Fin de vie : peut-on mourir librement ?

Alors que Vincent Lambert est plongé dans un état de conscience minimal depuis 2008, sa famille se déchire sur son sort. Dans l’attente d’une décision de justice européenne, l’affaire relance à nouveau le débat sur la fin de vie. Euthanasie, suicide assisté : tour d’horizon de la législation en France et chez nos voisins.

Le cas Lambert

Vincent Lambert, 39 ans, victime d’un grave accident de la route en 2008 est depuis tétraplégique. Cet ancien infirmier psychiatrique est maintenu en vie artificiellement suite à la décision de la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) qui s’est prononcée le 7 janvier dernier contre l’avis du Conseil d’État et du corps médical du CHU de Reims.
Dans un état végétatif depuis presque sept ans, la famille de ce jeune père se déchire en justice sur son sort. Ses parents, une de ses sœurs et un demi-frère, demandent à ce qu’il soit maintenu en vie. Sa femme, Rachel Lambert, se prononce pour le droit de laisser mourir son compagnon. Elle est soutenue dans son combat judiciaire par le neveu de Vincent Lambert, cinq frères et sœurs et l’équipe médicale. Les juges devront trancher dans les prochaines semaines. En attendant leur décision qui devrait être rendue en février ou mars, le débat sur la légalisation de l’euthanasie est relancé. Avant que le silence ne remporte une dramatique victoire, Vincent Lambert s’était, selon son épouse et l’un de ses frères, exprimé contre l’acharnement thérapeutique.

Cette affaire fait écho à la tragique histoire de Vincent Humbert qui avait suscité de vives émotions au sein de la population. En septembre 2000, le jeune homme âgé de 19 ans, est également victime d’un terrible accident de la route. Devenu tétraplégique, aveugle et muet, il avait entrepris de nombreuses démarches pour obtenir le droit d’être euthanasié. Allant même jusqu’à écrire une lettre au président de la République d’alors, Jacques Chirac, en vain. En septembre 2003, la mère de Vincent Humbert, aidée d’un médecin, provoque la mort de son fils. En février 2006, le jugement se conclut par un non-lieu.

Aucun d’entre nous n’est à l’abri de vivre une telle situation. Il est donc légitime de se demander si, dans nos sociétés actuelles et avec les lois qui les gouvernent, nous avons la liberté de choisir comment et quand rendre notre dernier souffle.

En France, le débat est ouvert

La question de la législation sur la fin de vie est de nouveau ouverte au sein du Parlement, tout comme au gouvernement. Depuis le mois de janvier, les députés débattent de la proposition de loi initiée par le tandem Claeys (PS) – Leonetti (UMP). Il s’agit pour l’instant d’une passe d’armes sans vote au terme de laquelle un projet de loi devrait voir le jour. Si consensus il y a, dans la majorité comme dans l’opposition, c’est sur le rejet du rapport rendu par les deux élus. En effet, celui-ci évite soigneusement de traiter des sujets les plus épineux, comme l’euthanasie et le suicide assisté. Tout juste est mis en avant la nécessité de reconnaître un « droit à la sédation en phase terminale ». En d’autres termes, endormir la personne malade pour atténuer la perception d’une douleur, d’une souffrance insupportable. Une avancée à pas feutrés en comparaison aux trois lois précédentes qui servent de gouvernail.

  • La première loi datant du 9 juin 1999 garantit au patient malade le droit d’accès aux soins palliatifs. Quinze ans plus tard, le constat est sans appel : seulement 20% des patients qui réunissent les conditions pour en bénéficier y ont accès.
  • La seconde loi du 4 mars 2002 ouvre, quant à elle, de nouveaux droits aux malades. Ces derniers, étant dans leur propre intérêt, peuvent décider de refuser tout acharnement thérapeutique inutile. Si tant est qu’ils soient en état d’exprimer leurs volontés.
  • C’est dans ce cadre que la loi Léonetti du 22 avril 2005 complète le vide juridique de celle de 2002. Ce texte renforce le pouvoir et l’autonomie des patients dans le sens où elle affirme l’interdiction de l’obstination déraisonnée pour tous les malades. Selon une estimation du Ministère de la Santé, ce point concerne environ 1500 personnes en état végétatif ou pauci-relationnel.

La proposition de loi de MM. Claeys et Leonetti cherche ainsi à renforcer la dernière en vigueur. Pour prendre les devants face à ces états où le patient ne peut pas exprimer clairement sa volonté, la rédaction de directives anticipées s’impose comme une solution évidente. Un « droit à être entendu » qui appuierait une fois de plus le pouvoir décisionnel du malade. Jusqu’à présent, ces consignes n’ont qu’un caractère consultatif et non contraignant. Le médecin peut donc choisir d’appliquer – ou non – les volontés du patient.

Qu’en est-il chez nos voisins ? La question demeure d’actualité dans tous les États membres de l’Union européenne. En l’absence d’une harmonisation européenne, la législation diffère d’un pays à un autre. Et la liberté de mourir dans la dignité est sensiblement disparate que l’on soit citoyen suisse, italien, suédois, allemand ou autre. Tour d’horizon…

Les législations des pays européens en matière d’euthanasie


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Le débat sur l’euthanasie relancé

L’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) attend au tournant l’une des promesses de campagne de François Hollande. Réunie samedi dernier à Castelnau-le-Lez, lors d’une conférence, l’association milite pour une loi légalisant l’euthanasie.

