« Montpellier Sud de France », une promesse d’excellence

A Montpellier, le feuilleton universitaire de ces derniers mois touche à sa fin. L’Opération Campus est en marche et les présidents des trois universités ont enfin trouvé un accord. Le 7 janvier 2011 ils ont déposé au Ministère de l’Enseignement Supérieur, leur dossier commun de « Campus d’excellence », sous le label « Montpellier sud de France ». Bien que celui-ci ne respecte pas toutes les conditions prévues…

Ce projet a déchaîné de nombreuses passions dans les corps enseignants et administratifs : plusieurs assemblées générales ont été organisées, des pétitions web signées… Anne Fraïsse, présidente de Montpellier 3, avait même claqué la porte mi-novembre au projet d’idEx, plus connu sous le nom de Grand emprunt. La raison ? Le sentiment que les intérêts de l’université des Lettres n’étaient pas pris en compte, voire menacés. La présidence considérait que le projet était essentiellement axé sur la partie scientifique, au détriment des sciences humaines et sociales.

En 2007, la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (dite loi L.R.U. ou loi Pécresse) visait à revaloriser certaines universités françaises. Suite à cette loi, l’État avait lancé un an plus tard un appel à candidatures dans le cadre de l’Opération Campus, avec pour objectif de faire émerger en France douze pôles universitaires d’excellence de niveau international, grâce à des dotations exceptionnelles. Cette opération est un projet d’urbanisme, visant à réhabiliter certains sites universitaires et en construire de nouveaux. Un projet financé par le placement en bourse du produit de la vente des 3 % des actions d’EDF et grâce aux apports financiers de la Région (162,5 millions d’euros), de la Ville de Montpellier (58 millions d’euros) et de l’Agglomération (5,5 millions d’euros).

Une fusion déjà avortée en 2008

« À travers le Plan Campus et l’initiative d’excellence, l’État cherche avant tout à créer une gouvernance unique de site » affirme le Recteur de l’académie de Montpellier, Christian Philip. Celui-ci déplore la complexité actuelle liée à l’existence de trois universités pour la seule ville de Montpellier. Selon lui, cela entraine des lourdeurs administratives et une perte de compétitivité dans les classements internationaux puisque seule l’Université Montpellier 2 est représentée au classement académique des universités mondiales (classement de Shanghaï).

La fusion des trois universités de la ville était donc une modalité largement souhaitée par le gouvernement. Pourtant, le 10 janvier 2011, quelques jours après le dépôt du dossier d’idEx, la Présidente du PRES, Dominique Deville de Perière a déclaré que celle-ci avait été abandonnée. Déjà en 2008, au moment de l’Opération Campus, la fusion, trop contraignante, avait été avortée.

Inquiet du mauvais avancement du projet, Christian Bourquin, le Président de Région, avait menacé de couper les aides financières. In extremis, les présidents ont déposé le dossier idEx baptisé « l’Homme dans un environnement en mutation », regroupant trente quatre projets. En tout, dix-sept candidatures ont été adressées au niveau national. Les premières initiatives d’excellence seront sélectionnées à l’été 2011.

Les présidents d’université ont eu du mal à s’entendre concernant la gouvernance qui va porter ce dossier. Il a finalement été décidé de constituer deux entités qui s’appuieront sur un conseil commun appelé « Sénat académique ». La première structure sera un PRES dont les statuts seront modifiés, qui gèrera les actions de mutualisation et de coopération. La seconde, une Fondation de Coopération Scientifique, dont le rôle sera essentiellement de répartir les financements.

C’est donc la piste fédérale qui a été privilégiée, laissant aux universités une main mise sur les formations et sur les emplois.

Anne Fraïsse : « Je ne voulais pas signer un chèque en blanc »

Mi-novembre 2010, Anne Fraïsse, présidente de l’UM3, a annoncé qu’elle se retirait du projet d’initiative d’excellence (idEx). Deux mois plus tard, l’UM3 a finalement signé le dossier remis au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Haut Courant : Pour quelles raisons vous êtes-vous retirée du projet d’idEx mi novembre ?

Anne Fraise : Pour trois raisons. Tout d’abord, le manque de représentation des Sciences Humaines et Sociales (SHS) dans le projet scientifique. Ensuite, la répartition de l’argent demandée aux universités. Car avec le projet idEx, l’État donne de l’argent aux universités mais il leur en est aussi demandé. Au départ, c’est une répartition financière à égalité qui avait été retenue alors que le budget des trois universités est différent. Enfin du point de vue de la gouvernance, je ne voulais pas comme pour le plan campus signer un chèque en blanc, ne pas savoir à quoi on s’engageait. J’avais besoin de clarté.

Un accord a finalement été trouvé. Considérez-vous que vos souhaits aient été respectés ?

