El Ghalia Djimi, militante sahraouie en territoire occupé

Par le 8 janvier 2009

Invitée par la commission du droit des femmes du Parlement Européen, une délégation de femmes sahraouies a fait escale à Paris, en décembre, afin de sensibiliser les Français à la répression marocaine que subissent encore les sahraouis en mal d’indépendance. Rencontre avec El Ghalia Djimi, vice présidente de l’ASVDH, (Association Sahraouie des Victimes des Violations Graves des Droits Humains), à Laayoune.

Le teint brun, les yeux pétillants, cette femme de 47 ans n’a rien perdu de ses capacités d’indignation, malgré des tentatives d’intimidation radicales. Elle naît en 1961 à Agadir, au Maroc, où elle passe son enfance. Ses parents ayant fuit le pays, elle est élevée par sa grand-mère, Fatimatou, qui lui transmet sa culture sahraouie et son dialecte traditionnel, le Hassania. A cette époque, le Sahara Occidental, au sud du royaume marocain, est encore entre les mains de l’Espagne. C’est en novembre 1975 que tout bascule. Le Maroc envahit le territoire, et pousse les indépendantistes sahraouis à l’exil, dans le sud algérien, après des représailles sanglantes. Du haut de ses 14 ans, El Ghalia observe les évènements ; sa fibre militante s’éveille. Mais c’est la disparition de sa grand-mère, en 1984, qui la propulsera au coeur de la bataille. Elle rejoint sa terre d’origine et intègre alors des mouvements de résistance sahraouis.

Ils lui banderont les yeux trois années durant

En 1987, El Ghalia se joint à un groupe de militants qui s’apprête à dénoncer la répression marocaine auprès d’une commission de l’ONU, à Laayoune. L’arrivée de la commission est repoussée, mais les militants, identifiés. Le 20 novembre, El Ghalia est dans son bureau, à la direction provinciale de l’agriculture, quand des « agents de la sûreté nationale » lui ordonnent de les suivre. « Je leur ai demandé d’attendre, pour aller chercher mon sac à main. Ils m’ont dit que ça ne durerait pas longtemps… » Elle grimpe dans un Land Rover ; ils lui banderont les yeux trois années durant. Elle passera ses années de captivité et de torture dans une geôle secrète au beau milieu du désert. « A mon arrivée, ils m’ont allongée sur un banc pieds et mains liés, et m’ont versée des détergents dans la gorge. Ils m’ont battue… J’ai été victime d’abus sexuels… Ils m’ont électrocutée ». Près de vingt femmes sont entassées dans une pièce. Dans les cellules voisines, des hommes ont également été capturés. Parmi eux : son futur mari, Dafa. Aujourd’hui, tout deux portent encore les stigmates de leur détention. Sous son foulard aux couleurs vives, El Ghalia n’a plus de cheveux à cause des produits chimiques. Elle garde aussi, imprimées sur sa peau, des traces de morsures de chiens. « J’ai été libérée avec quelques camarades, grâce aux pressions internationales… mais finalement, ce que j’ai subi, ce n’est rien comparé à d’autres, enfermés parfois plus de dix ans ». Au sortir de ces trois années d’enfer, elle donne enfin un nom à son combat, c’est celui des droits de l’Homme. Elle ne parle ni d’indépendance, ni d’autonomie, ni de territoire. Elle veut la paix, et la reconnaissance des violences subies par son peuple. Dès 1991, elle épouse Dafa. Depuis, ils vivent auprès de leurs cinq enfants, à Laayoune et s’évertuent encore à dénoncer le sort des prisonniers politiques, à travers l‘ASVDH. « Et je continuerai, insiste El Ghalia, jusqu’à ce que justice soit faite… »

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