Françoise Bonne (ADMD34) et le Dr Senet ont animé les débats.C’est au Palais des Sports, samedi dernier, à Castelnau-le-Lez, que l’ADMD a organisé une conférence publique avec pour mot d’ordre : «l’aide active à mourir, un dernier soin justifiant une loi ». Selon Françoise Bonne, déléguée ADMD 34 « L’euthanasie ne doit pas être un sujet tabou. Trop de personnes ayant une maladie incurable et évolutive souffrent avant de s’éteindre. Dans ces cas, l’aide active à la mort est un acte humain de compassion. »

La proposition 21

Lors de la campagne présidentielle, au printemps dernier, le candidat François Hollande énumérait soixante propositions. Parmi elles, on retrouve la n°21, dont le but est que « toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ».

Élu Président de la République, François Hollande a donc désigné le professeur Sicard, ancien président du comité d’éthique, pour mener une réflexion sur l’accompagnement de la fin de vie. Dans ce cadre, des débats citoyens sont organisés dans les grandes villes. Le tout afin de rendre un rapport dont la date de dépôt est fixée au 22 décembre.

Une promesse de campagne très attendue

C’est dans ce contexte que l’ADMD prône une loi qui assumerait l’euthanasie. Le docteur Senet, invité d’honneur de cette conférence, explique : « il ne faut pas se mentir, de nombreux médecins ont été amenés à la pratiquer dans le cas où leur patient souffrait le martyr, tout en sachant que l’issue serait fatale ». Certes la loi Léonetti, adoptée en 2005, est une avancée considérable, mais elle « est aussi contestable puisque ce sont les médecins qui ont le dernier mot et non le patient ». Cette loi, qui interdit l’acharnement thérapeutique et instaure un droit au « laisser mourir », stipule aussi que la décision se prend en accord avec le médecin. Qu’en est-il si celui refuse ?
C’est donc à cette question que l’association entend mettre un terme en redonnant le plein pouvoir au patient concerné. Parmi les bénévoles, Sylvie et Yvette considèrent que la mort peut être un « choix, tout aussi important que celui de l’enterrement ou de l’incinération, qui dépend des croyances et des désirs de chacun. La souffrance de nombreuses personnes faisant face à une maladie incurable et évolutive dont la seule issue est la mort, est insupportable. Si l’issue est fatale alors pourquoi ne pas avoir le droit de partir quand nous le souhaitons ? ».

Le débat est loin d’être clos, d’autant plus qu’un sondage Ifop, pour le Pèlerin Magazine (septembre 2012) révèle que 86% des français déclarent être favorables à la légalisation de l’euthanasie. Il ne reste plus qu’à attendre le diagnostic du Pr Sicard.

Chantal Sébire relance le débat sur l’euthanasie.

Chantal Sébire, défigurée par une maladie incurable, a demandé mercredi à la justice le droit d’être euthanasiée par un de ses médecins.  » Une requête exceptionnelle et légitime  » selon son avocat, Me Gilles Antonowicz.

Chantal Sébire, ancienne professeur des écoles de 52 ans, domiciliée à Plombières-les-Dijon (Côte-d’Or) et mère de trois enfants, a appris en 2002 qu’elle était atteinte d’une « Esthesioneuroblastome« , une tumeur évolutive des sinus et de la cavité nasale.
Une maladie très rare – seuls 200 cas ont été recensés dans le monde depuis 20 ans -, incurable et dont l’évolution provoque une déformation spectaculaire et irréversible du visage. Dans une interview au Monde le 12 mars, Chantal Sébire dit se sentir  » littéralement mangée par la douleur. « 

Dernier combat. Opposé au suicide, cette mère de famille de trois enfants avait évoqué l’idée de rejoindre la suisse, la Belgique ou les Pays-Bas afin de bénéficier d’une euthanasie. En saisissant la justice Française, son combat pour le droit de mourir dans la dignité prend une autre ampleur. Oublié depuis l’affaire Vincent Imbert, le débat sur l’euthanasie refait subitement surface.  » C’est le dernier combat que je peux mener, s’il ne me sert pas directement, qu’il serve au moins à d’autres après moi.  » explique Chantal Sébire dans son interview au Monde.

« Je demande simplement que ce calvaire s’arrête. »

Loi Léonetti. Selon son avocat, Me Gilles Antonowicz, la loi Léonetti du 22 avril 2005 sur les droits des malades « reconnait le droit aux malades en fin de vie de refuser tout traitement et le droit de soulager leurs souffrances, mais elle ne dit rien lorsque les malades refusent la solution proposée qui est le coma artificiel et la mort au bout de dix à quinze jours » .
Le président du tribunal de grande instance (TGI) de Dijon «a mis son jugement en délibéré à lundi prochain», a précisé à l’AFP Me Antonowicz, qualifiant cette démarche de «première.»

En conclusion de son interview, Chantal Sébire confie sa vision de l’euthanasie, «il ne s’agit nullement de tuer, mais de poser un geste d’amour envers l’humain en souffrance en face de soi, d’accompagner vers ce dernier cap. Nous ne sommes pas des éternels vivants, ni vous ni moi. Je demande simplement que ce calvaire s’arrête.»