La lumière s’éteint, les cris restent

Mobilisation et engagement étaient les mots d’ordre, hier soir, place de la Comédie. Alors qu’un cercle du silence pour les sans papiers s’organise en face de l’office du tourisme, l’opéra se mobilise contre la peine de mort.

« 3, 2 ,1… » Les lumières du célèbre bâtiment s’éteignent le temps de quelques minutes de soutien à cette lutte vieille de plusieurs siècles. L’initiative vient de l’association Amnesty international dans le cadre de son opération, « Villes pour la vie, Villes contre la peine de mort » à laquelle Montpellier participe. Une cinquantaine de personnes s’était réunie pour écouter la lecture d’un texte de Victor Hugo malheureusement toujours d’actualité. Ilène Grange, responsable de l’antenne jeune d’Amnesty international de Montpellier prête sa voix au célèbre auteur militant. Tandis que Michel Vaschalde, président du groupe de l’association à Montpellier met des visages sur cette réalité. Il évoque Aicha, jeune fille de 13 ans accusée d’adultère suite à plusieurs viols et lapidée en Somalie. Et Troy Davis, célèbre prisonnier américain condamné à mort en attente d’exécution malgré ses nombreux appels. Attendue, Hélène Mandroux n’a pas fait acte de présence. Son délégué reprend les chiffres de l’association: 1252 exécutions recensées dans 24 pays pour viol, homosexualité, adultère qui rappellent que le meurtre d’ État est encore possible. Il encourage une humaine révolte et rappelle que la date du 17 octobre 1981 qui signe la fin de la peine de mort en France ne signe pas pour autant la fin d’un combat. L’opéra se rallume, les participants sont invités à partager un vin chaud. La vie continue, en tout cas ici, à Montpellier.

Chantal Sébire relance le débat sur l’euthanasie.

Chantal Sébire, défigurée par une maladie incurable, a demandé mercredi à la justice le droit d’être euthanasiée par un de ses médecins.  » Une requête exceptionnelle et légitime  » selon son avocat, Me Gilles Antonowicz.

Chantal Sébire, ancienne professeur des écoles de 52 ans, domiciliée à Plombières-les-Dijon (Côte-d’Or) et mère de trois enfants, a appris en 2002 qu’elle était atteinte d’une « Esthesioneuroblastome« , une tumeur évolutive des sinus et de la cavité nasale.
Une maladie très rare – seuls 200 cas ont été recensés dans le monde depuis 20 ans -, incurable et dont l’évolution provoque une déformation spectaculaire et irréversible du visage. Dans une interview au Monde le 12 mars, Chantal Sébire dit se sentir  » littéralement mangée par la douleur. « 

Dernier combat. Opposé au suicide, cette mère de famille de trois enfants avait évoqué l’idée de rejoindre la suisse, la Belgique ou les Pays-Bas afin de bénéficier d’une euthanasie. En saisissant la justice Française, son combat pour le droit de mourir dans la dignité prend une autre ampleur. Oublié depuis l’affaire Vincent Imbert, le débat sur l’euthanasie refait subitement surface.  » C’est le dernier combat que je peux mener, s’il ne me sert pas directement, qu’il serve au moins à d’autres après moi.  » explique Chantal Sébire dans son interview au Monde.

« Je demande simplement que ce calvaire s’arrête. »

Loi Léonetti. Selon son avocat, Me Gilles Antonowicz, la loi Léonetti du 22 avril 2005 sur les droits des malades « reconnait le droit aux malades en fin de vie de refuser tout traitement et le droit de soulager leurs souffrances, mais elle ne dit rien lorsque les malades refusent la solution proposée qui est le coma artificiel et la mort au bout de dix à quinze jours » .
Le président du tribunal de grande instance (TGI) de Dijon «a mis son jugement en délibéré à lundi prochain», a précisé à l’AFP Me Antonowicz, qualifiant cette démarche de «première.»

En conclusion de son interview, Chantal Sébire confie sa vision de l’euthanasie, «il ne s’agit nullement de tuer, mais de poser un geste d’amour envers l’humain en souffrance en face de soi, d’accompagner vers ce dernier cap. Nous ne sommes pas des éternels vivants, ni vous ni moi. Je demande simplement que ce calvaire s’arrête.»

