique, à la hauteur de l’abolition de la peine de mort ou de la décolonisation, le recul qu’affiche le gouvernement suite à l’annonce de François Fillon suscite incompréhension et critiques de toutes parts.

Au micro de Nicolas Demorand, au matin du 24 mars, Michel Rocard, président de la conférence d’experts sur la taxe carbone mais qui se considère toujours de l’opposition, trouvait « stupide » cette décision du gouvernement : « il a réagit trop rapidement, sous le coup des élections régionales […] et cela d’autant plus que Nicolas Sarkozy considérait jusqu’à hier que les élections locales ne devaient pas avoir de conséquences nationales. »

Également contacté par France Inter, Cécile Duflot se disait consternée : « je suis fatigué des hommes politiques français qui se tournent vers l’Europe quand ils n’ont pas le courage d’assumer leurs promesses. »

A cette annonce, Noël Mamère a violemment réagit sur le Monde.fr : « le président a préféré plaire à sa majorité et satisfaire les grands lobbies industriels de ce pays ainsi qu’au Medef plutôt que de répondre à ses engagements. »

Comme écho, Laurence Parisot se réjouissait dans un communiqué : « nous sommes soulagés, notamment pour toute l’industrie qui n’aurait pas supporté ce nouveau handicap de compétitivité […] Nous avons su convaincre. »

Par contre, Chantal Jouano se plaint sans retenue aucune sur le site les échos.fr : « je suis désespérée de ce recul, désespérée que ce soit l’écolo-scepticisme qui l’emporte […] C’était possible de le faire en France avant de le faire en Europe. C’est ce qu’on avait prévu à l’origine, c’est ce que d’autres pays comme la Suède ont fait. »

Empêtrée dans ces contradictions, la majorité ne sait plus sur quel pied danser. Après le revers mal vécu des élections régionales, que les ministres ont tous tenté de minimiser, on sent naître une fébrilité face aux problèmes qui s’accumulent. Les manifestations sociales d’hier, mardi 23 mars, ayant remportées un assez bon succès, la réforme des retraites qui s’annonce difficile pour le gouvernement et qui peut jouer sur la capacité de Nicolas Sarkozy à se représenter en 2012 en faisant remonter ou dégringoler sa côte de popularité, ainsi que les évidentes tensions internes au sein même de la majorité qui remettent en cause les méthodes politiques du président, déstabilisent fortement les dirigeants.

Tout ceci montre que la présidence est beaucoup moins solide et inébranlable que ce qu’elle s’évertue à démontrer. Traduisez : la majorité, sous des dehors sereins et déterminés, comme investie d’une sorte de mission divine que rien ne saurait faire ployer, risque pourtant de ralentir fortement la machine à réformer qui jusqu’ici semblait difficile à arrêter. La réforme des retraites sera le révélateur des problèmes que la majorité accumule et certainement le plus dur combat que le président aura à mener.

Le Club de la Presse de Montpellier se mobilise

Alors que deux journalistes de France 3 sont détenus depuis 80 jours en Afghanistan, le Club de la Presse de Montpellier organise un rassemblement de soutien le vendredi 19 mars à Montpellier, en présence de Florence Aubenas, dans le cadre d’une mobilisation nationale des Clubs de la Presse.

Depuis le 29 décembre 2009, Stéphane et Hervé, deux journalistes de France 3 sont retenus en otage en Afghanistan. Journalistes spécialistes des missions en zones de conflit, ils effectuaient un reportage dans le pays.

« Malgré certaines déclarations révoltantes de la part des autorités, les Clubs de la Presse tiennent à rappeler que ces journalistes ont été kidnappés alors qu’ils exerçaient leur mission d’information du grand public », précisent les Clubs de la Presse dans leur appel à la mobilisation. En effet, Nicolas Sarkozy a jugé que leur travail était d’une « imprudence vraiment coupable », et Claude Guéant, secrétaire général de l’Élysée, de surenchérir, le 17 janvier, sur Europe 1 que « le scoop ne doit pas être recherché à tout prix » et que les deux journalistes ont fait « courir des risques aussi à beaucoup de nos forces armées qui, du reste, sont détournées de leurs missions principales ».

