A Montpellier, la mobilisation anti-Darcos ne faiblit pas

Depuis le mardi 9 décembre 2008, les mouvements de contestation contre les réformes prévues par Xavier Darcos, ministre de l’Éducation Nationale, se multiplient. A Montpellier, étudiants, enseignants, parents et lycéens se mobilisent pour défendre un modèle d’éducation remis en question par le gouvernement français.

Les manifestations se suivent et ne se ressemblent pas. Une nouvelle fois les réformes de l’Éducation Nationale sont au cœur des débats. A Montpellier vendredi 12 décembre, ce sont les lycéens qui prennent les rênes de la contestation. Près d’un millier d’entre eux se sont mobilisés pour exprimer leur mécontentement devant les grilles des lycées Mermoz et Clémenceau notamment. Le manque d’organisation et la présence d’éléments perturbateurs extérieurs au mouvement ont néanmoins tendu les rapports entre manifestants et forces de l’ordre. Plusieurs altercations éclatent dès le début du rassemblement. Jets d’œufs et poubelles brulées contre bombes lacrymogènes, l’affrontement tourne vite à l’avantage de la police. Ces évènements ont rapidement mit fin au rassemblement, mais l’escalade et la radicalisation du mouvement stigmatise avant tout l’inquiétude des jeunes pour l’avenir de l’éducation en France.

Sifflets et gilets jaunes

Deux jours plus tôt même si l’ambiance est tout autre, la crainte est la même. Mercredi 10 décembre, l’atmosphère est bon enfant dans le cortège. Sifflets à la bouche, casseroles et cuillères en bois à la main, parents, enseignants, étudiants et lycéens étaient particulièrement bruyants. Un gilet jaune sur le dos, comme la plupart des parents d’élèves, Jean-Louis Gély, adjoint aux écoles de la Ville, ironise : « la voiture de l’Éducation Nationale est en panne, on attend la dépanneuse ».

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Dans la plupart des villes de France (Paris, Rennes, Toulouse, Marseille…), la mobilisation à l’appel des principaux syndicats et association de parents d’élèves a été bien suivie. A Montpellier, 2 000 à 3 500 personnes (selon les estimations) ont manifesté de la place du Peyrou à la Comédie.
Outre les 13 500 suppressions de postes dans l’Éducation Nationale prévues pour 2009, les revendications sont multiples. «Nous sommes contre la fermeture des classes dans le primaire, contre la suppression des Rased [réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté], contre les suppressions de postes dans le second degré, contre la réforme des lycées notamment la suppression des SES, contre la dégradation des conditions de travail et la « masterisation » des IUFM », la liste du mécontentement est longue pour Julien Colet, secrétaire de la CGT Éducation 34. Autrement dit, c’est la défense du système éducatif français qui est au centre des préoccupations.

Mardi 9, à la veille de la mobilisation déjà, les parents d’élèves occupaient trois écoles sur quatre autour de Montpellier pour réclamer un investissement supérieur dans l’Éducation. Mardi après-midi, les IUT de la région manifestaient pour protester contre la loi de réforme des universités qui menacerait leur financement. La sanction du directeur de l’école maternelle de Saint-Jean de Védas, Bastien Cazals s’ajoute aux motifs de mobilisation. L’enseignant avait rédigé une lettre à Nicolas Sarkozy pour exprimer son refus de supprimer les Rased et d’appliquer les nouveaux programmes.

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«Nous sommes en résistance»

Au coeur des manifestants, plusieurs élus ont dénoncé la politique du gouvernement. Jean-Louis Gély, venu pour « représenter le soutien de la majorité municipale au mouvement » insiste particulièrement sur la situation des écoles maternelles. « Une menace plane sur cette spécificité française », affirme t-il. « Enfants et parents vont perdre un lieu d’accueil et d’intégration sociale, les enseignants vont devoir faire face à de nouvelles suppressions de postes ». Conséquence : de plus en plus d’enfants en âge d’être scolarisés (3 ans) ne pourront plus être accueillis. Selon Patrick Tolédano, coordinateur académique du SnuiPP (FSU), c’est déjà le cas dans certaines écoles maternelle classées ZEP (zone d’éducation prioritaire). Manifestant également son mécontentement, Jean-Louis Roumegas, élu local et porte-parole national des Verts, rappelle pour sa part que « l’éducation est menacée par des suppressions de poste massive alors que les effectifs augmentent ». « C’est à n’y rien comprendre » conclue t-il.