Acte premier de la politique de civilisation : la présomption de dangerosité.

La  » rétention de sûreté  » est un  » changement profond d’orientation de notre justice. […] Après un siècle, nous voyons réapparaître le spectre de  » l’homme dangereux  » des positivistes italiens Lombroso et Ferri, et la conception d’un appareil judiciaire voué à diagnostiquer et traiter la dangerosité pénale. On sait à quelles dérives funestes cette approche a conduit le système répressif des Etats totalitaires.  » (Robert Badinter, La prison après la peine, le Monde du 27/11/2007).

Le médecin Cesare Lombroso (1835-1909) représente la figure de proue de l’anthropologie criminelle. Cette science a connu son apogée à la fin du 19ème siècle. De nombreux médecins tentaient alors d’établir les différences anatomiques, physiologiques, psychologiques ou sociales entre les individus  » honnêtes  » et les délinquants.
Désormais, la tache appartiendra à une commission pluridisciplinaire composée de médecins, magistrats, préfets et responsables pénitentiaires. Le rôle de ce collège d’expert sera d’évaluer le  » degré de dangerosité  » d’un détenu ayant purgé sa peine. En fonction du diagnostic, les détenus pourront être placés en rétention dans des centres appelés « médico-socio-judiciaires », pour une période d’un an renouvelable indéfiniment, sur décision de justice.

Une incarcération ne dépendra plus exclusivement de l’acte qui a été commis. La dangerosité supposée d’un individu suffira.

Dès l’annonce du projet de loi instituant une rétention de sécurité trois organisations (GENEPI, SNEPAP-FSU, Syndicat de la magistrature) ont appelé les parlementaires à ne pas voter ce texte. Elles ont été rejointes par plus de 40 associations et syndicats.

Sans résultat. La loi sur la rétention de sûreté portée par la ministre de la Justice Rachida Datia, été publiée, mardi 26 février, au journal officiel. Certes, le conseil constitutionnel a partiellement censuré l’application de ce texte en refusant que la loi soit rétroactive. Néanmoins,  » les sages  » n’ont pas opéré de rupture avec les principes que développe ce texte. Plus exactement, les membres du conseil constitutionnel n’ont pas empêché que les principes affirmés dans la déclaration de 1789 soient rompus. Désormais, une incarcération ne dépendra plus exclusivement de l’acte qui a été commis. La dangerosité supposée d’un individu suffira.

 » On crée l’emprisonnement pour raisons de dangerosité, concept éminemment flou « 

Dans Le Monde daté du 24 février, l’ancien garde des sceaux Robert Badinter avait estimé que cette loi constituait « un tournant très grave de notre droit« . « On crée l’emprisonnement pour raisons de dangerosité, concept éminemment flou. Une personne sera enfermée, non plus pour les faits qu’elle a commis, mais pour ceux qu’elle pourrait commettre. On perd de vue l’un des fondements d’une société de liberté. On est emprisonné parce que l’on est responsable de ses actes. Nous passons d’une justice de responsabilité à une justice de sûreté. C’est un tournant très grave de notre droit. Les fondements de notre justice sont atteints. Que devient la présomption d’innocence, quand on est le présumé coupable potentiel d’un crime virtuel ? »

De son coté, le président de la république est lui aussi animé par un principe qui lui est cher.  » Le risque zéro. « . Les membres du gouvernement, dans leur stratégie de défense de la loi instituant la rétention de sûreté, évoquent les plus atroces faits divers de ces dernières années avec pour fer de lance, l’affaire Evrard. Ces tragiques événements alimentent naturellement le rêve d’une société sans risque. Or, le risque zéro n’existe pas. Dans un rapport d’information sur les mesures de sûreté concernant les personnes dangereuses (2006), les sénateurs Philippe Goujon et Charles Gautier indiquaient que  » s’il est indispensable de limiter le plus possible le risque de récidive, celui-ci ne peut être dans une société de droit, respectueuse des libertés individuelles, complètement éliminé « .

