Dans sa luxueuse clinique perdue au beau milieu de la campagne, le docteur Krueger a un projet : il veut « donner un peu de décence au suicide ». Chez lui se pressent alors toutes sortes de personnages bizarres et dépressifs, du comédien désabusé au jeune homme qui a « envie de mourir depuis tout petit ». Le bon docteur, humaniste supposé, leur propose un « suicide médical assisté ». Pour couronner le tout, les futurs euthanasiés pourront voir se réaliser une dernière volonté, afin de les accompagner dans ce grand voyage qu’est la mort.
Ainsi le vieux monsieur Nora veut mettre fin à ses jours en culbutant une jeune étudiante, tandis que Mme Rachel, vieille chanteuse lyrique aux cordes vocales détraquées, désire mourir en chantant la Marseillaise. Seulement voilà, une suite d’évènements macabres viendra rappeler à nos prétendants au suicide que la mort est bien souvent brutale. On ne dirait pas comme ça, mais c’est très drôle.
Du sourire coincé au rire sardonique
Dans un noir et blanc au grain très esthétique, le film est ouvert par un Benoît Poelvoorde troublant dans son rôle de célébrité au fond du trou. Mais voilà, le docteur Krueger ne voit aucune raison de lui administrer son suicide. Son présupposé cancer n’existe pas, il est riche et semble populaire. Alors le comédien lui rétorque qu’il n’a « pas les couilles de suicider quelqu’un de connu ». Et l’on commence à se crisper. Un sourire gêné, puis un rire libérateur, presque sardonique. Et l’on ne s’arrête plus.
Les situations surréalistes, les personnages tous plus dérangés les uns que les autres, une histoire qui vire à l’accès de folie générale jusqu’au massacre burlesque orchestré par les chasseurs du patelin d’à côté, tout concourt à faire du film une véritable comédie morbide.
Si le suicide n’a rien d’amusant en soi, le réalisateur Olias Barco a su l’aborder de façon loufoque, réussissant à donner à ses personnages un aspect furieusement comique. À l’aide de dialogues ciselés, la clinique devient le théâtre d’absurdités sans nom. Pour notre plus grand plaisir évidemment.
L’héritage de l’humoir noir made in Belgium
Difficile alors de ne pas faire le rapprochement avec C’est arrivé près de chez vous, film culte montrant le quotidien banal d’un serial killer, zigouilleur incontrôlable au cynisme débordant, campé par Benoit Poelvoorde. Long métrage dans lequel figurait Vincent Tavier, aujourd’hui producteur de… Kill Me Please. Spécialiste des grands films à petit budget (Calvaire, Altraa), ce dernier a créé La Parti Production, société qui œuvre pour un autre cinéma, hors des sentiers battus du divertissement grand public.
Si le rire provoqué par Kill Me Please peut être gênant, tant la réalisation se rapproche du documentaire, le film est bien une farce jubilatoire où l’on se fout de la gueule de la mort. Et puis comme on ne le cite jamais assez, clamons avec Pierre Desproges : « Au reste, est-ce qu’elle se gêne, elle, la mort, pour se rire de nous ? Est-ce qu’elle ne pratique pas l’humour noir, elle, la mort ? »
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