Mercredi soir, le cortège festif s’est achevé sur un simulacre de vente aux enchères, place de la Comédie. Les manifestants ont procédé en vain à la mise en vente de la laïcité, « pilier de l’ Éducation » ou encore des classes de découvertes. En scandant « nous sommes en résistance dans tous les coins de la France», les manifestants n’entendent pas abandonner la lutte. Prochains rendez-vous: lundi 15 décembre à l’appel des lycéens et jeudi 17 décembre devant l’Inspection Académique pour demander la levée des sanctions contre Bastien Cazals. Toutefois, l’arrivée des congés de noël risque de jeter un coup de froid sur l’élan revendicatif amorcé au début de la semaine.

Darcos : Le vilain petit canard de Périgueux

Périgueux, préfecture de la Dordogne. Dans un département où le foie gras est roi, le vilain petit canard du gouvernement s’appelle Xavier Darcos. Le maire sortant et ministre de l’éducation nationale perd près de 15 points par rapport à 2001. Arrivé second avec 45,25% contre 45,70% pour son adversaire socialiste, le candidat UMP est le seul ministre candidat en ballottage difficile dans un fief qui semblait gagné d’avance.

Ils étaient 23 membres du gouvernement à affronter la légitimité des urnes lors de ces élections municipales et cantonales. Seule une poignée a subi de plein fouet la victoire hexagonale de la gauche. Parmi eux, le ministre de l’éducation nationale, Xavier Darcos, maire sortant de Périgueux. A égalité -44 voix d’écart- avec le candidat socialiste qu’il avait nettement battu en 2001, le natif de Limoges risque gros.

La permanence de l’UMP fermée le soir du premier tour

A 60 ans, Xavier Darcos pouvait compter pourtant sur une liste d’union avec le Modem. Il doit cette alliance d’avant premier tour à son amitié avec François Bayrou dont il fut chef de cabinet au ministère de l’éducation nationale en 1994, avant de devenir le conseiller à l’éducation d’Alain Juppé, alors premier ministre. Mais les 6% de la liste dissidente Modem seront les véritables arbitres du second tour. La droite périgourdine vacille. Depuis 1971 et l’élection du gaulliste Yves Guéna à l’hôtel de ville, jamais Périgueux n’a connu un premier magistrat socialiste. « Une petite révolution est en cours. Depuis quarante ans, Périgueux a toujours élu un maire de droite, la semaine prochaine la gauche a de vraies chances de l’emporter » disent les opposants au ministre. Preuve de la fébrilité de l’UMP dans la préfecture périgourdine, dimanche soir, la permanence du parti présidentiel était fermée alors que Darcos préférait rester enfermé dans son bureau de la mairie.
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Pour l’UMP, qui tente de minimiser le caractère national de cette échéance, les ministres battus pourront rester en poste. « Si vous dites qu’à chaque fois, ils ne peuvent pas rester, il n’y aura plus aucun ministre qui voudra se présenter aux élections, ce qui est quand même embêtant dans une démocratie » justifiait Patrick Devedjan, secrétaire général de l’UMP, quelques jours avant le premier tour. Mais ces ministres en situation périlleuse ne sont pas légions. Et un léger remaniement ministériel n’est plus à exclure. Une défaite à Périgueux de Xavier Darcos résonnerait comme une claque importante dans une ville qui vote généralement à droite aux scrutins locaux.

Sarkozy fait campagne, une stratégie sans succès

Le cas Darcos met également en exergue la particularité de la capitale de la Dordogne. Depuis 1995, les Pétrocoriens alternent un vote à gauche aux échéances nationales avec un vote local à droite. L’inverse de la tendance française sur la même période. En 2007, Ségolène Royal y avait largement devancé Nicolas Sarkozy (56,45 % pour la candidate socialiste) avant que Pascal Deguilhem, candidat PS, ne soit élu député en juin. C’est dans cet anti-sarkozysme que réside la potentielle défaite de Darcos. Ministre en vue du gouvernement sur des sujets sensibles (mémoire d’un enfant de la Shoah, réforme de la carte scolaire), Darcos est l’un des rares maires à avoir accueilli le président de la République au cours de sa campagne.
Une stratégie visiblement sans succès.