 » La vie en société est un risque, on l’assume ou pas « 

Gilles Sainati, vice-président du Syndicat de la magistrature, lors d’une conférence sur le thème de la sécurité le mardi 22 janvier à Montpellier avait également abondé dans ce sens :  » Le chiffre officiel des récidives en cas de libération conditionnelle est de 1%. La vie en société est un risque, on l’assume ou pas. On ne pourra pas aboutir à une société de risque zéro à mon sens. A moins de faire le choix d’une société où la notion de liberté est très limitée  »
Une idée reprise par les signataires de l’appel.  » Nous ne pouvons accepter un modèle de société qui sacrifie nos libertés au profit d’un objectif illusoire de  » risque zéro « . Selon eux, le fait de  » procéder à des enfermements préventifs, sur la base d’une présomption d’infraction future et dans une logique d’élimination s’apparente à une mort sociale « . Or, depuis 1981 la logique d’éliminer définitivement du corps social un individu a été abolie au profit de valeurs humanistes. Toutefois, si le sifflement du couperet des guillotines ne se fait plus entendre, certains détenus continuent d’attendre leur mort en prison.

Le service public pénitentiaire a pour objet, depuis la loi du 22 juin 1987, « de participer à l’exécution des décisions et sentences pénales et au maintien de la sécurité publique, et de favoriser la réinsertion sociale des personnes confiées par l’autorité judiciaire « . La loi sur la rétention de sûreté pose la question de la réinsertion des détenus en fin de peine.
Pourquoi attendre ? Ne faudrait-il pas se poser se concentrer sur la réinsertion des détenus dès leur condamnation ? Ne serait-il pas plus honorable de réfléchir à des peines qui tendent à placer l’individu au cœur de la société plutôt que de l’en exclure ?

Depuis l’abolition de la peine de mort en 1981, l’élimination, qu’elle soit physique ou sociale d’un criminel, n’existait plus. Sans distinction, la république relevait le défi de la réinsertion de tous les individus. La loi sur la rétention de sûreté balaie vulgairement cet héritage politique.
Sans doute, le premier acte de la politique de civilisation souhaitée par le chef de l’Etat.

PRISONS : en attendant la mort.

83 ans. C’est l’espérance de vie moyenne d’un homme en France. De 1900 à 2000, elle est passée de 40 à 78 ans. Et les conséquences sont multiples. Souvent relayées par démographes ou politiques, certaines sont parfois insoupçonnées. Si les agences de voyage célèbrent le bien-être de la génération des papy-boomers, pour une fraction de la population, l’allongement de l’espérance de vie ne rime pas avec bien-être mais avec souffrances.

Invisibles. Les détenus sexagénaires sont de plus en plus nombreux. Au 1er octobre 2005, les prisons françaises comptaient 2013 incarcérés âgés de plus de 60 ans, dont 411 avaient plus de 70 ans. Un chiffre en augmentation, notamment en raison de l’allongement des sanctions depuis l’abolition de la peine de mort en 1981. L’Observatoire International des Prisons par l’intermédiaire de deux rapports en cinq ans s’est penché sur les évolutions démographiques au sein des établissements pénitentiaires. L’OIP dévoile « une souffrance cachée derrière les murs ». Cette nouvelle donne se heurte à la vétusté des prisons. Les détenus âgés parlent peu de la mort. Leur souffrance est masquée. Peu nombreux à se suicider à cet âge-là, les personnes âgées incarcérées sont davantage dans le syndrome de glissement.

« C’est mes maudits genoux et cette foutue pluie Lorraine »

Maison d’arrêt de Metz-Queuleu. 17h, sous les néons qui peinent à compenser l’obscurité écrasante du couloir central, les détenus s’affairent à leurs occupations. La règle est simple, « il faut travailler pour gagner de quoi cantiner ». Le bruit des portes qui claquent et les verrouillages automatiques rythment le déplacement des incarcérés. Fred, 30 ans, et Jacques, 64 ans, allure frêle et fragile, ont pour mission d’acheminer « les gamelles » des cuisines au « Bloc B » où séjournent les détenus. Fred pousse le chariot pendant que Jacques ouvre les lourdes portes. A leur passage l’odeur de tabac froid s’efface et laisse place au parfum du menu du soir. « Ce soir c’est choucroute les gars, Alsace en force ! » annonce Fred. Un peu plus loin, stoppé net par trois marches d’escalier, Luc, 59 ans, reprend des forces. Armé de sa canne, il exprime sa souffrance « c’est mes maudits genoux et cette foutue pluie Lorraine, c’est pas bon pour mes rhumatismes ». Philosophe ou réaliste il enchaine, « de toute façon, ici, c’est bien le seul endroit où je ne suis pas pressé. »

Vieillir et mourir en prison, Dedans-Dehors (n°46), OIP

INTERVIEW : Marcel, 67 ans a purgé une peine de 16 ans de prison. Les trois dernières années, il était incarcéré à la maison d’arrêt de Metz-Queuleu. Il a retrouvé la liberté en Juillet 2007.