Ces propos avaient soulevé la colère des gens du métier, du Syndicat National des Journalistes et de Reporters sans Frontières. « A la question de savoir s’ils ont pris des risques, la réponse est oui, bien évidemment. Tous les journalistes qui posent le pied en Afghanistan prennent un risque. Tous les jours, des centaines de journalistes prennent des risques. Les deux reporters de France 3 menaient un travail d’intérêt général. Exactement comme ceux qui sont au milieu des gravats de Port-au-Prince » rappelle Reporters sans Frontières dans un communiqué.

Chose qu’Alain Genestar a fait également valoir dans le Monde du 27 février : « l’époque – celle des jours actuels – est désormais à la comptabilité de la générosité, à la réprimande, à la discorde, à la désignation des présumés coupables. On dénonce leur comportement en public, au mépris de la discrétion qu’imposent ces circonstances. On les montre du doigt. On les expose à la vindicte populaire, les accusant de gaspiller l’argent des contribuables et de jouer avec la vie de nos fiers soldats. Jamais les journalistes et les photographes n’ont demandé à être traités avec une considération particulière. Ils n’exigent aucun régime de faveur – surtout pas -, mais seulement le respect dû à leur métier qui, dans certaines circonstances exceptionnelles – et la guerre, bien sûr, en est une -, s’exerce dangereusement, exige un courage et une audace qui échappent aux règles normales de la vie ordinaire ». Et de conclure : « sans l’audace et le courage de Robert Capa, sans l’audace et le courage des reporters, les lecteurs, les auditeurs, les téléspectateurs, le public, les citoyens ne seraient pas informés de la réalité de la guerre. De la « vraie » réalité, celle qui ne s’écrit pas ni ne se photographie, à l’abri du danger. Alors, « imprudents coupables », Capa et les autres ? Oui, nous sommes tous, par profession, journalistes et photographes, des « imprudents coupables ». »

Ainsi, engagés au quotidien pour la liberté d’exercer des journalistes, les Clubs de la Presse ont décidé de se mobiliser. Un rassemblement public est organisé le vendredi 19 mars, à partir de 10h, sur le parvis de l’Opéra-Comédie, à Montpellier, à l’occasion des 80 jours de détention des deux journalistes.

La journaliste Florence Aubenas, ancienne otage en Irak, prendra la parole pour apporter son soutien aux deux journalistes en captivité. Elle sera accompagnée de Claude Sérillon, qui a exercé pendant de longues années sur les antennes de France Télévision. De même, des représentants du Club de la Presse, de Reporters Sans Frontières et de plusieurs médias régionaux, seront également présents pour témoigner de leur solidarité envers leurs confrères.

Il est à savoir également que Reporters Sans Frontières a lancé un « Appel de soutien à nos confrères de France 3 enlevés en Afghanistan ». Il est consultable ici.

Alors, toutes les personnes sensibles à la question sont invitées, par le Club de la Presse de Montpellier, à rejoindre la place de la Comédie, « pour que
Stéphane et Hervé ne tombent pas dans l’oubli
».

 Pour plus d’informations n’hésitez pas contacter le Club de la Presse de Montpellier au : 06 07 64 86 03.

Julie DERACHE & Ibra Khady NDIAYE

Dominique Voynet : « Il faut choisir sa Gauche »

C’est au nom d’une « vieille complicité » que Dominique Voynet est venue soutenir Jean-Louis Roumégas dans la dernière ligne droite du premier tour des élections régionales, mardi 9 mars à Montpellier. Avec une simplicité et un franc-parler qui la caractérisent, la co-fondatrice du parti des Verts a un objectif en tête : le second tour pour son acolyte écologiste.

