Rice a assisté à l’assassinat de Martin Adler, un journaliste free-lance suédois, abattu par un homme armé non identifié le 23 juin 2006, dans la capitale somalienne, Mogadiscio. « Il est extrêmement difficile de travailler dans ce pays », a ajouté Rice. « Chaque fois que vous êtes en contact avec de simples citoyens, il y a un danger réel. N’importe qui peut vous tuer : vous ne savez pas qui le fera, ou de quel côté viendra la balle ».
Longue est la liste des journalistes victimes de violences verbales ou physiques en Somalie. Le dernier en date, le journaliste français, Gwenaouel Le Gouil. Des « inconnus en armes » l’ont kidnappé, dimanche 16 décembre, dans le Puntland, région semi-autonome au Nord-Est de la Somalie (Voir rubrique internationale). Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières, a indiqué lundi 17 décembre au « Nouvel Observateur », « qu’il s’agit, avant tout, d’une sordide histoire de racket. Mais le travail de Gwen Le Gouil joue aussi. Les passeurs sont exaspérés qu’un journaliste vienne enquêter sur leurs petites affaires. »
Cet enlèvement intervient dans un pays de non-droit où huit journalistes ont été tués depuis le début de cette année 2007. « Ce qui en fait la zone la plus dangereuse du monde après l’Irak pour les professionnels des médias », a souligné Reporter Sans Frontière. Et d’ajouter, « si pendant des années le Puntland (…) a bénéficié d’une relative tranquillité, il n’en est plus rien depuis que la guerre fait rage entre les tribunaux islamistes et les troupes éthiopiennes venues soutenir le gouvernement fédéral de transition somalien. » (Voir dans cette même rubrique La Somalie victime des convoitises depuis toujours )
Fausse conférence de presse
Selon Amnesty International, la situation des journalistes « est actuellement la pire » depuis la chute du gouvernement de Mohamed Siad Barre en 1991 et le début de la guerre civile en Somalie. Témoins gênants d’une guerre où désinformation et mensonges règnent, les journalistes doivent composer d’un côté avec une Union des tribunaux
islamiques (UTI), attachée à la religion et nationaliste, et de l’autre avec un gouvernement fédéral de transition soucieux de son image sur la scène internationale. Du coup, une trentaine de journalistes ont été arrêtés, dans le courant de l’année, à la fois à Mogadiscio (Sud-Est), la base de l’UTI, ainsi qu’à Baidoa (Sud-Ouest), le siège du gouvernement, et dans la région semi-autonome du Puntland (Nord-Est).
A titre d’exemple, le 24 octobre dernier, trois journalistes ont été capturés par les milices gouvernementales, en possession d’une caméra vidéo numérique contenant des images du cadavre d’un soldat éthiopien d’origine somalienne, ainsi que des images de troupes éthiopiennes présentes sur le territoire somalien. Ils sont restés en détention pendant une semaine. Les images qu’ils avaient tournées n’ont jamais été diffusées. Quant à Abdullahi Yasin Jama, de Radio Warsan, il est tombé dans un piège tendu par les milices du gouvernement de transition à Baidoa, le 24 novembre. Arrêté alors qu’il avait été invité à une fausse conférence de presse, le journaliste a été retenu de force pendant trois jours par les miliciens qui l’ont brutalisé. Il a été puni pour avoir évoqué la « présence massive » de soldats éthiopiens en Somalie, ce que le gouvernement dément, sans vraiment convaincre. Six radios et la chaîne de télévision HornAfrik ont cessé d’émettre le lundi 19 novembre, s’ajoutant à trois autres radios déjà fermées par le gouvernement de transition somalien. Les médias audiovisuels privés de Mogadiscio ont alors suspendu leurs programmes pendant 24 heures afin de protester contre les « violations » des droits de la presse par les autorités somaliennes.
Moins de « cirque » au Zimbabwe
Plus que mise à mal en Somalie, la liberté d’expression cherche néanmoins un chemin en Afrique. En témoignent les récentes décisions du gouvernement zimbabwéen. Ce dernier a annoncé lundi 17 décembre 2007, qu’il allait amender ses lois sur la sécurité et les médias, pour les rendre moins répressives. Le pays dirigé depuis 1980 par l’octogénaire Robert Mugabe, figure parmi les plus féroces du continent pour les journalistes. Le contrôle absolu de l’information, coûte que coûte, reste une obsession du président zimbabwéen. Une loi pour réprimer la presse, fermeture du quotidien le plus populaire du pays, brouillage des radios d’opposition : le gouvernement zimbabwéen n’a jamais relâché la pression contre les dernières voix indépendantes du pays…jusqu’à ces projets d’amendements. Sur l’ordre public et la sécurité, l’accès à l’information, la protection de la vie privée et sur les services de radiotélévision.
Ces changements réduiront les pouvoirs de la police lors de manifestations. Les rassemblements ne pourront plus être interdits qu’en cas de risque de violence et les forces de l’ordre devront rencontrer les organisateurs avant de prendre toute décision. Les amendements prévoient également la réorganisation de la commission des médias afin d’y inclure des représentants des syndicats de journalistes, et l’ouverture des ondes radio et télévision à des émetteurs privés. Les trois lois concernées avaient été adoptés par le président Robert Mugabe, après sa réélection controversée en 2002, et avaient servi à museler l’opposition et les médias indépendants. Le principal parti d’opposition, le Mouvement pour le Changement Démocratique (MDC), les a fréquemment critiquées lors de ses négociations avec le parti au pouvoir, l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF).
Les consciences semblent s’éveiller au Zimbabwe. « La justice zimbabwéenne résiste de plus en plus aux abus de pouvoir du gouvernement », selon le rapport 2007 de RSF sur le Zimbabwe. Ainsi, le 25 septembre, le président du tribunal de Harare a décidé de refuser un troisième report du procès de la radio privée VOP demandé par l’accusation. « Cela devient un cirque », a-t-il déclaré, avant de décider également d’abandonner les poursuites engagées contre les dix membres du directoire de la station. Sept d’entre eux avaient été arrêtés en janvier 2006 sous prétexte qu’ils « possédaient et utilisaient du matériel de transmission sans autorisation ».
Le MDC a qualifié les récentes réformes de « goutte d’eau dans l’océan. Les Zimbabwéens préféreraient une réforme globale plutôt que ces petits amendements ». La bataille continue.