Quel regard portez-vous sur vos seize ans d’incarcération ?
Etrangement, ce n’est pas la solitude ou la privation de liberté qui m’a le plus fait souffrir. On s’habitue à tout. Ce qui m’a le plus peiné c’est de ne pas pouvoir être au sein de ma famille durant des périodes douloureuses. Ne pas pouvoir assister à l’enterrement de ma mère m’a beaucoup peiné. La prison n’est pas différente de dehors sur un point. Si on garde le moral, la vie y est plus facile.

Comment vivez-vous votre réinsertion notamment au regard de votre âge ?
J’ai une chance que beaucoup d’autres détenus de mon âge n’ont pas. Mon épouse et ma fille ne m’ont pas quitté. Ce qui change tout. Non seulement en prison car je gardais le moral et j’avais des visites qui m’apportaient beaucoup de joie, mais aussi à l’extérieur. Je n’ai pas eu à me « réadapter à la vie » tout seul ; j’ai pu prendre le temps. Beaucoup de choses ont changé et à mon âge, il faut du temps pour comprendre. Internet, les portables, la carte vitale, tout ça je ne connais pas, moi !

« A la sortie on est plus seul qu’un mort. »

Que pensez-vous du fait que de plus en plus de détenus ont plus de 60 ans ?
La prison n’est pas faite pour accueillir ce public. Physiquement, c’est dur. Les portes sont lourdes, il fait froid, c’est bruyant, on s’ankylose, etc. Les services de soins ne sont pas à la hauteur des pathologies du troisième âge. Moralement, chaque année qui passe est de plus en plus souffrance. On perd espoir de revivre pleinement un jour surtout si, comme c’est souvent le cas, la famille n’est pas présente ou disparaît subitement. Du coup, à la sortie on est plus seul qu’un mort.

A lire sur le même thème : « Un détenu en prison coûte six fois moins cher qu’un malade dans un hôpital psychiatrique »

«La vie en Société est un risque, on l’assume ou pas»

La globalisation de la surveillance: aux origines de l’ordre sécuritaire ». Mardi 22 janvier, la librairie Sauramps a organisé à l’auditorium du Musée Fabre une conférence avec le sociologue Armand Mattelart et le magistrat Gilles Sainati à l’occasion de la sortie de leurs ouvrages respectifs.

Annoncé comme un débat, les points de vues des deux invités ont plutôt tendu à la convergence. L’animateur du débat Jean-Jacques Gandini, avocat, ne portera pas non plus la casquette de contradicteur. L’ambiance est à la « résistance ».

Armand Mateelart est sociologue, professeur en science de l’information et de la communication. Il est à la tête d’une production bibliographique pléthorique sur la question, entamée dés 1974. Le titre de la conférence de ce soir est celui de son dernier livre: « La globalisation de la surveillance: aux origines de l’ordre sécuritaire » [[paru aux éditions La Découverte]]. Son ouvrage «le plus biographique».

A ses cotés, se trouve Gilles Sainati, magistrat, secrétaire du Syndicat de la Magistrature, et Juge d’application des peines à Montpellier de 1991 à 2003. Il présente ce soir « La Décadence sécuritaire »[[paru aux éditions La Fabrique]], son dernier ouvrage co-écrit avec Ulrich Schalchli.

Armand Mattelard, Jean-Jacques Gandini et Gilles Sainati

Armand Mattelart ouvre le bal. Sa pensée est foisonnante, son expression vive. A tel point que par moment l’exposé en devient un brin confus. Sa réflexion part, dit-il d’une intuition. Pour lui, «ce nouvel ordre juridique» qu’est la surveillance globalisée, prend ses sources dans la doctrine de surveillance du communisme dès 1947. Ce que d’autres appellent «dérive sécuritaire», il le nomme «aberration des doctrines de sécurité nationale». Les mots ont un sens. En particulier pour un universitaire qui a voué sa vie à l’étude de la communication.

