Quel est le projet de L’Assiette Sale ?
L’assiette sale est un film documentaire réalisé suite au conflit social opposant grandes exploitations agricoles et ouvriers saisonniers étrangers. En 2005, les 270 ouvriers saisonniers de cette entreprise de Saint Martin de Crau ont appris que leur exploitation allait fermer, gravement abimée par la sharka, une maladie arboricole. Conditions de travail déplorables, logements catastrophiques, non-paiement d’heures supplémentaires : la fermeture imminente a déclenché la grève. Une première absolue dans le monde des saisonniers. A partir de là, j’ai essayé de comprendre comment, en 2005 et dans un pays développé, on pouvait assister à des situations proches de l’esclavage.
Vous utilisez fréquemment ce terme d’esclavage. Pourquoi ?
Dans les procès qui ont eu lieu récemment, le terme d’« esclavage moderne » sert à décrire précisément et juridiquement certaines de ces situations là. Les contrats OMI [[(Office des Migrations Internationales)]] sont des contrats Etat à Etat qui encadrent la relation entre les saisonniers étrangers et leurs employeurs français. Ce sont de vrais contrats, mais un peu limites vis-à-vis des droits du travail. Si de nombreux exploitants agricoles utilisent à bon escient les OMI, il n’en reste pas moins que ce contrat permet certains débordements, notamment quand les employeurs ne sont pas très scrupuleux. Mais au-delà de tout ça, j’ai surtout voulu comprendre quel était le système qui pouvait générer ce type de comportements. Et ce système porte un nom bien connu : l’agriculture intensive.
Jean Pierre Berlan, ingénieur agronome et ancien de l’INRA, intervient dans le film pour dire de l’agriculture intensive que « c’est un système qui ne marche pas ». Qu’est ce que cela signifie ?
Que ce système va lui-même à sa perte. Quand on dit en France qu’une exploitation agricole ferme toutes les 20minutes, on ne peut pas dire que ça marche bien. Quand on admet que la France possède un terroir capable de permettre une auto suffisance joyeuse et prospère, pourquoi aller chercher nos tomates au Maroc ? Tout simplement parce que nous somme dans un circuit où il existe des intermédiaires, centrales d’achat et grande distribution, qui vont essayer de ramasser le plus d’argent possible au passage.
Face à ces comportements, le consommateur a-t-il réellement une marge de manœuvre ?
Il faut se rappeler une chose, c’est que l’agriculture intensive a été la solution inventée dans les pays développés pour répondre au boom de la population après la seconde guerre mondiale. Depuis les années 80, on observe un basculement. Mais ce n’est pas en claquant des doigts que nous changerons de système. Car il ne faut pas oublier que nous avons en face de nous des gens qui ont des intérêts énormes et une puissance de tir formidable.
A la fin de L’Assiette Sale, vous développez de nouvelles perspectives. En quoi constituent-elles l’avenir ?
Les AMAP [[(Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne)]], les marchés de producteurs, les paniers paysans et les bio-coop font un travail très intéressant. Je pense personnellement qu’il y a un retour à l’agriculture naturelle. Dans ces initiatives, on remarque généralement, un rapprochement du lieu de production et de consommation pour éviter le transport. Avec l’agriculture biologique, vous supprimez tous ces produits appelés pudiquement phytosanitaires et qui nous empoisonnent au sens propre du terme. Pour progresser, l’homme est obligé d’être dans un rôle d’ « apprenti sorcier ». Le problème c’est que de temps en temps, il serait intéressant de regarder un peu plus loin que le bout de son nez.
L’Assiette Sale, des OMI aux AMAP, documentaire écrit et réalisé par Denys Piningre, 2007.
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