Europe Écologie aime les symboles. Et quoi de plus symbolique que la visite de l’une des figures historiques des Verts ? Authentique écologiste, venue en tramway après avoir tracté dans les rues de Montpellier aux côtés de Jean-Louis Roumégas, Dominique Voynet donne une petite conférence de presse à la brasserie Le Sud, face à l’Hôtel de Région.

Une institution régionale dépouillée

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Entourée de quelques-uns des candidats d’Europe Écologie pour les Régionales, Mustapha Majdoul, Agnès Langevine et Katia Mingo , l’édile de Montreuil est longuement revenue sur la menace que représente la réforme sur les collectivités locales sur l’institution régionale.

Selon la sénatrice de Seine-Saint-Denis : « la Région est aujourd’hui menacée par les réformes du gouvernement. Notamment en ce qui concerne son autonomie financière et fiscale. En effet, la région est accusée d’être une institution dépensière par le président de la République. » Et de rajouter : « l’absence d’autonomie financière est extrêmement inquiétante. La promesse venant de la droite qui est de baisser les impôts régionaux est un peu facile à faire : les conseillers régionaux ne voteront quasiment plus rien de leur budget ».

Pourtant, Dominique Voynet rappelle l’importance de l’institution régionale. Elle cite quelques exemples : « la Région permet d’assurer la solidarité des territoires, elle est responsable de la formation professionnelle, elle prend en charge les lycées. Elle a notamment la responsabilité de mettre en place la formation pour les nouveaux métiers dont on aura besoin demain ».

La réforme des collectivités locales est, pour l’ancienne ministre de l’environnement, « un dépouillement de l’institution régionale ». Elle rappelle que « c’est peut-être la dernière fois que l’on procède à l’élection des conseillers régionaux, un scrutin de liste qui permet une juste représentation des hommes et des femmes. Si l’on laisse faire le gouvernement, demain on élira des conseillers territoriaux, siégeant à la fois au département et à la Région, élus sur la base de gros cantons regroupés. Ce, au détriment de la parité et au détriment de l’autonomie institutionnelle ».

Pour Dominique Voynet, le chef de l’État souhaite mettre en place un mode de scrutin adapté aux besoins de son parti et amplifier le mouvement de re-centralisation engagé à tous les niveaux : « après l’Université, l’Hôpital, la Justice, la Police, … c’est au tour des collectivités territoriales ».

« Il faut choisir sa Gauche »

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Ainsi, pour Dominique Voynet, le Languedoc-Roussillon mérite une meilleure campagne électorale que celle qui a été offerte aux électeurs jusqu’à présent. « La maladresse des partis, d’une part, et l’utilisation du scrutin pour en faire une sorte de plébiscite pour ou contre le sortant d’autre part, prime sur tout le reste », affirme l’écologiste. La tête de liste Europe Écologie Languedoc Roussillon, Jean-Louis Roumégas, rajoute : « la campagne a été confisquée par des faux débats». Il explique, entre autres, que le Parti Socialiste, au niveau national, a sacrifié le Languedoc Roussillon, « selon les propres mots du bureau national ».

Il reproche notamment au parti de la rose que « pour se refaire une image au niveau national, les socialistes ont utilisé l’affaire en Languedoc Roussillon, sans se préoccuper des conséquences ici. Ils considèrent donc qu’ici les électeurs sont des cobayes qui peuvent être sacrifiés sur l’autel de l’hégémonie du Parti Socialiste ou de l’image de Mme Aubry. C’est regrettable ».

Selon la sénatrice de Seine-Saint-Denis, « l’espoir de rassemblement a été torpillé par la Rue de Solférino. Il est temps de choisir sa gauche maintenant ». Ainsi, pas d’autres solutions pour Europe Écologie, que d’agir seule pour représenter la modernisation de la gauche. Et les atouts de Roumégas pour cela ne manquent pas : « une énergie formidable, une qualité d’écoute et de respect des autres. Il est attentif aux problèmes des gens », affirme Dominique Voynet.

