Tous les lundi se tient à Toulouse une soirée nommée « relâche ». Dans une ancienne chapelle privée, squattée depuis près de 20 ans, tout le monde peut s’y retrouver pour une soirée improvisée.
Le rendez-vous est de 18h à 22h, la majorité des personnes arrivent vers 20h à la chapelle Jeanne d’Arc à Toulouse. De l’extérieur, un portail en fer est entrouvert sur une allée de terre boueuse. Une guirlande d’ampoules colorées éclaire d’une faible lumière le chemin vers l’entrée. Après avoir passé la grande porte de bois sombre, une grande salle, avec une lumière tamisée. Tout dans ce lieu a une histoire propre, entremêlée à d’autres. Cette ancienne chapelle privée a commencé à être squattée en 1993 par les membres de l’association Planète en danger. « Au début, l’idée n’était pas d’occuper illégalement l’endroit, mais lorsque les membres de l’association se sont rendus compte que l’archevêché voulait faire de la spéculation immobilière, on a commencé l’occupation » confie Yann, un des doyens de l’association L’atelier Idéal[[Pour en savoir plus allez sur :http://www.atelierideal.lautre.net/]]. Association précisément créée par Planète en danger, deux ans après les premiers squats, afin de se charger de la gestion du bâtiment. L’atelier idéal est un clin d’œil à un ancien locataire de la Chapelle, Jiri Volf, poête et SDF. Il disait :
« Le calme et la tranquillité de l’église, c’est l’atelier idéal. Non, le ciel des idées. »
Une chapelle dédiée à l’art
« J’ai découvert cet endroit il y a plus de 15 ans. J’étais en fac de théâtre et on venait y donner des représentations . L’engagement c’est fait, petit à petit, après. » continue Yann. Car la Chapelle est un lieu d’expression artistique. Concerts, représentations de théâtre, poésies, lectures de texte, danses, tout y est réuni. L’agenda n’est pas donné, pour encourager la curiosité des gens. En attendant l’animation qui commence vers 20h30, de la musique, entrecoupée de citations de films, est diffusée. Marc à la régie son, explique : « Le choix des chansons que je diffuse est aléatoire, selon mes envies, mon humeur. Un peu comme ce lieu, c’est un bordel organisé ».
Dans un espace qui accueille un tel éclectisme d’art, le matériel est là : projecteurs, régie son, micros, scène, fauteuils, canapés, chaises et tables, même quelques chauffages. L’équivalent de plusieurs milliers d’euros récoltés et accumulés au fil des ans.
La base du fonctionnement : le bénévolat
Personne ne veut parler d’argent. « Car on est dans l’illégalité et que ce n’est pas le but de l’endroit » précise Yann. Tous les bénéfices gagnés par le bar et les repas qui sont vendus reviennent à la bâtisse. Entre les réparations, l’aménagement du bâtiment, l’organisation des événements, nombreuses sont les dépenses. Toutes les personnes participantes sont bénévoles. Et pour les travaux, tous réalisés l’été, c’est le bénévolat qui est de mise, quelque soit les compétences de chacun. « L’idée est qu’il y ait un véritable transfert de connaissance entre les gens » affirme-t-il. Forte de plus de 3 000 adresses mails, l’association peut compter sur les utilisateurs de la Chapelle pour s’occuper du lieu. « Puisque nous sommes en situation d’illégalité ici, une des règles est que personne ne doit jouer sa survie sur le lieu. Survie économique, sociale ou autre. » précise Yann.
L’un des plus vieux squats de Toulouse
Lorsque l’occupation du lieu a commencé en 1993, un procès a été enclenché par l’archevêché. « Le procès a été perdu par l’église à cause d’un vice de forme » raconte Yann. Et depuis un statut quo a été installé, même après que la mairie de Toulouse ait racheté le lieu en 2009. « La mairie dit croire en notre projet culturel, mais c’est plutôt qu’ils préfèrent laisser le problème aux prochains maires » commente Marc, le régisseur son avec un sourire de confidence. « L’association a proposé à la mairie un bail emphytéotique [[Un bail emphytéotique est un bail immobilier de très longue durée, pouvant aller jusqu’à 99 ans en France]] mais ils n’ont pas fait leur choix pour le moment » poursuit-il. C’est pourtant la quatrième année que la mairie en est propriétaire et par conséquent est responsable en cas de problème ou d’accident. Une inertie qui pourrait s’achever sous peu car l’association est reçue à la mairie dans une semaine pour discuter de l’avenir de la Chapelle.
« Une base arrière pour la lutte »
Mais ce lieu n’a pas une vocation purement artistique. Tout un volet politique est présent. Les éditos, les appels à la manifestation, les pétitions sont monnaie courante. La Chapelle se transforme aussi en salle de réunion à certains moments. « La majorité des personnes venant ici sont clairement à gauche, politiquement parlant. C’est un idéal un peu libertaire que véhicule la Chapelle » atteste Marc. Les principaux mouvements sont anti-nucléaires, anti-militaristes et contre le racisme si l’on en croit les affiches placardées aux murs.
« De par sa stabilité, la Chapelle est un outil pour servir la lutte, c’est une base arrière pour la lutte et les militants » déclare Yann. En ce lundi 21 janvier, vers 19h54, une femme monte à la chaire et commence à parler : « Dans ce contexte de chasse aux Roms, d’intervention militaire à l’étranger, d’austérité (…) » le ton est donné. Elle appelle ensuite à signer une pétition de soutien à un rappeur, poursuivit en justice pour injures, par une association considérée comme proche de l’extrême droite. Dans les faits, il chante : « Nique la France et ses relents colonialistes ».
Quant à l’avenir de cet endroit, réponse dans une semaine.