La girouette PS et le vent du Modem

Le vent tourne, la tête du PS aussi. Les alliances et discussions de l’entre-deux tours des élections municipales 2008 révèlent les contradictions idéologiques qui minent un parti socialiste, pourtant gagnant du scrutin.

Débat stratégique au PS

La contradiction la plus flagrante est l’œuvre de l’ancien couple socialiste le plus célèbre, Ségolène Royal – François Hollande. Dès le soir du 1er tour, dimanche 9 mars, la candidate à l’élection présidentielle s’est exprimée en faveur d’alliances avec le Modem. « La gauche doit s’allier partout avec le MoDem » a-t-elle déclaré devant les caméras et les militants. Le lendemain, le premier secrétaire du PS jusqu’en novembre a tenu à nuancer ces propos : « Il ne peut pas y avoir de discussions nationales (ndlr : avec le Modem) ». Se joue donc la future orientation idéologique du PS. Les pontes du parti tardent à prendre position. Georges Frêche, président de la région Languedoc-Roussillon qui négocie son retour au PS et vise un strapontin sénatorial, a fait son choix : « Comme Ségolène Royal l’a déclaré dès dimanche soir, j’appelle moi aussi, pour ce second tour, à l’union avec le MODEM dans toutes les villes et dans tous les cantons de notre région afin d’amplifier le mouvement du premier tour. Avant d’enchaîner, Il faut poursuivre dans cette voie dimanche prochain car se joue, sous nos yeux, le laboratoire d’une prochaine majorité de gouvernement. »
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Ce débat au sujet de la drague du Modem met en exergue, plus que jamais, la problématique du prochain congrès : l’aggiornamento, la rénovation, certes, mais vers quel côté ? Vers le centre, donc vers Bayrou comme le souhaite la frange la plus « libérale » économiquement du PS ? Ou bien vers la gauche, le PCF, les Verts et la gauche anti-capitaliste ?

Des alliances contradictoires

Ainsi la stratégie d’alliance dépend étroitement du bon vouloir du Modem. A Périgueux, le Modem s’est allié pré-premier tour à la liste UMP du très sarkozyste Xavier Darcos, ami personnel de François Bayrou. Il en va de même à Bordeaux où Alain Juppé a été élu dès le premier tour avec le soutien des centristes. Cette position « normande », « ptet ben à droite, ptet ben à gauche », de Bayrou énerve coté socialiste. François Hollande raille cette indécision : « il y a autant de positions du modem que de villes en France ». Les négociations hétérogènes menées au cas par cas, ville par ville, donne un reflet parfait de la problématique socialiste.

Quelques exemples caractéristiques:

A Paris, la liste de Bertrand Delanoë, qui comprenait des communistes, a rapidement décidé de récompenser « la fidélité » des Verts mais a catégoriquement réfuté toute fusion de liste avec le Modem parisien de Marielle de Sarnez. Une option vers la gauche. Le Modem sera de la triangulaire.

Montpellier, géographiquement diamétralement opposée à la capitale, stratégiquement aussi. C’est à la tête d’une liste d’union avec le Modem qu’Hélène Mandroux est arrivée en tête du premier tour avec 47,11%. Situation exceptionnelle, du coup, ce sont les Verts, forts de 11%, qui partiront seuls au second tour, faute d’un accord avec le PS. Un échec des négociations que le parti écologiste attribue à Frêche, confirmant l’orientation « ségoléniste » du PS local : « tout était scellé d’avance : les responsables locaux du parti socialiste ne voulaient pas d’accord. Nous avons appris depuis que c’est Georges Frêche en personne qui a plaidé notre exclusion devant le conseil fédéral du PS hier soir. Le PS obéit à ses exclus » peut-on lire sur le site des Verts montpelliérains.

Autre schéma qui se retrouve fréquemment : une liste PS/PC affronte au second tour une liste Modem/UMP. C’est le cas dans le très symbolique département de la Seine-Saint-Denis. A Noisy-le-Sec, la liste socialiste menée par Elisabeth Guigou a fusionné avec la liste PC et sera confrontée dimanche prochain à une liste UMP/Modem.

La victoire de la gauche lors de ces municipales ne devra pas occulter la rénovation annoncée du parti. Cette nouvelle échéance électorale aura néanmoins permis de confronter le Parti socialiste aux différents courants qui le tiraillent. D’ici novembre et le congrès du PS, le vent peut tourner. Reste à savoir vers quel horizon les divers courants auront emporté le bateau socialiste.