Des gouttes et des bâches

Roland-Garros arrive. Les beaux jours pense-t’on aussi. Que nenni. Quand la pluie s’abat sur la porte d’Auteuil, les couleurs changent. L’ocre de la terre laisse sa place aux couleurs des bâches et des parapluies.

La fin du mois de mai à Paris. Roland-Garros commence et l’on sent germer les prémisses de l’été. L’imaginaire fait rêver… Une belle journée à arpenter les allées de la porte d’Auteuil, on pense voir huit heures de tennis, prendre des coups de soleil et manger des glaces. Mais quand le tournoi parisien copie les traditions météorologiques de son voisin d’outre-manche Wimbledon, l’ambiance y est beaucoup plus maussade. Le mauvais temps n’a pas attendu l’ouverture des portes pour pointer le bout de son nez. Et pas que le bout en ce mardi 27 mai, jour de premier tour.

Sudoku, l’Equipe et salsa pour patienter

Tout d’abord, on prend son mal en patience. Maître mot d’une journée qui s’annonce humide. Une heure après le coup d’envoi, aucune partie n’a pu commencer. Alors, dans les couloirs abrités du court central Philippe Chatrier, fleurissent sudokus, journaux, livres. Les spectateurs venus d’Amérique du Sud ne se laissent pas abattre et offrent aux locaux, mouillés par la pluie, une salsa endiablée sous le son imparfait et atténué d’un téléphone portable.
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«Nous ne vendons ni plus ni moins, mais surtout différemment. Plus de magazines,» confie la tenancière de l’unique kiosque du complexe. «Certains demandent même si nous vendons des livres de poche ou des jeux de cartes. Surtout des jeux de cartes d’ailleurs.» Malgré les ondes qui ne veulent s’atténuer, les divers stands font recette. Les cache-vents siglés Roland-Garros partent comme des petits fours. Le chiffre d’affaire des marques de vêtements marque des points. On cherche à tuer le temps. Pour le moment.

Le Village Roland-Garros, jet-set et businessmen

Dans les couloirs et arcanes plus discrètes de Roland-Garros, le calme règne. Loin du large déploiement de parapluies, les joueurs tentent de rester concentrés. Les jeunes ramasseurs de balle s’agitent près de l’entrée sur le court, aux aguets de la moindre pause dans le déluge. De leur côté, les journalistes présents en nombre, remplissent le restaurant qui leur est dévolu. Au sec.

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Du sec et du luxe. le Village de Roland-Garros, sorte de loges-restaurants chics et branchés. Défilés d’hôtesses, de personnalités de la télé, de la jet-set entourés de grands patrons. Déjeuners d’affaires, opérations marketing, les photographes s’affolent au passage souriant de Sophie Davant. Le tennis et la météo semblent loin des préoccupations.

Les gens ne sont pas du tout patients

Dame Nature ne semblant pas d’âme tennistique, les spectateurs commencent à ronger leur frein. «Avec ce temps, on a beaucoup plus de boulot», explique Lucas Nourry, employé à l’un des Point Info du tournoi. «Les gens ne sont pas du tout patients. Ils se plaignent du manque d’info, du manque d’annonces micro et de points météo. Ils veulent surtout savoir comment se faire rembourser.» En effet, les indications quant au remboursement sont rares … et abusives. Aucun remboursement si le temps de jeu dépasse les deux heures et remboursement intégral uniquement s’il reste inférieur à une heure.
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Du public se distinguent deux écoles quant aux réactions à ces intempéries. Plus on vient de loin, plus on est philosophe. Les latinos dansent. Les Tchèques préfèrent sourire. «Nous sommes à Paris pour cinq jours et déjà deux de pluie. Après un long trajet, c’est embêtant pour nous», concède Alex Reitinger, un Pragois fondu de tennis. «Il n’y a rien à faire, nous allons être patients.»

Une journée plus verte et grise qu’ocre sur les terrains de la porte d’Auteuil. Un avant goût de Wimbledon sur les bords de Seine. Les plus tenaces resteront jusqu’à la tombée de la nuit, croyant en l’éclaircie comme on croit au Père Noël. Naïvement pour les plus jeunes, avec un espoir caché pour les plus vieux.