Transferts, Ça se durcit encore entre clubs et joueurs

La mode est partie du football, sport précurseur en matière d’escalades : quand un joueur souhaite quitter un club, il durcit le ton, exerce un chantage qui contrebalance une drôle d’exception sportive: celle qui le prive d’une véritable liberté de circulation.

En cette période de transferts, le problème est d’actualité. Il gagne même un sport comme le volley-ball où l’international Antonin Rouzier a claqué la porte du Montpellier Volley Université Club, sans demander la moindre autorisation. Etat des lieux et des règles en vigueur.

Au football, tous les coups sont permis

Depuis quelques années, le bras de fer à l’inter saison est devenu le sport favori des « footeux » dès lors qu’ils ne gambadent pas derrière un ballon.
Et les exemples ne manquent pas… Essien, Abidal à Lyon, Ribéry à Marseille ou plus récemment encore Kone à Nice et Briand à Rennes. A chaque fois, la méthode est simple comme une prolongation de contrat généralement signée… trois semaines auparavant. Pour obtenir un bon de sortie, le joueur refuse de s’entraîner, convoque la presse et, poussé par un agent alléché par la commission mise en jeu, fustige ses dirigeants en les accusant de vouloir freiner sa belle ascension.Pape Diouf, président de l'OM a du batailler dur pour obtenir Kone et Ben Arfa
Heureusement, le chantage ne marche pas à tous les coups. En 2006, malgré sa « brillante » intervention au journal de 20 heures, Franck Ribéry n’avait pas fait plier le président de l’OM, Pape Diouf, et s’était ensuite rangé à la décision de son club. Hier, c’est le président de Rennes, Frédéric de Saint-Sernin, qui a cloué le bec et la porte à double tour à Jimmy Briand, son attaquant, attiré par le PSG.
Les solutions existent-elles ? A l’évidence oui. Elles consisteraient à contraindre les joueurs à ne signer que des contrats de deux ans, avec obligation de les honorer. La mesure s’étendrait aux clubs, évidemment…

En rugby, un « gentleman’s agreement » qui préserve

Les rugbymen ne font jamais les choses comme les autres. Malgré les dérives financières, il reste la « famille »de l’Ovalie. Où l’on lave le linge sale. En dehors de quelques jours de tension on se souvient des cas Nyanga lorsqu’il quitta Béziers et Ouedraogo, un moment tenté par l’Usap la saison passée, les crispations s’enveniment rarement au moment des mutations. « Lorsqu’un joueur veut partir pour des raisons valables, eh bien le club doit faire contre mauvaise fortune bon cœur et lui offrir son bon de sortie. C’est un « gentleman’s agreement » explique Didier Nourault, manager général de Montpellier. Après, il y a le cas du joueur qui veut partir mais que le club veut à tout prix retenir parce que c’est une pièce essentielle. Comme il n’y a pas de rachat d’années de contrat en rugby, le club est décideur. »A l’exception des internationaux, qu’il est difficile de retenir contre leur gré, tout se règle au cas par cas. Et souvent en bonne intelligence. « Au rugby, il y a des échanges fréquents entre présidents et entraîneurs. Le joueur est choisi par le coach qui le connaît bien. Il y a de la reconnaissance. Ça évite les surprises et ça réduit les frictions. Le risque, aujourd’hui, peut venir des dérives financières » observe l’Audois Jean-François Beltran, ex-entraîneur de Narbonne, Perpignan, Castres et Bayonne. Et puis, en Ovalie, la durée moyenne des contrats est de 2 à 3 ans et on n’a pas à racheter les années signées. «La Ligue nationale est par ailleurs suffisamment responsable pour mettre des garde-fous à ces dérives », ajoute Didier Nourault. La « famille », on vous dit…