L’inévitable évocation du président de Région sortant, Georges Frêche, n’a pas tardé. Ce dernier aurait effectivement affirmé ces derniers jours : « l’écologie, il y a ceux qui en parlent et ceux qui agissent », raillant ainsi la venue de Dominique Voynet. Et Jean-Louis Roumégas de lui retourner le compliment : « le Languedoc Roussillon était premier en matière d’énergies renouvelables, il a aujourd’hui reculé au 5e rang ».

Quant à Dominique Voynet, elle ne se sent que peu concernée par la sentence de Frêche : « quand on veut être le bon écologiste de service, on ne doit pas seulement s’intéresser à des équipements symboliques que l’on peut inaugurer un dimanche soir. On doit, dans son domaine de compétence, mettre en place des politiques en vraie grandeur qui vont permettre la création d’emplois. L’enjeu est de passer de la phase expérimentale à la diffusion des bonnes pratiques en vraie grandeur ».

Elle ajoute en souriant : « quand j’entends cette phrase de Georges Frêche, je n’ai pas envie de la prendre pour moi. Jamais les écologistes n’ont été des bavards qui n’agissaient pas… On agit à la mesure des responsabilités qui nous sont confiées par les électeurs ». Chose confirmée par Jean-Louis Roumégas : « les écolos ont souvent été considérés comme des alliés sympathiques mais pas essentiels et au cœur des politiques ».

Par contre, pour l’ancienne ministre de l’environnement, la phrase de Georges Frêche s’appliquerait « magnifiquement » à Nicolas Sarkozy : « le président a prétendu se faire le champion de l’écologie mais vient de se renier à plusieurs reprises ses dernières semaines : qu’il s’agisse des phrases désastreuses prononcées au Salon de l’Agriculture, ou qu’il s’agisse de son attitude concernant la prévention des risques naturels. Le président de la république est inconséquent, il agit au hasard des rencontres et dit tout et son contraire ».

« Risques de tempêtes et d’inondations, on ne nous a pas écouté »

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Cette rencontre aura aussi été l’occasion, pour Jean-Louis Roumégas, d’un petit retour sur l’actualité, peu drôle, mais ô combien au cœur des préoccupations écologistes : la tempête et les inondations en Vendée et dans l’Ouest de la France ayant causé une soixante de morts. Le porte-parole national des Verts rappelle que le Languedoc-Roussillon est l’une des régions les plus fortement menacées par les risques d’inondations : « nous avons des zones submersibles très importantes ».

Toujours selon lui, cette catastrophe naturelle prouve que « les écologistes ont malheureusement eu raison trop tôt. On ne les a pas écouté ». Il critique l’utilisation politique qui est faite de ce drame par les membres du gouvernement : « les hélicoptères ministériels viennent déverser de la compassion et des promesses… Mais en réalité, on le sait bien, rien ne va changer. Après les inondations dans le Gard, en 2005 et 2008, rien n’a changé. Des digues qui ne font que menacer encore plus gravement les habitants ont été construites. Des permis de construire continuent d’être distribués dans des zones inondables. De même, on continue à monter des murs, des digues, non pas pour protéger les habitants, mais pour pouvoir continuer l’œuvre d’urbanisation ».

Ainsi, il rappelle que le projet politique porté par Europe Écologie est avant tout de stopper l’urbanisation et de restituer à la nature ses zones d’expansion spontanée. Notamment pour mieux gérer ces risques d’inondations.

Retour au dossier spécial Régionales 2010 en Languedoc-Roussillon

En aparté avec Christiane Taubira

Christiane Taubira était, ce jeudi 28 janvier, l’invitée des associations étudiantes Racin’ et Polisud, quelques jours après les deux consultations successives des Guyanais et des Martiniquais sur l’avenir institutionnel de leurs territoires.