Au cœur même, d’une doctrine de sécurité nationale, se trouve la notion «d’ennemi intérieur». Rampant sous ce terme, se cache une réalité plus effrayante: celle de la suspicion généralisée.

Pour lui, les doctrines de sécurités nationales sont à inscrire dans l’histoire longue des états. On ne peut les comprendre qu’aux travers des séquelles laissées dans l’histoire par les « États d’exceptions », c’est à dire en temps de guerre, ou de situations totalitaires.

Ainsi, le « Patriot Act »[[Loi voté le 26 octobre 2001 par le congrès américain. Ce texte renforce les pouvoirs des différentes agences de sécurité nationale afin de prévenir les actes terroristes. Cette loi suscité beaucoup de polémique, du fait de son aspect liberticide]] reprend la doctrine de sécurité nationale américaine là où le MacCarthysme l’avait laissée.


Armand Mattelard conclut son exposé en évoquant «une mondialisation des normes sécuritaires». Les thèmes, doctrines et méthodologies de surveillance produites dans des situations particulières circulent librement. Ce fût le cas pour les doctrines sécuritaires élaborées aux États-Unis après le 11 septembre, ou encore en Israël. Entre les lignes Mattelard trace un lien de filiation entre le Patriot Act, et l’imposition du thème de la sécurité dans la campagne électorale française de 2002.

Le Pénal se substitue au Social

Le Magistrat Gilles Sainati poursuit. Son discours est plus structuré. La thèse de l’ouvrage qu’il défend, «La Décadence sécuritaire» traite de la déliquescence des principes fondamentaux du droit pénal.

Nous sommes passés, nous dit-il, de la notion de sureté, inscrite dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, à la notion de sécurité. D’un droit individuel, la notion s’est transférée continue t-il vers un droit de l’État. Là encore, la sémantique est importante. Cette substitution annihile proprement la conception d’État de Droit. Dans un État de Droit, le citoyen est libre, et il est protégé des dérives de l’État par un certains nombre de règles pré-établies. Si la sécurité nationale prime, alors les droits du citoyens ne sont plus supérieurs à ceux de l’État.

En tant que Juge d’application des peines, Gilles Sainati a vu s’effondrer la prévention au profit de la sécurité. Il a vu la police remplacer les associations. Il a vu le pouvoir du procureur augmenter et celui des juges se réduire. Il a vu l’apparition de «l’incivilité» dans le contentieux pénal. Il a vu les procédures se dédouaner d’un certain nombre de contraintes, et la compétence disparaître sous couvert de rationalité administrative.


Dans une surenchère sécuritaire, ont été créés des listings informatique (le fameux STIC) où sont recensés les coupables, mais aussi les victimes, et tous les individus qui ont été entendus dans le cadre d’une affaire pénale. Coupable ou non. Ces fichiers au départ destinés aux crimes sexuels se sont généralisés à toutes les affaires pénales. Ils sont depuis 2002 consultables par les administrations.

Pour Gilles Sainati, on est en train de développer le comportementaliste. L’objectif, qui semble relever de la science fiction, est d’empêcher l’individu de commettre un crime avant qu’il ne songe à le commettre. Par l’établissement de types comportementaux sur différents critères familiaux, économique, sociaux. Puis à ces fichiers on a adjoint les empreintes génétiques des coupables.

Dans la logique du «Qui vole un œuf, vole un bœuf». Toute condamnation passée, quelle qu’elle soit. apparaîtra comme circonstance aggravante. Ce qui est la négation de l’aspect réparateur de la sanction judiciaire.

L’accueil de l’audience sera mitigé. Après tout, bien nombreux sont les satisfaits des nouvelles mesures prises par les aéroports, et personne ne voudrait voir un pédophile ou un violeur en liberté. Pourtant, Gilles Sainati le rappelle: «Le chiffre officiel des récidives en cas de libération conditionnelle est de 1%. La vie en société est un risque, on l’assume ou pas. On ne pourra pas aboutir à une société de risque zéro à mon sens. A moins de faire le choix d’une société où la notion de liberté est très limitée
»