4 avril 2017, au soir. Les onze candidats à l’Elysée sont présents au débat télévisé qui les oppose avant le premier tour de la présidentielle. Focus sur Jean Lassalle. Le Béarnais s’organise à sa manière dans les toilettes du studio. « Je n’ai rien préparé. Vous savez ma mère a mis huit jours à me mettre au monde. […] Je n’ai jamais pu rattraper le retard. » L’homme politique fait sourire. Voire carrément rire quand il compare la moralisation de la vie publique au toilettage d’un patient en maison de retraite. Le personnage est « un loser magnifique » s’amuse Pierre Carles, l’un des réalisateurs.
Alors pourquoi en faire le héros du documentaire ? Déprimés par le paysage politique français et assoiffés de révolution, Philippe Lespinasse et Pierre Carles se tournent vers les chefs d’Etat progressistes latino-américains. Dans le lot, Rafael Correa, Hugo Chávez… et Jean Lassalle, maire à 22 ans, qui n’a rien de sud-américain. Ni de Président. Mais les deux journalistes sont séduits. Ils voient en le berger de Lourdios-Ichère, un humaniste anti-libéral capable de gravir les échelons du pouvoir. Un pacifiste « le moins à droite des députés de droite », capable de remporter le « Château ». Il est difficile de les prendre au sérieux. Pourtant, les deux réalisateurs, « perchés » comme ils disent, en sont convaincus : le gardien de troupeaux sera à l’Elysée.
Pendant une année, ils décident de le suivre dans sa campagne électorale. Chargés aussi de l’aider à trouver les 500 parrainages nécessaires pour participer à la course folle vers la présidence. Une difficile chasse aux signatures où s’enchaînent les témoignages de soutien de ses proches et moins proches. Il faut dire que le petit candidat « libre, indépendant et populaire » rassemble tous les bords, du communiste au monarchiste qu’il charme par sa gouaille et son naturel. Quand il s’agit de chanter ou de monter sur les tables, Jean Lassalle est le premier volontaire. Le premier aussi à se cogner contre les meubles, renverser du vin et à ne pas reconnaître Philippe Poutou après deux minutes de conversation. Mais le berger n’en oublie pas une certaine part d’auto-dérision. « Vous savez, je suis une caricature ambulante », résume-t-il. Et cette caricature, quoique maladroite, croit en son pif.
Mais c’est sans compter sur ses faux pas. Comme le malheureux jour où le Béarnais rencontre Bachar el-Assad, jugé responsable de crimes de guerre. Le regard des réalisateurs change. Premières inquiétudes, les préludes à d’autres tracas. Ses brebis verront-elles l’herbe verte de l’Elysée ? Les résultats tombent. Malgré plus de 700 parrainages soit plus que Marine Le Pen, le candidat arrive en septième position avec 1.21% des voix. La réalité a refait surface.
En clôture de l’avant-première ce lundi à Cinemed, les deux journalistes, tantôt enthousiastes, tantôt désillusionnés, expriment leur joie d’avoir pu suivre le quotidien du berger le plus connu de France. Et comptent bien la partager avec leur reportage, dans les salles de cinéma en janvier 2019.
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