Le port de la burqa fait débat aujourd’hui dans notre société. Le ministre de l’Immigration vient de relancer la discussion en voulant légiférer sur cette question. Le député communiste André Gérin a été alarmé par cela et a prôné la création d’une commission d’enquête parlementaire sur le port de la burqa ou du niqab. Il avait d’ailleurs refusé à Lyon de marier un couple dont la femme portait une burqa.
Selon lui, « on est dans un pays républicain, laïc et on voit des fantômes ». Libération, dans son édition du 17 juin 2009, titre à ce sujet: «La burqa, une «prison ambulante ». Devant le Congrès réuni à Versailles, le président Nicolas Sarkozy a donné son point de vue et a réaffirmé que la laïcité ne signifiait pas le «rejet du sentiment religieux» et a précisé que «la burqa n’est pas un problème religieux» mais «un problème de liberté, de dignité de la femme». «Ce n’est pas un signe religieux mais un signe d’asservissement, d’abaissement» (…) «Elle ne sera pas la bienvenue sur le territoire de la République française». Il a même félicité le Parlement d’avoir pris en main le problème. Ceci contredit ses propos lors de la visite de Barack Obama, président des États-Unis, le 6 juin dernier. Il a effectivement soutenu le port du voile comme Obama, oubliant que le foulard était interdit à l’école. Face à la polémique que ses déclarations avaient suscitées, l’entourage de Sarkozy avait immédiatement réajusté le tir en disant que : «le président Sarkozy est évidemment contre le port du voile à l’école». Obama a, quant à lui, défendu dans un discours au Caire le port du voile pour les Musulmanes en Occident, prenant le contre-pied de la France et d’autres pays européens. Pour lui, «il est important pour les pays occidentaux d’éviter de gêner les citoyens musulmans de pratiquer leur religion comme ils le souhaitent, et par exemple en dictant les vêtements qu’une femme doit porter».
Suite à cette mission parlementaire créée le 1er juillet, une note de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) citée par Le Monde et datée du 30 juillet, signale que seulement 367 femmes sur l’ensemble du territoire français auraient adopté le voile intégral. Selon Le Figaro de septembre 2009, «les policiers se sont livrés à une estimation sur la base des lieux de culte salafiste*. Le chiffre de moins de 2 000 femmes paraît crédible» Ce phénomène resterait donc marginal en France. Et, toujours d’après ce journal, une très grande majorité de ces femmes est âgée de moins de 30 ans. Pour un quart d’entre elles, il s’agit de françaises converties à l’islam. De plus, « le port du voile intégral s’apparente à une volonté de provoquer la société, voire sa famille », avance le SDIG.
De notre côté, nous nous sommes rendus dans les quartiers de la Paillade, du Petit Bard, au marché aux puces de dimanche, à Gambetta, dans des mosquées pour recueillir des témoignages et donner la parole aux habitants de Montpellier concernés par ce sujet. Nous avons interrogé des hommes et des femmes de 20 à 40 ans, certaines femmes voilées, d’autres mettant la burqa. Nos questions tournaient autour de la recommandation sur la manière dont une femme doit s’habiller selon l’Islam, si le fait de mettre une burqa était une obligation religieuse ou bien une interprétation culturelle. Certains pensent que les femmes qui mettent la burqa sont des femmes soumises, forcées par leur mari. D’autres, soutiennent que la burqa est un refuge pour elles et que c’est le seul moyen qu’elles ont pour qu’on leur accordent plus de respect dans les quartiers. Chaque personne interrogée a donné son point de vue sur la question : « L’islam nous dit de mettre une tenue descente, qui n’est pas transparente et qui n’attire pas l’attention des hommes », affirme une première femme. « L’Islam recommande aux femmes de couvrir leur corps pour des questions de pudeur, et pour que celles-ci évitent de montrer des parties sensibles ». ajoute une seconde. « La tenue ne doit pas être transparente, ni courte, ni