Ces menaces qui pèsent sur les traditions du Languedoc

Par le 25 juin 2009

Une communion entre l’homme et l’animal. C’est, en substance, la vision qu’ont les Languedociens de leurs traditions taurines. Des événements qui font la réputation de la région, avec en vedette, le taureau. Malheureusement, plusieurs accidents mortels ont endeuillé certaines fêtes. En mai, un enfant de 3 ans est mort à Saint- Martin-de-Londres. Du coup, la réglementation se fait plus stricte, remettant en question l’existence même de ces traditions. Mais pour élus, professionnels et aficionados, un seul mot d’ordre : préserver ce patrimoine. Une mission qui exige à la fois d’assurer la sécurité du public, mais également de le responsabiliser. De nombreuses communes s’attellent à la tâche.

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toro1.jpg Abrivados, bandidos, encierros… Autant de mots qui évoquent le chant des cigales, la chaleur de l’été et le plaisir des vacances. Des manifestations qui rythment la vie des villes et villages de notre région. Une tradition au centre des débats depuis quelques semaines.

En effet, outre la dangerosité naturelle de ces événements où se côtoient taureaux sauvages, villageois et touristes, plusieurs obstacles menacent leur pérennité.

Ce sont d’abord les représentants de l’Etat qui ont décidé d’intervenir. Dans une circulaire datée du 20 mai 2009, Claude Baland, préfet de l’Hérault, a imposé une réglementation plus stricte en matière de sécurité.
Ainsi, banderoles, pétards et autres véhicules à moteurs sont désormais interdits sur le parcours des manifestations taurines. A cela vient s’ajouter l’obligation de mettre en place un système de barrière de type « beaucairoise » pour tout spectacle taurin. Des règles concernant avant tout les autorités locales et les professionnels.

Bon nombre d’entre eux, conscients du danger, ont depuis longtemps appliqué des mesures de sécurité similaires.Toro2.jpg « Les professionnels sont prudents, ils savent ce qu’ils risquent. C’est surtout le public qui doit faire preuve d’une vigilance accrue », affirme Laurent Martinez, président du club taurin de Saint- Jean-de-Védas, près de Montpellier. En effet, le risque vient non seulement de la manifestation, mais aussi des participants. Principal élément perturbateur : l’alcoolisation. Un phénomène est particulièrement visé : l’attitude des jeunes face à la boisson. Une réalité concernant aussi bien les manifestations taurines que les fêtes de villages qui les accompagnent.

La préfecture entend mener une politique stricte vis-à-vis de la vente d’alcool aux mineurs en renforçant les contrôles. Un espace de désalcoolisation doit également être mis en place.

La préfecture considère par ailleurs la multiplication des festivités locales comme « un facteur aggravant de la délinquance et de dégradation de la sécurité routière ». Ivresse au volant, drogue, bagarres, et même coups de couteau aux taureaux durant les lâchers, sont autant de débordements qui ternissent l’image de ces événements populaires. Solution proposée : concentrer la fête dans un seul espace éclairé et facile à surveiller. Les communes font parfois appel à des sociétés privés pour renforcer la sécurité.

Elus et professionnels insistent aussi sur la responsabilisation du public. Afin d’éviter les drames et protéger ces instants festifs, aussi importants culturellement, qu’économiquement.

Les bons élèves camarguais

Au pays du taureau, la fête est reine. Et pas question d’entendre parler de fin des traditions. « On est des pur-sang camarguais et les fêtes taurines font partie de notre culture », défend Sabine Gondran, responsable des animations de Saint-Gilles (Gard). « Nous connaissons bien le taureau et ses dangers, explique-t-elle. Nous avons imposé des règles pour encadrer le parcours des manifestations taurines depuis plusieurs années déjà ». Pour elle, c’est le comportement des touristes qui pose problème. « Ils ne connaissent pas les taureaux et ne savent pas comment réagir, ce qui cause parfois des accidents graves ».

Néanmoins, certaines communes camarguaises ont renforcé les mesures de sécurité, à l’instar du Grau-du-Roi. « Il y a eu plusieurs accidents ces dernières années, et ça engendre des restrictions. Nous avons mis en place la même réglementation que dans l’Hérault afin de limiter les risques », précise Frédéric Alcacer, en charge des fêtes taurines graulennes.

A Beaucaire, « la sécurité est un problème pris au sérieux depuis longtemps », insiste Françoise Vidal, adjointe à la culture taurine.
Mise en place de « beaucairoises », conventions imposées aux manades pour assurer la sécurité des participants, campagnes d’information pour sensibiliser le public. La ville n’a pas attendu une circulaire préfectorale pour sécuriser ses fêtes taurines. Une sécurité nécessaire pour préserver le patrimoine culturel de la région, même si elle fait débat. « Ce n’est pas la mort de la tradition comme beaucoup le disent, affirme Frédéric Alcacer. Mais la sécurité sera de plus en plus mise en avant ». C’est la rançon du succès.

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La « Beaucairoise » au coeur des débats


Imposer des barrières dites « beaucairoises », qui protègent le public (voir photo), est-il le meilleur moyen pour assurer la sécurité du public pendant les spectacles taurins ? En tout cas, cette décision préfectorale fait débat.

A Sérignan (Hérault), cette exigence remet en question la présence du taureau au cours de la feria d’été qui se déroule le dernier week-end de juillet. « Nos barrières ne sont pas homologuées, répond Jacques Dupin, le premier adjoint. Notre responsabilité est en jeu. Si nous ne trouvons pas les moyens pour financer le changement de barrières, pas de taureaux ! », continue-t-il.

Yvon Pellet, maire de Saint-Génies-des-Mourgues (Hérault) et fervent défenseur des traditions votives est plus catégorique. « On nous demande l’irréalisable, affirme-t-il. Chez nous, le parcours des fêtes votives fait cinq kilomètres. C’est simplement impossible pour nous de mettre des « beaucairoises » partout, d’autant plus que nous n’avons que trois employés municipaux ».

En connaisseur, Yvon Pellet propose d’autres solutions qui, selon lui, sont plus adaptées aux traditions locales. « Pour plus de sécurité, il faut d’abord limiter le nombre de passage à un. Plus il y a de passages plus les risques se multiplient, défend-t-il. Il faut aussi interdire les attrapaïres ou au moins les contenir pour ne pas qu’ils essayent de faire échapper le taureau ».

Il conclut : « Les règles mises en place par la préfecture sont promulguées par des technocrates. Ils ne sont pas en phase avec nos traditions et c’est ça qui menace notre patrimoine ».

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à propos de l'auteur

Auteur : Guillaume Rizzo

A 5 ans, je voulais devenir vétérinaire comme tout le monde, mais ma curiosité m’a mené vers d’autres sentiers. Aujourd’hui, à 25 ans, mon parcours est un peu spécial. Avec Bac S, j’ai débuté une année en fac de biologie et j’ai très vite compris que ce n’était pas fait pour moi. Je me suis finalement dirigé vers un cursus d’histoire qui m’a beaucoup mieux réussi. Après 5 ans passés dans les rangs de l'Université Paul Valéry à Montpellier, j’ai obtenu une Licence en histoire-géographie et un Master en histoire militaire. C’est durant cette période que l’idée de devenir journaliste a germé. Mon diplôme dans l’escarcelle, j’ai donc rejoint un cursus en science politique à la fac de droit de Montpellier, puis j’ai intégré le Master métiers du journalisme en 2008.