L’université Montpellier I a reçu, le jeudi 28 janvier, une invitée de marque : Christiane Taubira, députée de la première circonscription de la Guyane et ancienne candidate aux élections présidentielles de 2002. Dans un amphithéâtre noir de monde, elle a débattu avec les Montpelliérains sur la question « spécificités, citoyenneté de l’outre-mer, quels enjeux pour l’avenir ?« .

Un contexte qui s’y prête

Le hasard a bien fait les choses : la rencontre coïncide avec le résultat des deux consultations, les 10 et 24 janvier, portant sur le futur de la Martinique et de la Guyane. Taubira parle de la seconde consultation comme d’un « cadeau empoisonné« , d’une « réforme administrative a minima » sans « vrais enjeux » contrairement à la première.

Le 10 janvier, les électeurs de Martinique et de Guyane étaient appelés à se prononcer sur le changement de statut de leurs collectivités régies par l’article 73 de la Constitution française, pour un régime de plus large autonomie prévu par l’article 74. C. Taubira critique au passage le fait que l’on « consulte les gens sur un article avant de décider ce qu’on va y mettre dedans« . En cas de réponse positive, un projet de loi organique devait en effet fixer l’organisation de la nouvelle collectivité et ses compétences. Mais le vote fut négatif. En Guyane, le « non » recueille 69,8 % des suffrages exprimés, et en Martinique 78,9 %.

Ainsi, les électeurs ont été consultés le 24 janvier pour créer une collectivité qui exercerait les compétences dévolues au département et à la Région, tout en demeurant régie par l’article 73. Pour cette deuxième consultation, le « oui » l’emporte à 68,30% en Martinique et à 57,48% en Guyane. L’organisation et le fonctionnement de la nouvelle collectivité unique va donc se substituer au Conseil régional et au Conseil général.

« Avec des réalités spécifiques, peut-on parler de citoyenneté ? »

L’intitulé donné à la conférence par les étudiants de l’association Racin’ ne convient pas à Christiane Taubira. Au terme de « spécificités », elle préfère celui de « réalités ». Elle revient ainsi sur l’existence d’un régime de décrets : « ce sont des décrets gouvernementaux qui légifèrent les territoires d’outre-mer ».
Alors, elle se demande comment concevoir la citoyenneté malgré la différence. En effet, il existe des écarts « évidents » entre la métropole et les Dom-Tom.

D’abord, des inégalités économiques subsistent. Selon Christiane Taubira, elles sont dues à « l’ancienne économie coloniale » et à des « réflexes conservateurs et des réflexes de crispation« . L’outre-mer vit donc dans une « insécurité financière« . L’égalité sociale est très récente. L’alignement du SMIC et des allocations familiales sur la métropole date notamment des années 2000. De plus, elle critique la politique du gouvernement qui « néglige les politiques publiques, ce qui n’est pas bon pour la citoyenneté« . Pour elle, il faut établir une véritable égalité à l’éducation et aux soins : « la France est une république qui s’est fondée sur l’égalité, or c’est une fiction, la différence est bien présente« , s’exclame-t-elle. En faisant référence à Aimé Césaire : « ils se sentent Français entièrement à part, et pas Français à part entière« , elle voudrait passer à « un vrai universalisme« . Selon la député, il faudrait que la République se donne la « capacité à inclure et contenir la diversité du monde« . Ce n’est pas Joël Abati, présent, qui la contredira.

Une polémique toujours d’actualité autour de la loi Taubira

A la fin de la rencontre, une question des plus déroutantes est posée à Christiane Taubira par un étudiant : regrette-elle d’avoir donné son nom à la loi du 21 mai 2001 ? Il est à rappeler que la député guyanaise a donné son nom à la loi dite mémorielle tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité. La loi dite « Taubira » soulève des critiques. Principalement de la part de certains historiens, tels qu’Olivier Pétré-Grenouilleau, qui jugent qu’elle limite l’esclavage à la traite européenne des Noirs.

