Jour de la désignation du prix Fémina, et à la librairie Sauramps en ce lundi matin, quelques badauds se promènent autour des rayons garnis. « C’est une bonne rentrée littéraire avec plus de 700 nouveaux ouvrages dont 450 français » explique Sandrine, responsable du secteur littérature générale qui lit en moyenne une centaine d’ouvrages durant cette période. « La clientèle reste parfois trop portée sur l’image médiatique de quelques auteurs incontournables », déplorent cependant les libraires, parfois frustrés du manque de curiosité des lecteurs.
En avant, le Nobel
Ces derniers qui pourtant franchissent l’entrée de la librairie, s’agglutinent autour des ouvrages de Jean-Marie Gustave Le Clézio. En témoigne, ce couple d’Allemands qui venu acheter un de ses romans connaissait au préalable l’attribution du Nobel à l’écrivain français. « Il y a un petit côté cocorico, on ne pouvait ne pas le mettre en première ligne du magasin », ajoute Yann, employé. De même, au lendemain de notre première visite, le Fémina attribué, une vieille dame se rue sur l’ouvrage de Jean-Paul Fournier, Où on va papa ?. En compagne de son amie qui en a apprécié la lecture, elle reprend les commentaires médiatiques entendus çà et là sur cet ouvrage: « C’est l’histoire d’un père qui élève ses deux enfants handicapés, le narrateur raconte avec beaucoup d’humour malgré le tragique de la situation».
Si les prix semblent effectivement attirer les foules, ils ne font cependant pas tout à en croire les lecteurs. Nombre d’entre eux se refuse à réduire leur choix aux seules récompenses et à la rentrée littéraire. Mirène, s’insurgeant même : « Je connaissais le Clézio au préalable, je viens de terminer Ritournelles de la faim mais je l’ai acheté avant qu’il soit nobelisé ». Pourtant elle est venue chercher Sextus Politicus, ouvrage humoristique sur les hommes politiques avouant : « J’ai entendu plusieurs critiques positives à la radio ». Drôle de paradoxe qui se retrouve chez de nombreuses personnes interrogées. Rares sont celles qui ne s’arrêtent pas à l’entrée du magasin face aux nouveautés de cette rentrée. Il n’y aurait donc pas d’achat anodin.
Une envie de découverte
Un médecin habitué de Sauramps se pose néanmoins en porte à faux avec cette attitude: « Je refuse le principe du marketing autour du livre mais il y a des découvertes intéressantes. La rentrée littéraire n’est finalement qu’un prétexte. Bien sûr, il y a de très bons romans mais aussi des très mauvais, souvent d’ailleurs les deuxièmes romans ». « Nous, on essaie d’avoir nos propres codes concernant l’achat de nos ouvrages : l’accroche du titre, la qualité du papier, et touche d’originalité, lire la vingt-cinquième page». Leur coup de cœur respectif : Dans les veines en fleuve d’argent de Dario Franceschini ». « Un récit qui se déroule le long du Pô, c’est un vrai bonbon dont on ne se lasse pas ». Une déception ? Jason Meek avec Nous commençons notre descente. « Ce livre ne m’apporte rien personnellement » conclut-il.
Plus que la couverture médiatique, le bouche à oreille fait encore son effet. Autre habitué de la librairie, un étudiant dont la pile de poches trahit son engouement pour la lecture explique ainsi : « Je suis plutôt indifférent à l’actualité littéraire et préfère suivre les recommandations de mes proches ».
Dans ce contexte, le public suit-il encore les préceptes des libraires ? Sandrine, notre employée revient à la charge : « Nous, on a conseillé le premier livre d’un auteur montpelliérain Jean-Baptiste Del Amo avec Une éducation libertine ainsi que Syngaré Sahour d’Ahiq Ratimi, un écrivain afghan (d’ailleurs Gisèle achètera ce livre « J’ai lu un article sur ce dernier. Précédemment, j’ai acquis Terres et cendres du même auteur) ou encore Là où les singes sont chez eux de Jean-Marie Blas de Roblès (qui à l’heure où s’écrivent ces lignes a obtenu le Prix Médicis)».
Ces orientations semblent avoir porté leurs fruits au vu du nombre de ventes mais encore faut-il se rendre régulièrement en librairie. Un couple de quadragénaires, Marc et Emmanuelle, explique : « Nous ne sommes pas rentrés dans une librairie depuis deux ans, ce jour-ci, c’est l’exception ». Leurs préférences se tourneront vers L’art de la méditation de Matthieu Ricard, moine bouddhiste venu à Lodève cet été au côté du Dalaï Lama vu à « Thé ou Café » quelques jours auparavant. Souvent décriée la floraison de commentaires autour de la rentrée littéraire a aussi du bon.
« Force est de constater que la lecture-loisirs se porte bien avec des secteurs forts : la Bande Dessinée, la Science Fiction et la littérature générale sont en plein essor, la diversité de l’offre en nombre et en genre, garantissant un public large. » entérine Yann, le libraire. Prochain grand rendez-vous de l’année, Noël et une première inquiétude, la crise aura-t-elle un impact sur les traditionnels achats en cette période ?
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