Les déclarations du premier ministre turc, Recep Tayyip Erdoğan, sont souvent abruptes. Criminalisation de l’avortement, création de nouveau cours de religion pour les écoliers, débat sur le retour de la peine de mort en Turquie, sont les exemples d’un discours « islamiste » dénoncé par l’opposition.
Cependant, il semble qu’une autre lecture soit possible. « Erdoğan est affublé d’islamiste alors que sa politique s’approcherait plus du puritanisme à l’américaine », déclare un professeur de l’université Galatasaray. « Lorsqu’il demande aux familles de faire au minimum trois enfants, on le traite d’islamiste rétrograde. Mais cela peut aussi être analysé comme une volonté de prévenir le vieillissement de la population et les problèmes que cela a engendré en Europe ».
Les États-Unis ont connu une période où l’alcool était illégal, en Turquie il est seulement surtaxé. Il y a toujours les pro-life [[mouvement pour l’interdiction de l’avortement aux Etats-Unis]] qui ont un combat similaire et s’appuient sur les mêmes arguments. Cette tendance religieuse n’est pourtant pas décriée avec la même force.
La criminalisation de l’avortement n’a pas eu lieu. Mais par une déclaration provocante, le débat engendré a permis au chef du gouvernement de cerner les différentes opinions, les arguments contre et les opposants. « Il y reviendra peut-être, mais d’ici deux ou trois ans. Erdoğan fait trois pas en avant et deux et demi en arrière. Il ne revient jamais vraiment à la position de départ », continue le professeur. « Il semble qu’il tente de créer une génération puritaine, religieuse », ajoute-t-il.
Aydin, étudiant en science politique, se dit proche de mouvement de la gauche politique. Son discours est plus tranchant : « Erdoğan parle beaucoup, mais agit peu ». Selon lui, le premier ministre a les mains liées. L’héritage laïque de Mustafa Kemal est encore très important. De même, certains des excès de l’Etat, comme l’emprisonnement d’étudiants dans des conditions douteuses, amènent à une repolitisation des jeunes. D’où une opposition de plus en plus forte de la part de ces derniers.
Néanmoins cette voie politique fait peur. Erdoğan avance ses pions de manière audacieuse et cela lui réussi pour le moment, mais c’est un jeu risqué. « Si cela continue dans ce sens, nous partirons vivre à l’étranger. Nous ne voulons pas vivre dans un pays similaire à l’Iran. » confesse Kivanç, fonctionnaire et père de famille.
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