Avec force, la députée répond qu’elle ne regrette « pas une seconde » son implication : « comment pourrais-je regretter de reconnaître que la traite négrière est un crime contre l’humanité ? Qu’est ce qui empêche que cela soit dit et écrit ? Il faut rappeler que pendant des siècles, l’humanité des personnes noires et métisses a été niée, dans les actes et dans des corpus de doctrines. De rappeler que c’est en se basant sur les écrits de la Bible et la désobéissance du fils de Noé, que les Noirs ont été réduits en esclavage de générations en générations. De rappeler qu’un système économique a été organisé autour de cela, un système inscrit dans le Code noir et basé sur l’exil forcé et le meurtre légal. Est-ce qu’il faudrait taire que cette éjection de millions d’hommes, de femmes, d’enfants, de la famille humaine est un crime contre l’humanité ? C’est un crime contre l’humanité, contre la mienne et contre la vôtre. Ce n’est que rétablir l’humanité dans son unité, dans son unicité, dans son intégrité. C’est tellement cela, que mise à part la France, la Terre entière est fière de cette loi ! » Elle ajoute que sur la base de ce texte, quatre régions administratives françaises (Bourgogne, Franche-Comté, Lorraine et Alsace) ont monté un programme touristique culturel et historique : la « Route des abolitions de l’esclavage« . Lancée en 2004, elle s’inscrit dans le projet international de la « Route de l’esclave » soutenu par l’ONU et l’UNESCO sur le devoir de mémoire.

Elle conclut sur cette question en rappelant que « cette expérience tragique de la traite négrière est une expérience hautement humaine. Autant elle montre qu’il n’y a pas de limites à la violence, à la brutalité, à l’inhumanité de l’humain, autant elle montre l’humanité transcendante de celui-ci. A travers ces esclaves qui refusent d’être écrasés, qui résistent dès le moment de la capture et qui vont résister sans arrêt, qui vont se jeter à l’eau préférant être mangés par les requins que d’arriver au bout de ce voyage d’horreur, ces esclaves qui font des mutineries, ces esclaves qui se battent sur les plantations, ces femmes qui découvrent les plantes qui vont les faire avorter pour qu’elles n’aient pas d’enfants sur les plantations, ces femmes qui vont découvrir les plantes qui vont empoisonner le bétail pour appauvrir le maître, les Amérindiens qui se solidarisent des esclaves marrons, les intellectuels européens qui se battent … Ce sont les résistances additionnées de tous ces hommes, de toutes origines, de toutes apparences, de toutes cultures, de toutes religions, de toutes langues, qui ont anéanti le système esclavagiste. Dire que c’est un crime contre l’humanité, c’est tout simplement dire la vérité et rendre hommage à ces millions de victimes. C’est rappeler que l’on choisit son camp : banaliser la monstruosité des négriers ou sublimer le courage des victimes et des philosophes européens. Et si jamais cette loi dérangeait un historien, non pas parce qu’il est historien, mais parce qu’il est négationniste et qu’il propage des thèses contraires aux valeurs morales de la République, contraires aux valeurs éthiques, je trouverais que c’est bien peu de chose.  »

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Hautcourant pose 3 questions à Christiane Taubira

Julie Derache : Que pensez-vous de l’actuel débat sur l’identité nationale initié par le gouvernement ?