Une première inquiétante dans le volley-ball

Le Montpellier Volley Université Club se serait bien passé de cette affaire. Arrivé l’an dernier, le « pointu » international Antonin Rouzier, a tenté d’imiter ses collègues footeux. Sans préavis, il a donné sa lettre de démission au club alors qu’il devait encore un an de contrat. Une situation « surréaliste » pour le club qui avait même envisagé une prolongation de contrat. Arnaud Josserand, entraîneur du MVUC, n’en revient toujours pas : « On a appris par des bruits de couloir qu’Antonin avait pris contact avec un agent pour casser son contrat et partir en Belgique (à Roeselare). S’en est suivie une valse entre les avocats.»Le problème se trouve désormais entre les mains de la justice pour un litige en droit des contrats. De son côté, le club demande des indemnités de transfert en raison du préjudice subi. L’international, qui n’a pas souhaité s’exprimer, ne pourra donc pas jouer à l’étranger tant que Montpellier n’aura pas signé son « billet de sortie ».Antonin Rouzier ne jouera plus pour le Montpellier Volley

« La réunion de conciliation qui a eu lieu le 6 juillet à la Ligue n’a rien donné. Dans la foulée, le joueur a déclaré ne plus faire parti du MVUC. Aujourd’hui, la situation est bloquée » déclare l’entraîneur montpelliérain, qui craint une montée brutale du professionnalisme dans son sport. « Avant il suffisait d’une poignée de main pour respecter un contrat. Aujourd’hui il y a toujours un avocat qui sort une clause, un joueur qui pète un plomb, les agents qui se mettent par-dessus, ça devient n’importe quoi

La mauvaise éducation

Bagarres générales, contrôles anti-dopages positifs, critiques de l’arbitrage. Rien ne va plus. Ou rien ne semble plus aller en Pro D2 et dans le rugby français en général.

Le 11 avril, la commission de discipline de la Ligue a frappé fort : neuf joueurs, impliqués dans les pugilats des rencontres Agen-Mont-de-Marsan et Pau-Toulon fin mars, ont été sanctionnés de 20 à 60 jours de suspension. La Ligue a également rendu son verdict concernant les clubs : 10 000 € d’amende pour chacun des fautifs.
Fait ponctuel, problèmes d’arbitrages ou généralisation d’une certaine violence dans le rugby ?

Le rugby est-il devenu plus violent ?

« Ce sont les bagarres les plus incroyables, les plus grosses que je n’ai jamais vues » confiait récemment, le talonneur All Black de Toulon Anton Oliver dans les colonnes de L’Equipe. A l’écouter, la Pro D2 serait presque une boucherie, un championnat où l’on pratiquerait « une façon très négative de jouer au rugby ».
Pour autant, le XV ne deviendrait pas plus violent qu’il ne l’était. Jean-Christophe Gastou, arbitre international qui a officié lors du dernier derby basque de Top 14, explique que « dans toutes les saisons il y a un ou deux week-ends chauds. Mais il n’y a pas de quoi s’affoler. La pression de la fin de saison qui approche fait inévitablement monter l’adrénaline ». Car le Top 14 est lui aussi touché par ces « incidents ». Lors de la rencontre Stade Français-Montpellier du 5 janvier, une « distribution de marrons chauds » a entraîné la suspension des talonneurs des deux clubs.
x4xbui&v3=1&related=1
Pour Didier Nourault , directeur sportif du MHRC, le rugby d’il y a vingt était encore plus acharné. « C’était l’âge de pierre ». Jean-Christophe Gastou ne le contredit pas. « C’est un sport beaucoup plus propre qu’avant et le professionnalisme y est pour beaucoup. »
Même si le manager montpelliérain approuve l’exemplarité des sanctions prises par la commission de discipline, il regrette que certains gestes tout aussi graves n’aient pas été punis plus tôt. L’image du rugby est en jeu.

« J’ai peur que le rugby ne se footballise »

« C’est un sport de combat. Or lorsqu’il y a combat, il faut qu’il y ait des règles strictes. Il ne s’agit pas d’aseptiser ni le combat, ni le rugby. Une mêlée relevée, ce n’est pas dans les règles. Qui a dit qu’au rugby on pouvait mettre un coup de poing ? On doit gagner ce combat sur des plaquages, des percussions ou sur des évitements. C’est un sport loyal » s’emporte le technicien de Montpellier, qui s’interroge : « Quel rugby veut-on mettre en place pour pour les cinq ou dix années à venir ? Avec quels hommes ? Avec quel public ? »

Une loyauté que remet cruellement en cause Anton Oliver.bagarre1_vsagen_maxppp.jpg
« En Nouvelle-Zélande, le jeu déloyal est strictement sanctionné. (…) Mais ici ce n’est pas pareil » affirme le futur retraité qui pointe également les défaillances de l’arbitrage en Pro D2, radicalement moins performant qu’en Top 14, selon lui. « Le niveau des arbitres en Pro D2 est très faible ».

