La Somalie victime des convoitises depuis toujours

Par le 14 décembre 2007

Interdiction d’émettre pour deux nouvelles radios somaliennes. Le gouvernement en a décidé ainsi le 13 novembre dernier. Pourquoi ? « Nous voulons arrêter toutes les radios qui exagèrent la situation sécuritaire en Somalie », répondent les services de sécurité.
Les faits sont pourtant là. Depuis le 7 novembre, la reprise des combats dans Mogadiscio, la capitale, a fait soixante victimes civiles et provoqué la fuite de plus de 100 000 personnes.

Guerre civile en Somalie, 2006

Guerre civile en Somalie, 2006 Le 19 novembre, le conseil de sécurité de l’ONU a souligné « la nécessité de poursuivre activement les travaux préparatoires au déploiement éventuel d’une force de paix ». Ceci malgré l’avis du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. Ce dernier a estimé le mois dernier, que compte tenu de la gravité de la situation, l’envoi de casques bleus constitue « pour le moment une option irréaliste et non viable »..
La situation ? Beaucoup de paramètres entrent en jeu et rendent les choses très compliquées. Le contexte géopolitique reste des plus explosifs, mêlant rivalités entre pays voisins et celles internes à la Somalie. Depuis un an, le pays subit les affrontements entre rebelles islamistes et occupants éthiopiens, alliés du gouvernement de transition somalien. Une guerre qui trouve ses racines dans une longue histoire. Celle d’un pays morcelé et revendiqué de toutes parts avant même la colonisation. Les rivalités claniques persistent aujourd’hui, rendant difficile la constitution d’un pouvoir fédéral.

Armée « d’occupation » ou de « libération » ?

Un plongeon dans cette longue histoire s’impose pour tenter de comprendre le chaos somalien. Les difficultés internes en premier lieu. L’Union des tribunaux islamiques (UIT) a pris le contrôle de Mogadiscio en juin 2006, profitant de l’absence d’un gouvernement solide. Ce dernier, replié à Baidoa, dans le sud de la Somalie, n’est pas reconnu à l’intérieur du pays, seulement à l’étranger. Depuis seize ans, suite à la chute du dictateur Saïd Barre, la guerre civile mine la Somalie. Rivalités de clans perpétuelles, principalement entre le nord et le sud du Pays. L’histoire coloniale permet d’éclairer ce conflit. Au 19 ème siècle, l’Angleterre s’est approprié le Nord, l’actuel « Somaliland ». Cette région a été le théâtre d’une longue et sanglante guerre de résistance, accusant un retard économique important par rapport au sud, où l’Italie a beaucoup investi. Plus tard, lors de l’unification du pays dans les années 1960, les frustrations qui en sont nées, ont contribué à déclencher la guerre civile en 1991. L’intervention de l’ONU et des Etats-Unis, en 1993, n’a pas réussi à la stopper.

Au delà de cette guerre interne, les tensions avec l’Ethiopie, l’ennemi héréditaire, minent la Somalie. Cette dernière est intervenue en décembre 2006, contre les insurgés islamistes qui ont alors fui la capitale. Depuis un an, l’Ethiopie soutient militairement le gouvernement de transition somalien contre les rebelles. « Armée de libération et non d’occupation », l’Ethiopie présente ainsi ses troupes. Il règne un sentiment « antiéthiopien », relève pourtant le Monde Diplomatique du mois de novembre 2007. La Somalie à majorité musulmane, possède un lourd passé avec son voisin chrétien. Dès l’époque précoloniale, les deux pays s’affrontent. En 1900, l’Ethiopie annexe l’Ogaden, région désertique de l’ouest qui fait l’objet périodiquement de conflits territoriaux entre les deux États. Aujourd’hui l’Ethiopie entend aider la Somalie, mais au pris de nombreux morts parmi les civils, lors de tirs aux canons dans les quartiers supposés les plus hostiles. Selon le Monde Diplomatique, son armée aurait fait plus de 1700 victimes et plusieurs centaines de milliers d’habitants contraints à l’exode. La population vit mal « l’occupation » de ses voisins de l’ouest, et les rebelles islamistes refusent de négocier avec le gouvernement de transition tant que l’Ethiopie sera présente dans le pays.

La « talibanisation » de la Somalie

Face aux milices claniques qui répandent la terreur, le gouvernement de transition semble incapable de restaurer la sécurité. D’où le souhait de nombreux Somaliens de revenir à la charia, la loi coranique, du temps de l’UTI. « Les rues sont propres, les commerces ont rouvert leurs portes et les gens n’ont plus peur de sortir la nuit. Après seize années de guerre civile, de désordre et de folie meurtrière, les habitants de la capitale connaissent enfin la paix et la sécurité », relève en juin 2006, le quotidien panarabe Al-Quds Al-Arabi. Les islamistes viennent de prendre le pouvoir à Mogadiscio. « Les gens avaient peur des Tribunaux islamiques. Le gouvernement n’a pas le saint Coran, alors les gens n’en ont pas peur », témoigne un somalien dans The Independant, en Juin dernier. Six mois après la chute de l’UTI, les armes ont été ressorties. Le gouvernement de transition, ne parvient pas à établir son autorité et s’appuie sur des troupes éthiopiennes aux méthodes redoutables.
Le Washington-post, souligne que si le calme s’est plus ou moins installé avec les islamistes, les somaliens sont moins libre à cette époque : « les jeunes femmes se sentent obligées de mettre le voile et de dissimuler la moindre mèche de cheveux, le moindre bout de visage. Les garçons, eux aussi, prennent soin de leur coiffure et de leur apparence vestimentaire ».

Les Etats-Unis craignent la « talibanisation » de la Somalie. Ils comparent le pays à l’Afghanistan. Les Etats-Unis cherchent un QG en Afrique dans leur guerre contre le terrorisme. Le commandement militaire unifié qu’ils projettent de créer, l’« Africom », ne devrait être finalisé qu’au milieu de 2008. Alors pour l’instant les Etats-Unis laissent le « sale travail » à l’Ethiopie, selon les terme du Monde Diplomatique. Mais, « le parti pris de Washington en faveur de l’aventure militaire éthiopienne envenime un peu plus la situation», selon le Financial Times en janvier 2007. La presse française aussi ne se prive pas de pointer les Etats-Unis du doigt, les accusant d’attiser le climat de tension qui règne en Somalie. Libération en tête (16 novembre 2007) : « en accusant, il y a un an, les tribunaux islamiques d’être sous la coupe d’Al-Qaeda, l’administration américaine a travesti la réalité et donné un feu vert pour envahir son voisin ». Pire, « plus le conflit dure, et plus les radicaux proche d’Al-Quaeda, s’impose à la tête de l’insurrestion ».

Audrey MONTILLY

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à propos de l'auteur

Auteur : Audrey Montilly

Diplômée de l’IUT de journalisme de Lannion, j’ai pu effectuer plusieurs stages. En PQR mais également en télévision, à TV7 Bordeaux. Expérience très enrichissante puisqu’en télévision locale, j’ai pu effectuer des reportages de A à Z, de la prise d’image, au montage, en passant par la rédaction des commentaires. Puis je suis partie un an à Québec. Cours à l’Université Laval et stages, à Radio Canada, au service télévision. Une licence info-com et un master 1 de science politique en poche, j’ai pu intégrer le master 2 journalisme. Entre temps, deux étés à la Dépêche du Midi à Agen, un autre à Ouest-France, à Nantes, en 2007. J’ai longtemps hésité entre la presse écrite et la télévision. Entre l’écrit et l’image. Si j’ai privilégié l’écrit, le web pourrait me permettre d’allier les deux.