Christiane Taubira : Cette histoire de débat n’a pas de sens. Le mot même de « national » est dangereux, il a une histoire chargée. En plus, les motivations à l’origine de ce débat sont connues : il est lancé par le Ministère de l’immigration et de l’identité nationale. Des historiens ont démissionné de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration lorsque le candidat Sarkozy a dit qu’il allait créer un Ministère de l’immigration et de l’identité nationale. Chose qu’il a effectivement fait par la suite. Les universitaires français ont été nombreux à dire que cette juxtaposition « identité nationale » et « immigration » est malsaine. Alors, avec ce débat, Sarkozy reste dans sa logique : crisper les Français et leur faire croire qu’ils sont en péril sur leur territoire. Ce genre de crispations a mené aux pires guerres nationalistes. C’est pour lui une étape supplémentaire. Elle entraîne les gens sur des chemins dangereux. Notamment en neutralisant l’épanouissement personnel dans la société. On leur dresse une sorte d’ennemi, une cible privilégiée. Par ailleurs, étudier l’évolution de l’identité française, et non nationale, est nécessaire et intéressant pour comprendre, en autres, les mécanismes possibles d’intégration. Des chercheurs le font. Notamment des sociologues et des historiens comme Suzanne Citron.

Ibra Khady Ndiaye : Alors que le gouvernement s’empresse de légiférer sur des questions comme le port de la burqa, de nombreuses discriminations demeurent au quotidien à l’égard des minorités. Que proposez-vous pour éradiquer ces discriminations ? Et, que pensez-vous du CV anonyme ?

Christiane Taubira : Il faut se battre contre les discriminations qui touchent toutes les minorités. Les personnes d’outre-mer subissent, en France, les mêmes discriminations que les autres immigrés. Ce sont des discriminations à l’apparence. J’ai connu cela étudiante, mes enfants aussi. Notamment pour la question du logement. J’ai toujours été contre le CV anonyme. C’est une connivence : au lieu de sanctionner les discriminations et le racisme, on les cache. Cela évite de pécher. Mais, la discrimination va se faire à l’étape suivante, pendant l’entretien d’embauche. Celui qui discrimine n’est pas sanctionné et va alors continuer. Il faut que les employeurs comprennent que l’on peut avoir n’importe quelle apparence et être compétent. Ils mettent en péril le « pacte républicain » en pratiquant la discrimination car ils annulent l’égalité de la citoyenneté. On ne s’accommode pas de cela, on sanctionne. En revanche, dans le cas de la burqa, les élites politiques sanctionnent, sévissent, car elles se sentent menacées par la moindre différence. Je suis contre la burqa mais je ne suis pas pour une loi non plus. Les hommes politiques ne cherchent pas à comprendre le phénomène, à comprendre comment on arrache les femmes de cela. Alors que les gens connaissent le chômage, perdent leur logement, sont dans le désarroi… leur problème le plus immédiat est : les femmes qui portent la burqa.

Laura Flores : Quel sera l’impact de la réforme des collectivités territoriales sur les départements d’Outre-Mer?

Christiane Taubira : On a déjà enlevé l’épine du pied à Nicolas Sarkozy avec la collectivité unique de la Guyane et de la Martinique. Je pense qu’il y a des tas de choses qui sont en danger avec cette réforme. C’est-à-dire que la collectivité unique a les mêmes compétences que le Conseil Général. Les premiers actes seront les réductions budgétaires : il ne nous faudra qu’un seul service financier, un seul service administratif, etc. En faisant cela, les capacités d’intervention vont être réduites ainsi que la logistique : la possibilité de porter l’action des élus. Le nombre d’élus, notamment ceux de proximité, va être diminué. Les gros budgets tels que le RMI vont en grignoter d’autres comme ceux du sport et de la culture. Cela me paraît inévitable aussi bien ici qu’en métropole. Je pense que les gens vont s’en mordre les doigts. Ceci étant, ils n’ont pas été nombreux à voter lors de la consultation.

La censure de la taxe carbone : « une confirmation de l’analyse du Parti socialiste »

Véritable camouflet pour le président de la République, Nicolas Sarkozy, l’annulation de l’impôt écologique par le Conseil constitutionnel, mardi 29 décembre, vient avaliser la position du Parti Socialiste qui termine ainsi l’année 2009 sur un succès en demi-teinte.

