PORTRAIT DU JOUR #3 : Nabil Ayouch et Maryam Touzani, le couple passionné

Par le 22 octobre 2017

Nabil Ayouch et Maryam Touzani c’est Razzia, un couple, une passion et tellement plus encore. Haut Courant a souhaité en savoir plus à travers un portrait croisé. Rencontre.

Ils ont ouvert la 39e édition du Cinemed avec Razzia et ont ému l’assemblée. Leur générosité et leur fougue font écho lorsqu’ils partagent leur histoire et leur passion. Ils font du cinéma pour être utile. Mais aussi pour voir l’espoir d’un changement de société.

Nabil et Maryam : la mixité culturelle comme richesse

Tout commence par une identité et la leur est plurielle. Nabil est né à Paris en 1969, fils d’une mère juive française d’origine tunisienne et d’un père marocain. Il a grandi à Sarcelles, marqué par l’ambivalence entre une mixité culturelle et un communautarisme. Il raconte que dans ce climat « on se construit dans l’adversité, dans la solitude ». Mais sa rencontre avec les arts et la culture se fera au Forum des Cholettes où il y perçoit « des voies d’expression » lui permettant de cultiver sa différence, notamment au cinéma, et de pousser sa quête identitaire.

Pour perpétuer la transmission, il montera un centre culturel « Les Étoiles » à Sidi Moumen, à Casablanca, avec son ami Mahi Binebine. À cet endroit-même où des jeunes vivaient dans l’invisibilité d’un bidonville, il leur donne un lieu d’expression et d’existence. Pour Nabil, il est primordial qu’ils arrivent à se projeter et à extérioriser leurs émotions : « Là où les politiques ont parfois échoué à créer du lien identitaire, les arts et la culture peuvent être des vecteurs ».

Maryam : « un besoin d’être utile, de faire entendre sa voix et d’inspirer »

Maryam possède aussi des racines multiples : « un père rifain (berbère, ndlr), une mère tangéroise et une grand-mère andalouse espagnole ». Elle est née à Tanger en 1980 et a fait des études pour devenir journaliste à Londres. Cela lui a donné un regard plus critique sur la société marocaine et « l’envie de participer à la construction de quelque chose ».

Elle rencontrera Nabil à Casablanca, lors d’une interview. Elle l’admirait déjà beaucoup. Si Maryam est plus discrète, elle est aussi engagée dans la dénonciation des entraves aux droits fondamentaux. Ce combat est véritablement le fil rouge de Razzia. Ce film est le fruit « d’épreuves, comme la censure marocaine de Much Loved, qu’on avait envie de mettre en scène ».

On ne peut qu’identifier Maryam au personnage de Salima, qu’elle incarne dans Razzia, car elle porte en elle ces révoltes. Elle déclame « un besoin d’être utile, de faire entendre sa voix et d’inspirer ». Nabil aussi a ressenti « une urgence de faire ce film, un besoin viscéral de s’exprimer ». En échos à l’affaire Weinstein, tous deux affirment l’importance « d’ouvrir des brèches » pour que tous ces individus isolés se retrouvent parmi « une majorité silencieuse » et partagent leurs témoignages.

Pour finir sur une confession, Maryam tournera son premier long métrage dès l’automne 2018. Adam traitera de la difficulté d’être une mère célibataire au Maroc et de l’intensité des jugements dans une société très traditionnelle. Un couple à suivre donc.

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à propos de l'auteur

Auteur : Clara Mure

Montpelliéraine de souche et italienne de coeur, je reste avant tout une enfant du monde et de la génération Erasmus. Issue de la Science Politique mais aussi du monde de l’Esthétique, j’ai toujours voulu appliquer ce double cursus aux mots d’Albert Camus qui m’ont toujours animée « Un journal c’est la conscience d’une nation ». En tant que journaliste, j’allais ainsi devoir faire preuve de « contact et de distance », comme l’indiquait Hubert Beuve-Méry, afin de devenir l’intermédiaire entre le peuple et l’État, le prescripteur de l’actualité et le garant de notre Démocratie. Une des interrogations les plus primaires dans notre existence est la suivante : « Que voudras-tu faire plus tard ? », plus tard sous-entendant au moment de notre vie d’adulte où nous devons déterminer du rôle que nous voulons tenir au sein de la société. John Lennon leur avait répondu « heureux », alors qu’aux yeux de tous il n’avait pas compris la question, il semblait déjà détenir le sens de la vie. Je peux affirmer que l’écriture, mais surtout sa portée, est certainement la clef de mon bonheur. Écrire pour croire, écrire pour comprendre, écrire pour révolter, écrire pour exister. Être journaliste a toujours été pour moi une évidence, car au-delà d’une vocation, c’est inscrit dans mon ADN. En devenant journaliste, je confirme la vulgate nietzschéenne : « Deviens ce que tu es ». Et en assumant pleinement ce que je suis, je donne un sens à ma vie avec pour priorité, d’être utile. Engagée, je ne saurai que l’assumer. Pacifiste, résolument, j’utilise ma plume comme d’une arme pour combattre l’obscurantisme et défendre mes idéaux. Ma conviction : que des mots sélectionnés avec raison aient bien plus de poids que le sang sur leurs mains. Seule l’encre salira les miennes mais avec la ferme intention qu’elle n’ait coulée en vain. Je vous parlerais bien des enseignements de la Science Politique, des doctrines qui forgent et de celles qui font réfléchir, de celles qui animent et des autres qui désarçonnent ; Mais surtout de ces Hommes qui ont marqué l’Histoire du poids de leurs convictions et du vacarme de leur volonté ! Je vous parlerais bien du goût de l’aventure, de l’apologie de la rencontre, de l’éloge du risque et de l’oraison de l’expérience. Mais Philippe Bouvard nous a un jour soufflé que « le journaliste doit avoir le talent de ne parler que de celui des autres », alors je vais m’y entreprendre dès maintenant.