In the land of wonders pour un pays qui a connu la guerre, est-ce vraiment approprié?
Évidemment, cette région du monde est tout, sauf le pays des merveilles. C’est tout le contraire, mais ce n’est pas qu’une terre dévastée.
Le film traite de sujets graves, des conséquences de la guerre mais sans jamais tomber dans le pathos. Comment faites vous?
J’ai voulu éviter tout sentimentalisme. L’émotion n’est pas une composante du jeu de mes acteurs, elle en est une conséquence. Dans la façon de diriger les scènes, je voulais garder un aspect brut, cruel.
Cruel, comme l’est la petite Alica?
Cette petite fille n’est plus une enfant, elle est l’une des pires conséquences de la guerre. Elle est cruelle et en quelque sorte plus âgée que sa propre mère. Elle est capable de regarder la mort en face.
Marija Stjepanovic, qui joue le rôle d’Alica est éblouissante. N’était-il pas trop difficile de faire tourner une enfant dans ce registre là?
En effet, ce que je redoutais le plus, c’est que l’enfant abandonne le tournage au bout d’une semaine. Mais Marija est très intelligente, même si elle m’a détesté tout le long du tournage. Chaque fois que j’essayais de lui expliquer quelque chose, elle regardait en l’air. Comme elle était jalouse des autres acteurs, elle faisait exprès de les déstabiliser pendant leurs scènes. D’ailleurs, dès la seconde répétition, l’acteur principal était effrayé et a refusé de rester seul avec Marija qu’il comparait à « un petit dragon ». Mais elle était parfaite, douée d’un instinct naturel. Lorsqu’elle répétait la scène de la mendicité, elle a d’ailleurs réussi à récolter quelques kunas. Et puis, quand on a tourné dehors pendant vingt six nuits, Marija n’a pas dormi, pas même une sieste.
Justement, vous avez tourné une grande partie du film de nuit. Pourquoi?
L’histoire débute à la campagne et continue dans la ville. Deux univers qui se font violence se rencontrent. Tout comme l’illustre le contraste entre le jour et la nuit omniprésente. Lorsque l’héroïne du film s’échappe et franchit la clôture du jardin, elle pénètre dans un nouveau monde telle Alice au pays des merveilles après la traversée du miroir.
Vous avez réalisé un film de fiction inspiré de la réalité. Quel regard portez vous sur les Balkans d’aujourd’hui?
Les cancers dus à la présence d’uranium appauvri dans les sols sont véritables, un des acteurs vient de Bosnie et a d’ailleurs vu des membres de sa famille contaminés après les bombardements de l’OTAN.
Mais je n’ai pas voulu faire un film politique, je trouve dommage de dépenser l’argent des subventions pour tourner un documentaire sur le sujet. On peut en trouver soi-même en cherchant sur Internet. En tant que metteur en scène, j’aime voir toutes les facettes d’une seule et même chose.
C’est donc un film plein d’espoirs?
On a rangé les armes, mais la guerre a continué dans les Balkans : il reste des mines, de l’uranium dans nos sols par exemple. Vous savez, nos usines, nos moyens de production ont été détournés, tout le monde revendiquait son droit, il a été très difficile de sortir de ce conflit. La pauvreté et la violence en sont les conséquences visibles. D’ailleurs, un des titres possibles de ce film était « Wash Hands ».
Il y a des miracles dans In the land of wonders, vous y croyez dans la réalité?
Si Alica veut en finir avec les contes de fée, elle commence à ressentir des choses comme un vrai être humain pendant son voyage. C’est le vrai miracle du film.
Catégorie(s) :Étiquettes : Cinéma, Cinemed, Dejan Sorak, In the land of wonders, Interview