Face à ces attaques, pas les premières, Didier Nourault défend le corp arbitral : « Il nous faut de jeunes arbitres. Une relève. Si on ne met pas ces jeunes en pro D2 pour qu’ils apprennent, on ne peut pas les mettre non plus directement en top 14. Si on agit comme cela, dans deux ans, on n’aura plus d’arbitres ! On tolère que de jeunes joueurs puissent faire des erreurs sur le terrain. C’est pareil pour les arbitres. »
Refusant de s’exprimer sur les sanctions prises par la Ligue, M. Gastou conclut, un brin embêté : « J’ai peur que le rugby ne se footballise ».
Tout est dit !

 » Il y a 20 ans, c’était l’âge de pierre »

Après les bagarres générales qui ont terni de nombreuses rencontres de Top 14 ou Pro D2, Didier Nourault, directeur sportif du club de Montpellier, nous livre son avis de technicien. Entretien

Quel regard portez vous sur les bagarres qui ont émaillé le Top 14 et la Pro D2 récemment ?

C’est inadmissible. Le sport professionnel se doit d’être un exemple. On est loin de l’objectif premier du sport. Le rugby a la chance d’avoir une bonne image et il faut que les acteurs de ce sport y contribuent si l’on veut que les spectateurs suivent. Il faut que notre sport reste un sport de voyous pratiqué par des gentlemen. Il faut rester dans cette culture.

Y a-t-il plus de bagarres qu’auparavant ?

Pour avoir connu le rugby il y a 20 ans, il y en a moins. Là, il y a eu un accès de fièvre et il faut trouver les bons médicaments. Le rugby a changé depuis qu’il est devenu professionnel. Il a évolué et n’a plus rien à voir avec ce qu’il était il y a 5 ans. Il y a 20 ans, c’était « l’âge de pierre ». Quand on est professionnel on a des devoirs. Le premier étant de respecter les règles. C’est la même chose pour le dopage. Il faut qu’il y ait des controles et des sanctions.
154x114_iLyROoaftdqW_2.jpg

« Lorsqu’il y a combat, il faut qu’il y ait des règles »

Que pensez vous des sanctions de la Ligue?

Quelques soient leurs sanctions, je les pense adéquates. Mais s’il y avait eu des sanctions sur d’autres gestes, plus tôt, on en serait pas arriver là. J’ai vu des gestes, en Top 14 ou en Pro D2, qui n’ont pas été sanctionnés et qui sont inadmissibles au haut niveau. Les sanctions n’ont peut-être pas été prises au moment adéquat. Je milite pour qu’il y ait au niveau de la Ligue, une commission d’éthique qui visionne tous les matches et qui puisse prendre les sanctions appropriées.

Tente-t-on d’aseptiser le rugby?

En effet, c’est un sport de combat. Or lorsqu’il y a combat, il faut qu’il y ait des règles. Il ne s’agit pas d’aseptiser ni le combat, ni le rugby. Une mêlée relevée, ce n’est pas dans les règles. Qui a dit qu’au rugby on pouvait mettre un coup de poing? On doit gagner ce combat sur des plaquages, des percussions ou sur des évitements. C’est un sport de combat loyal, qui est limité par des règles.

En Pro D2, des arbitres expérimentés auraient-ils pu éviter ces dérapages ?

Un arbitre expérimenté aurait pu tenir mieux certains matches. Mais il nous faut des jeunes arbitres. Si on ne met pas ces jeunes arbitres en pro D2 pour qu’ils apprennent, si on agit comme cela, dans deux ans, on n’aura plus d’arbitres ! On doit tolérer qu’ils fassent des erreurs. Il faut que le rugby soit une cohérence. Son avenir est en jeu