Suite à la censure de la taxe carbone par les Sages du Conseil constitutionnel, la réaction du Parti socialiste ne s’est pas fait attendre.
« L’annulation de la taxe carbone par le Conseil constitutionnel est un revers majeur pour Nicolas Sarkozy » a ainsi jugé la première secrétaire du parti, Martine Aubry. La maire de Lille n’omettant pas de préciser que l’annulation faisait suite à « une saisine par les parlementaires socialistes ». Selon Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l’Assemblée Nationale, « la méthode Sarkozy une fois de plus n’a pas marché ». Et le maire de Nantes de plaider pour « une réforme fiscale qui soit plus écologique, plus protectrice de l’environnement ».

Ségolène Royal qui déjà à La Rochelle, à la fin du mois d’août, fustigeait « un impôt absurde, injuste et historiquement décalé dans le temps » s’est empressée de saluer « une bonne nouvelle pour le pouvoir d’achat des Français et contre la pression fiscale intolérable exercée par le gouvernement ».

Toujours prompte à l’autosatisfaction, la présidente de la région Poitou-Charentes n’a pas oublié de rappeler qu’elle avait été «la première à dénoncer cette taxe dès le mois d’août dernier et ce malgré le consensus général qui entourait cette mesure ».

« Taxe écologiquement inefficace et socialement injuste »

Il est sûr qu’au départ, le consensus ne s’était pas fait autour de Ségolène Royal, y compris au sein du Parti socialiste. Laurence Rossignol secrétaire nationale à l’environnement au PS jugeait ainsi, au début du mois de septembre, que « Ségolène Royal parle en son propre nom. Quand elle parle de la taxe carbone, cela n’engage qu’elle-même ». Aujourd’hui, Mme Rossignol se félicite, au même titre que Mme Royal, de l’annulation « d’une taxe à la fois « écologiquement inefficace et socialement injuste ».

Sur le fond, force est de constater que les propos de l’ancienne candidate à l’élection présidentielle sur cet « impôt injuste » étaient largement fondés. Tous les caciques socialistes n’ont d’ailleurs eu de cesse, par la suite, de reprendre cette position, à commencer par Martine Aubry qui dénonçait une taxe
« inefficace sur le plan écologique et injuste socialement ».

Position partagée par le porte-parole du parti, Benoît Hamon, qui, dès le mois de septembre, estimait également que l’impôt n’aurait pas « les effets écologiques attendus » et serait « injuste socialement ». La formule a depuis fait florès. Reprise par l’ensemble des dirigeants socialistes, elle a de facto permit au parti de parler d’une seule voix, sans cacophonie.

Une annulation salutaire pour le PS

Dès lors, Martine Aubry peut aujourd’hui s’enorgueillir de cette décision du Conseil constitutionnel dont « les motifs confirment la position prise par le Parti socialiste ». En effet, dans leur décision du 29 décembre, les Sages reprennent en grande partie l’orientation du parti. Le Conseil constitutionnel parle ainsi dans sa décision de mesures « contraires à l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique et [qui] créent une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ». Ségolène Royal ne disait pas autre chose à
La Rochelle au mois d’août …

Salutaire pour les ménages français, cette annulation de la taxe carbone l’est également pour un Parti socialiste qui termine cette difficile année 2009 sur une petite victoire. Surtout, cette « confirmation de l’analyse du PS » par le Conseil constitutionnel en matière de fiscalité écologique lui permet de redevenir crédible sur le sujet, tout en prenant le dessus sur la majorité présidentielle.

Martine Aubry n’a d’ailleurs pas manqué de le rappeler. Pour la première secrétaire, « cette annulation vient rappeler au président de la République qu’il ne suffit pas de faire des discours pour faire avancer la cause de l’environnement ; qu’il ne suffit pas de nommer un impôt « taxe carbone » pour qu’il soit écologique ». Et de poursuivre, toujours à l’encontre de Nicolas Sarkozy, « après l’échec du Sommet de Copenhague, ce nouveau revers révèle la réalité de la politique du Président de la République : beaucoup d’agitation mais peu de résultats ».