Un Matt Damon peut en cacher un autre…

Dans son dernier film The Informant, Steven Soderbergh a de nouveau décidé de nous surprendre, avec un personnage bien plus surprenant encore!

Mark Whitacre, inspiré d’une histoire vraie, a un bon, même un très bon poste au sein de l’entreprise d’agroalimentaire Archer Daniels Midland. Face aux décisions peu scrupuleuses de ses supérieurs, il décide de comploter avec le FBI pour les dénoncer. Il risque certes de perdre sa place… Mais le spectateur croit volontiers à cet homme intègre dans un film qui se veut moralisateur. Que nenni! L’homme d’affaires s’avère en fait être de ceux qu’il dénonce…

Les grosses lunettes, la moustache, les cravates ridicules: le spectateur oublierait presque qu’il s’agit de Matt Damon, l’habituel « beau gosse » du cinéma hollywoodien. On est subjugué par le personnage qu’il incarne, indiscernable, drôle et pathétique à la fois, tant ses agissements sont contradictoires…

Soderbergh s’est appliqué à proposer un thriller qui n’en est pas un. Ou peut-être une parodie de thriller qui n’en est pas une non plus! Le film est soigné, travaillé, et épuré. Chaque détail a son importance. Le rythme est lent, certes, mais c’est pour mieux concentrer le spectateur sur ce personnage complexe, en laissant de côté la « peopolisation » du scandale survenu dans les années 1990 et qui a depuis fait l’objet d’un livre de Kurt Eichenwald, journaliste au New York Times (The Informant: A True Story).

Un chapeau bas à Monsieur Soderbergh pour ce vingtième film.

Hasta Siempre

Héros de son vivant, icône quasi-christique depuis sa mort, Ernesto Guevara ne cesse de renaître depuis des décennies.
Dans son actualité la plus récente, il y a le film de Soderbergh (Ocean Eleven, Erin Brockovich) qui, au dernier festival de Cannes, a valu à Benicio Del Toro le prix de l’interprétation masculine dans le rôle du Che.

Un homme controversé

Le 25 novembre 1956, un jeune médecin argentin, fortement marqué par les inégalités sociales et la situation fragile de l’Amérique Latine, embarque sur le Gramma en direction de Cuba. Au côté d’autres volontaires, membres comme lui du mouvement du 26 juillet (dirigé par Fidel Castro), ils ambitionnent de renverser Batista par la lutte armée. Il n’a alors qu’une trentaine d’année, aucune expérience dans l’art de la guerre, une femme et une fille restées sur le continent et des idéaux de plus en plus prégnants…

Dans son livre Souvenirs de la guerre révolutionnaire, Ernesto Guevara qualifie d’extrêmement difficile son arrivée sur l’île de Cuba. « Tous purent atteindre le sommet et le passer. Mais pour moi ce fut une épreuve terrible. J’y suis arrivé mais avec une crise d’asthme telle qu’il m’était difficile de faire le moindre pas. Je me souviens des efforts du guajiro Crespo pour m’aider à avancer. Quand je n’en pouvais plus et que je lui demandais de m’abandonner, le guajiro me disait, dans le jargon propre à notre troupe : Argentin de merde, tu vas avancer ou je te fais avancer à coups de crosse. » Une déclaration que Soderbergh a décidé de prendre en compte pour bâtir son film : un homme tour à tour courageux, souffreteux, volontaire, un guerrier qui punit de mort ceux qui désobéissent et ne fait pas de sentimentalisme pour ceux qui tombent au combat mais qui emploie ses heures creuses à enseigner la lecture, l’écriture et à soigner les paysans de la Sierra Maestra.

Le premier volet du film, « Che, l’argentin » nous montre l’ascension du médecin étranger au poste de commandant légitime et respecté: par Fidel qui le traite en ami, par ses hommes qui voient en lui un leader et par les populations locales, qu’il fascine et appâte avec ses principes de redistribution de la terre. Le 17 janvier 1957, la prise d’une petite caserne de La Plata fait office de première victoire pour le petit groupe de guerrillos. Rapidement, on s’éloigne le petit groupe que formaient les débarqués du Gramma grossit par le recrutement massif de paysans. La victoire attendue survient à Santa Clara, au cœur de la province de Las Villas. Dernier barrage avant la Havane, la ville représente des enjeux considérables pour la guérilla. L’attaque débute dans la nuit du 27 décembre. Le 1er janvier, la caserne Leoncio-Vidal se rend, entrainant la capitulation de la ville. Au même moment, Batista prend la fuite pour Saint-Domingue.

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Un film polémique

Le film sort sur les écrans français en deux fois: le 7 et 28 janvier 2009 avec le soutien d’une gigantesque campagne de publicité. Tour à tour réalisateur, scénariste et producteur, Soderbergh a porté ce projet sept années durant. Aussi mise-t-il beaucoup sur sa réussite en salle. Après une première consécration au festival de Cannes en 2008, le film pourrait faire son apparition à la prochaine cérémonie des Oscars.

Une page d’histoire, minutieuse et documentée, qui ne comble pas tout le monde. Si les longues séquences dans la Sierra Maestra apportent de nombreux renseignements sur les méthodes employées par la guérilla cubaine, les enjeux politiques qui guidaient ces hommes sont renvoyés à quelques flashs en noir et blanc de prises de parole du Che dans des conférences internationales. En 1964, au siège des Nations Unis, le petit médecin argentin qui peinait à respirer dans les premières heures de la révolution respire toujours mal, mais clame haut et fort devant une salle silencieuse que son île restera indépendante, que l’impérialisme américain est diabolique et l’exploitation du Tiers-monde, par les deux camps de la Guerre Froide, regrettable!

Un jeu d’acteur incontestablement bon pour un personnage froid, distant, dont on nous cache les plus vils côtés. Une épopée guerrière en somme qui nous apprend beaucoup sur ce que fut la renaissance d’une île et le quotidien de ses héros.