Charles Dantzig : « Les lecteurs sont minoritaires »

Par le 23 novembre 2010

Charles Dantzig, écrivain aux multiples casquettes est l’auteur d’un nouvel essai : « Pourquoi lire? ». Rencontre avec un amoureux de la littérature et de la lecture.

Comment vous est venu l’idée de ce septième essai « Pourquoi lire? », consacré à la lecture?

Charles Dantzig : « Parce que j’aime beaucoup ça! Il y a quelques années j’ai écrit un livre : le « Dictionnaire égoïste de la littérature française ». Ayant écrit sur la littérature, j’ai voulu réfléchir sur ses conséquences. Évidemment, la première c’est la lecture. De plus, il y a peu de livres sur le sujet, contrairement à ce que l’on pourrait penser. Ce qui est étonnant, c’est que la bibliographie est très récente. On a commencé de façon très étrange à s’intéresser à la lecture dans les années 1960. Il est très curieux que l’on ait vraiment réfléchi sur cet acte, que l’on commet depuis longtemps, que depuis très peu de temps.»

Pour qui avez vous écrit ce livre?

« Pour personne. Tous mes livres sont comme cela, ce qui ne veut pas dire qu’ils soient réussis d’ailleurs. Les livres que l’on écrit pour quelqu’un sont moins bien.»

Qu’est ce qui explique qu’une majorité de gens ne lise pas ?

« Parce que la grande majorité des gens a des passions basses,vulgaires et inintéressantes! C’est aussi simple que cela. Ils préfèrent s’intéresser à des choses qui ne sont pas les choses de l’esprit. Il y a un discours sur la lecture aujourd’hui qui scande que c’est sympa de lire, tout le monde aime les écrivains. Ce n’est pas vrai. Il suffit de voir ce qu’est un bestseller. Mon livre marche bien, mais à la fin quand il y aura eu 50000 ou 100000 personnes qui l’auront acheté, il restera 63900000 français qui ne l’auront pas lu. Je le regrette beaucoup pour mes droits d’auteur, mais ça veut surtout dire que les lecteurs sont minoritaires. »

Vous même vous lisez beaucoup?

« C’est difficile à dire. Je lis tout le temps. A une époque je lisais même en conduisant… j’ai arrêté de conduire. Pour parodier un slogan de l’époque : « lire ou conduire, il faut choisir » et pour moi évidemment c’était lire. Je suis très angoissé quand je n’ai pas de livre. J’en ai six, ou sept en cours à la fois. »

Vous l’évoquez dans l’un des derniers chapitres : le livre numérique, qu’en pensez vous?

« C’est une chose qui pour l’instant n’a pas beaucoup d’importance. D’abord en quantité. On a vendu 30000 exemplaires de « Pourquoi lire? », pour le moment et 25 versions Ipad. C’est aussi vrai pour d’autres livres. Ça donne une idée des proportions.
Et puis, il y a comme toujours chez Apple une espèce de truc à la fois maladroit, stupide et scandaleux : des censures. Par exemple certains titres qui comportent des gros mots sont expurgés par Apple. Steve Jobs est un des grands ennemi de la liberté de la pensée depuis quelques mois. Notamment lorsqu’il tente de faire interdire certaines applications Iphone.
Je pense que si demain le livre papier disparaissait, la littérature existerait encore. Si elle dépend de son support, la littérature est une pauvre chose. D’ailleurs le livre tel que nous le connaissons maintenant n’a pas toujours existé de cette façon là. Dans la Rome ou la Grèce antique ils étaient diffusés sous forme de rouleau.
Mais il y a un grand avantage à l’Ipad : ça permettra de conserver plus d’ouvrages. »

Une grande absente du livre : la presse. Pourquoi la lire?

« J’ai écrit pour cela deux pages dans le Point il y a quelques semaines. C’est une lecture différente, mais j’aime beaucoup la presse. Pour l’instant, il y a une chose bizarre qui se passe avec la presse écrite. Les marchands de journaux disparaissent. Les gens lisent de moins en moins de journaux. C’est une lecture très utile et plaisante. J’aime bien le papier, son odeur, l’encre que ça laisse sur les doigts. J’aime bien déchirer une page du magazine en me disant que ça pourra m’être utile pour un roman par exemple. Et puis il y a le côté brouillon de la presse qui est très sympathique. Un journal ça se roule, c’est plus familier qu’un livre qu’on ne peut pas maltraiter autant. C’est indispensable de lire la presse.»

Propos recueillis par Claire Peyrard

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à propos de l'auteur

Auteur : Claire Peyrard

Un master 2 de droit public en poche, la logique voulait que je m’oriente vers une carrière administrative. Mais l’envie d’exercer un métier qui me passionne a été plus forte. Les journalistes sont tous des vendus, cette profession est bouchée… Les journalistes n’ont pas toujours bonne presse. Pourtant mes expériences dans une radio locale à Saint-Étienne et comme pigiste dans un quotidien régional m’ont convaincue que c’était le métier que je voulais exercer. Je veux essayer de partager ma passion pour l’actualité, rencontrer des personnes d’horizons divers qui parlent de leur quotidien, de leur profession, de leur passion. Le sport est un domaine qui plait plus particulièrement. Originaire de Saint-Etienne, j’ai usé mes fonds de culottes au stade Geoffroy Guichard pour encourager les Verts. Je m’intéresse aussi à la vie politique française et au cinéma.