Les lettres et science humaines ont finalement été intégrées dans le projet scientifique. De façon discutable, mais un pas a été fait. Concernant l’argent, les universités s’engageront finalement de manière proportionnelle en fonction de leur participation aux Laboratoires d’Excellences (LabEx). Enfin, un compromis a été trouvé sur la gouvernance entre ce que proposait l’UM1 et ce que souhaitait l’UM2. C’est une bonne solution qui correspond à la structure du site de Montpellier.

La fusion des universités montpelliéraines est finalement abandonnée. Quelle est votre position sur cette question ?

La fusion était voulue par le gouvernement. Mais elle était difficile à mettre en place. D’autant que ce projet est apparu alors que deux présidents venaient de débuter leurs mandats. Lorsque j’ai été élue, ce n’était pas un de mes objectifs, contrairement au président de l’UM1, M. Augé. Elle doit être mûrement réfléchie. L’UM2 et l’UM1 n’étant pas d’accord sur la forme que devait prendre la fusion, il est vite apparu qu’elle ne se ferait pas. Les premiers voulaient constituer un grand établissement, les seconds une université type LRU. Personnellement je n’y étais pas opposée. L’UM3 aurait signé la fusion mais la décision qui a été prise me convient.

Pensez-vous que sans la fusion, Montpellier puisse avoir une véritable visibilité à l’international ?

Montpellier peut avoir une vraie visibilité à l’international sans la fusion, comme tous les sites qui ont choisi les PRES ou les universités fédératives. L’idEx est un beau projet. Il permet de franchir une étape importante avec la signature unique sous le label « Université Montpellier Sud de France ». Avec cela et tous les diplômes regroupés sous cette même formulation, il sera difficile de faire plus lisible !

Que pensez-vous de la possible éviction de Mme Deville de Périère, actuelle présidente du Pôle de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES) ?

Mme Deville de Périère avait été élue à la tête du PRES pour deux ans non renouvelable. Elle quittera donc ce poste fin 2011. Concernant l’idEx, la gouvernance retenue est la création d’un Sénat académique regroupant deux entités au périmètre différent. D’une part, une fondation qui gérera les crédits idEx. Des élections auront lieu pour désigner la personne qui sera à sa tête. D’autre part, un PRES avec de nouveaux statuts. Il se chargera des mutualisations entre universités ainsi que de l’opération campus. La présidence du PRES sera tournante, les trois présidents d’université le dirigeront à tour de rôle.

A Montpellier, les blocages n’empêcheront pas les exams

Après huit semaine de grève dont trois de blocage, les universités montpelliéraines ont dû revoir leur calendrier. A peine un mois avant les premières échéances, les facs s’organisent pour ne pas être pénalisées.

D’une année sur l’autre, les blocages d’universités se répètent et une question se pose : la fac va-t-elle délivrer des diplômes au rabais? Une inquiétude pour de nombreux étudiants craignant d’être pénalisés sur le marché du travail. C’est d’ailleurs une des raisons évoquée pour expliquer la perte de près de 6 000 étudiants à Paul-Valéry (Montpellier III) en à peine six ans.

blocage.jpgAnne Fraïsse, la présidente de cette université, est consciente de ces craintes. «D’un point de vue extérieur, il est normal de penser que les blocages affectent la qualité des enseignements et donc des diplômes», admet-elle, «mais c’est plus une image qu’une réalité. La réputation de Paul-Valery est injustifiée par rapport à ses résultats.» Selon elle, «les inscriptions ont chuté ces dernières années, néanmoins cela concerne surtout les licences. Les Masters proposés à Paul-Valéry attirent, eux, de plus en plus d’étudiants.»

Anne Fraïsse reste optimiste : «Cette année, Montpellier III n’est pas dans une situation trop dramatique. Nous sommes bloqués depuis deux semaines, mais il y a déjà eu sept semaines de cours au 2ème semestre.»

Alors que Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur, a demandé l’organisation de cours de rattrapage dans les universités bloquées, Montpellier III a décidé de reculer le calendrier des cours et des examens dès la fin du blocage.

«Tous les cours seront assurés et les examens se dérouleront normalement», promet la présidente.

Même son de cloche à Montpellier II. Sa présidente, Danièle Hérin, assure que les examens se passeront dans des conditions relativement normales. «L’IUT de Montpellier a déjà organisé des cours de rattrapage le samedi matin pour ne pas pénaliser ses étudiants. En ce qui concerne la fac de science, 75 % des cours ont été assurés», précise-t-elle. «Les cours ratés seront rattrapés et les examens décalés probablement entre mai et juin», ajoute-t-elle.

Cette décision risque tout de même de pénaliser un certain nombre d’étudiants. En particulier ceux qui effectuent des stages pour valider leur année, les étudiants étrangers attendant la fin des examens pour rentrer chez eux, ou encore ceux qui cherchent un job d’été dès la fin des cours.

Certains n’ont pas attendu le déblocage pour se mettre à jour. Emilie, étudiante en Master, a pris les devants : «J’ai un mémoire à préparer, je ne peux pas me permettre de perdre du temps. J’ai réussi à récupérer les cours d’anciens étudiants.» C’est déjà ça !