Westside Gunn – Flygod
Des boucles de piano angoissantes, des bruits de balles toutes les deux mesures, et une voix étonnamment aiguë qui conte des récits de dealer et de flingue dans la bouche. Voici Westside Gunn. Buffalo est une des villes au taux de criminalité les plus hauts des États-Unis, et Flygod en est sa B.O de 2016. Après trois mixtapes à parler textile de dictateur dans Hitler Wears Hermes 1, 2 et 3, Westside Gunn a sorti cette année son premier album. Sur Flygod les rythmes sont lents et l’ambiance pesante comme dans les secondes qui précèdent une embuscade de gang. « Everyday make money and pray ». Le plan de vie est simple, celle-ci sera de toute façon écourtée. Les samples de soul viennent parfois réchauffer l’atmosphère mais sont rapidement interrompus par des comptines macabres. En 1996 Mobb Deep sortait son album classique Hell on Earth et contait l’enfer des rues malfamées du Queen’s. Vingt ans plus tard l’enfer a migré de quelques kilomètres au nord-ouest direction Buffalo. Westside Gunn nous sert Flygod et, pour une fois, le 2 n’est pas l’original en moins bien.
Kaytranada – 99.9%
D’abord repéré sur Soundcloud, voilà quelques années que Kaytranada fait grandement parler de lui dans le R&B et le rap américain. Des collaborations avec The Internet, Kali Uchis ou Freddie Gibbs ; des remixes réussis de Janet Jackson, Disclosure ou Missy Elliott : de quoi nous faire saliver pour le premier album du jeune montréalais. Toutes ces influences se retrouvent dans 99,9%. Cet album est une carte de visite. Rap, r&b, house, voire rythmes brésiliens : le mec est à l’aise partout. Pourquoi choisir quand on sait tout faire ? Les styles sont différents, les invités s’enchaînent mais le tout reste cohérent. Craig David ressuscite sur « Got it Good », la chanteuse Syd tha kid magnifie le morceau « You’re the one » et, conformément au cahier des charges d’un bon album en 2016, Anderson .Paak est invité à exceller sur le single « Glowed Up ». Incontestablement Kaytranada a une touche personnelle. Une musique protéiforme qui s’adapte à toutes les oreilles. Les frontières qui séparent le rap, le r&b et la musique électronique n’ont jamais été aussi fines. Celles qui le séparent d’un album 100% parfait non plus.
Childish Gambino – Awaken, My Love !
Une pochette à la Funkadelic et un album approuvé par George Clinton : avec Awaken, My Love ! Childish Gambino opère un virage funk. Sorti en 2013, son dernier album Because the Internet oscillait entre rap et R&B et était déjà largement salué par la critique. Depuis, celui qui a démarré comme humoriste, a sorti quelques EP et créé l’une des séries les plus drôles de 2016 : Atlanta. Jamais rassasié, il livre début décembre un nouvel album résolument funk. L’essai est réussi. La voix de Childish Gambino y est méconnaissable. Nouvellement papa, Awaken, My Love ! est aussi un disque sur la paternité. Childish s’adresse à son fils et lui prodigue les conseils que ses parents lui donnaient plus jeune. L’album livre même quelques moments de grâce comme sur « Redbone » où Prince semble ressusciter le temps d’un morceau. Une chose est sûre : lorsqu’étaient distribuées les graines de talent parmi les hommes, le tout-puissant eut la main particulièrement lourde une fois venu le tour de Donald Glover.
Chance the Rapper – Coloring Book
Avant la sortie de son album The Life of Pablo, Kanye West promettait le plus grand album de l’histoire de la musique. Un album de gospel rap. A l’heure des bilans de fin d’année lorsqu’il s’agit de retenir un album mélangeant ces deux genres, on est plutôt tenté de parler de la dernière mixtape du rappeur présent sur l’intro du disque : Chance the Rapper. Multi-nominés aux Grammy Awards, le mec à salopette pourrait bien tout rafler cette année. Fini le rap sous-drogue de son précédent projet Acid Rap, Coloring Book est plus mature, plus profond, plus spirituel. La liste des invités est longue comme un repas de noël chez mamie et variée comme la carrière de Childish Gambino. Pourtant l’album reste cohérent. Lil Wayne et 2 Chainz s’invitent sur « No Problem » pour le morceau le plus festif de l’album, Future pose sa voix sur le beat aérien de « Smoke Break », et les rimes de Chance et Jay Electronica répondent à 3 minutes de choeurs de gospel sur « How Great ». Finalement Coloring Book c’est bon comme une boîte de chocolats de noël. Sans celui à la liqueur et sans risque de crise de foie.
A Tribe Called Quest – We got it from here… Thank you 4 your service
18 ans après leur dernier album, 8 mois après le décès de Phife Dawg, l’un des membres fondateurs, le légendaire groupe new-yorkais A Tribe Called Quest revient pour un nouvel et ultime album. Un groupe qui symbolise à lui tout seul la mouvance jazz-rap des années 90 et dont les conflits d’ego avaient eu raison de sa carrière. Réunis en studio juste avant la mort de Phife Dawg, ils livrent un album d’anciens qui ne tombe pas dans les pièges de ces projets de vieux groupe sur le retour. Le groove de Q-Tip est intact et se marie parfaitement avec le flow saccadé de Phife Dawg. La liste des invités est impressionnante, la qualité de l’album l’est tout autant. La recette du groupe est retravaillée à la sauce 2016 au sein d’un album profondément politique. Le rap c’était pas mieux avant. Surtout quand Tribe sort un album.
À lire aussi, la chronique complète de l’album .
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