serrée car elle doit cacher les formes comme il est dit dans le Coran» termine une troisième. L’un d’eux signale que cette pratique existait durant la colonisation : « en Algérie, les voiles des femmes ne choquaient pas alors ». Pour lui, il y a d’autres choses plus choquantes que la burqa tels que le « mariage homosexuel ou l’exhibitionnisme dans les publicités où les femmes sont dénudées pour vendre des yaourts ». Certains pensent que : « la burqa est une interprétation culturelle pour la seule et simple raison que les femmes musulmanes ne se couvrent pas de la même façon si on fait le tour des pays musulmans. » On peut donc dire, comme deux personnes qui fréquentent la mosquée de la Païllade nous l’on dit, qu’il y a deux écoles qui se confrontent. D’une part, des savants qui affirment que le port de la burqa est obligatoire. D’autre part, d’autres jugent que ce n’est pas nécessaire. Ce que l’on peut retenir c’est que les avis divergent : si certaines la portent c’est avant tout pour se préserver des regards des autres notamment des hommes, pour éviter le jugement des autres ou pour se sentir plus respectées, d’autres souhaitent simplement l’accomplir par conviction religieuse. Malgré cela, l’une d’elle a affirmé qu’elle souhaite se cacher pour avoir la paix mais certains l’agressent et l’appellent même « ninja ».
Les habitants des quartiers nord ont été également interrogés sur la légitimité des politiques à intervenir ou non sur la manière dont un citoyen doit s’habiller et si pour eux la burqa est une menace pour la République. Pour les personnes questionnées, « une loi ne devrait pas être un prétexte pour s’attaquer aux libertés des personnes ; ce qui est un besoin réel c’est la pédagogie, c’est le dialogue. » Ils soutiennent que les politiques ne doivent pas intervenir dans la manière de s’habiller des citoyens. Un autre affirme : « on dirait un état communiste où c’est l’uniformisation qui règne ». « Les politiques, nous disent-ils, mettent toujours leur grain de sel mais il ne faut pas heurter la sensibilité des personnes ». Sur l’idée que certaines personnes pensent que les femmes qui mettent la burqa sont des femmes soumises, forcées par leur mari, les avis divergent. Ils nous disent que cela est peut-être possible. Mais si c’est le cas cela relève d’un problème d’éducation, de vie sociale qui dépasserait largement le cadre de la burqa. D’autres pensent que ce n’est pas possible car c’est un choix religieux avant tout, on doit le faire pour Dieu et qu’il n’y a pas de contraintes en religion. Une des femmes interrogées qui a la quarantaine va plus loin. Pour elle : « c’est impensable, la femme est la plus forte et on doit lire l’histoire des femmes du compagnon du prophète qui étaient de grandes commerçantes, des savantes au contraire pour comprendre cela». Pour eux, il faut donc éviter de simplifier les choses. «On peut noter toutefois qu’à travers l’histoire des individus ou des groupes de personnes, certains, ont voulu se démarquer de la norme sociale par leurs comportements, par les croyances… Enfin, j’ose penser ou croire que la Religion dans son essence et dans sa globalité vise le bonheur de l’homme ». Si l’on crée une loi, certains voudront au contraire d’avantage revendiquer leur appartenance à leur religion et revendiquer leur droit en provoquant la société. Et, on voit qu’il y a bien une appréciation différente de l’utilisation de la burqa et des raisons qui justifient son choix. On note un malaise et une mal-compréhension au sein de ses populations de la part des politiques et d’une partie de la population. L’état parle en ce moment d’un débat sur l’identité nationale. Cependant, la République n’aurait-elle pas plus besoin d’un dialogue pour réconcilier les différentes couches de la population diverse et variée, qui ne pourrait pas pour l’instant se souder autour de cette question, tant qu’un malaise existe et perdure ?
Ibra Khady Ndiaye
Vifs remerciements à ces personnes qui ont bien voulu répondre à nos questions.